70 Musique - février 2020 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 26 février 2020

Anciens et nouveaux


Chaque fois qu'un instrument vient s'ajouter à ma panoplie de poly-instrumentiste je jubile et trouve de nouvelles inspirations. Le dernier en date est encore à Rennes, une shahi baaja que Sacha vient de me vendre. Fusion de la harpe, de l'épinette des Vosges, du dulcimer et de la guitare électrique, cette cithare indienne possède 2 cordes mélodiques, 3 cordes bourdons, 10 cordes sympathiques. Celle construite par Paloma est donc une adaptation électrifiée et légèrement modifiée du bulbul tarang indien ! J'en ai un très rudimentaire depuis près de 50 ans, mais c'est vraiment un instrument de touriste. Je l'appelais cithare à touches. Sur le Net on trouve diverses démonstrations, mais je suis curieux de savoir comment je l'utiliserai, et si je transformerai son timbre avec des effets... J'attendrai mon voyage à Rennes début mai à moins que quelqu'un me la remonte, mais elle mesure près d'un mètre et semble assez lourde. J'ai d'autre part tenté d'acheter des cordes neuves, mais le prix d'envoi varie entre 65 et 125€ de transport, ce qui est délirant pour un jeu de cordes...


En photo tout en haut, deux instruments que j'ai récupérés après en avoir été privé pendant longtemps. Le premier est mon Blanqui de 1921, un niçois entièrement révisé par Laurent Paquier des Luthiers de l'Est Parisien. J'avais cherché à le vendre pour payer mes implants dentaires, mais, n'ayant pas trouvé d'acquéreur et revenu à une stabilité économique, j'ai choisi de le garder. Je ne sais pas jouer du violon, mais alors pas du tout, or les bruits que je commets avec sortent avec une facilité, une évidence et un plaisir qu'aucun autre instrument ne me procure. On a beau ne rien y connaître, les bons instruments donnent des ailes. C'est pareil avec les musiciens, jouer avec d'excellents interprètes est la meilleure école que j'ai fréquentée.
Quant au PPG Wave 2.2, son timbre est exceptionnel, d'une transparence inégalée, aux attaques tranchantes comme une lame. Après l'ARP 2600, ce fut mon second synthétiseur, magnifique appareil acquis grâce aux bons soins d'Hélène Sage. Contrairement au précédent, il pouvait mémoriser ses programmes, et à l'opposé du suivant, il n'avait pas encore adopté la norme midi lui permettant une connexion informatique. Voilà deux ans qu'il était en panne. Le bricoleur que m'a indiqué Étienne Auger l'a ressuscité, en même temps que l'Ensoniq VFX-SD dont le clavier avait lâché. Le PPG est revenu juste à temps pour que je l'intègre à la dernière pièce de mon prochain album que j'ai probablement bouclé hier, séance dont je parlerai demain.

vendredi 21 février 2020

L'1consolable devient Sauvage


Lors du colloque avignonnais organisé par Les Allumés du Jazz autour du thème "Enregistrer la musique, pour quoi faire ?", j'avais acheté deux albums à L'1consolable, Rap Games et L'augmentation. Le second, "un album dont vous êtes le héros", est interactif, sorte de jeu de l'oie qui nous fait découvrir les plages du disque dans des ordres différents. Et pas question de se contenter d'une version numérique. Tandis qu'on zappe, on suit le superbe livret de 52 Pages sous couverture rigide. Il y a beaucoup à lire, autant que L'1consolable en a à dire.
Cette fois il se lâche sur le sauvage, et sur les "animaux dénaturés" comme nous appelait Vercors. Là où l'Homme passe la Nature trépasse. Pas seulement. L'1consolable fait la chasse à la sauvagerie libérale, à la brutalité policière, il commente l'actualité des Gilets Jaunes ou du machisme assassin. Les sauvages sont également celles et ceux qu'on a affublés du terme pour mieux les asservir lors de la colonisation. Nos gouvernements continuent à voler leurs terres et leurs ressources, mais la langue de bois joue du politiquement correct. À l'opposé, L'1consolable, dont le scat râpeux me rappelle Bobby Lapointe, va droit au but. Le flow ne mâche pas ses mots, il les articule. Pour une fois je comprends, évidemment parce que c'est dans la langue de Molière, et ses sujets me parlent. La rythmique est un peu trop hip hop à mon goût, mais la musique se déploie lorsqu'apparaissent les clarinettes de Sylvain Kassap, les guitares de Young Bat, les scratches de Blanka (La Fine Équipe), les voix d'Irina Prieto Botella ou Skalpel... Avec les dos des Gilets Jaunes chroniqués hier, après avoir feuilleté le livret réalisé par Sylvain Bec, j'ai l'impression que les graffiti s'emparent de tous les supports possibles, pages arrachées au quotidien, à ce qu'il est et à ce qu'il pourrait être ! Sauvage est un disque de combat.

→ L'1consolable, Sauvage, 15€ CD digipack avec livret de 20 pages, 10€ en numérique...

mardi 11 février 2020

Chinese Man + Scratch Bandits Crew + Baja Frequencia


Chinese Man Records est définitivement mon label français de trip-hop préféré, encore que les paroles, presque toujours en anglais m'échappent généralement. Mais la base est radicalement marseillaise. Pour célébrer ses 15 ans le trio Chinese Man a invité le duo Baja Frequencia et le duo de platinistes Scratch Bandits Crew à passer une semaine ensemble en montagne pour revisiter en toute liberté les morceaux les plus célèbres du label. Le mélange des genres me rappelle les meilleurs moments de Wyclef Jean, l'utilisation de found footage certains disques d'Un Drame Musical Instantané, le groove une amphétamine hallucinogène. Ça swingue, c'est plein d'images mentales, c'est souvent drôle. En concert ils sont accompagnés des MCs Youthstar et Miscellanous (Chill Bump) auxquels s'ajoutent ASM, Illaman, CW Jones et Taiwan MC sur l'album.


J'avais déjà vu (et entendu) le clip impressionnant réalisé par Boris Vassalo & Jérémie Poppe sur une idée originale de High Ku avec le performeur Régis Truchy. Là je repense au mythique et incontournable Weapon Of Choice de Fatboy Slim avec Christopher Walken filmé par Spike Jonze. Mais ne vole ici que la valise ! Si les réminiscences sont au programme de l'album comme de la vidéo de The Drop, les sessions des Marseillais préservent leur originalité en jouant sur une exubérance emprunte de quantité de cultures festives.

→ Chinese Man + Scratch Bandits Crew + Baja Frequencia, The Groove Sessions Vol. 5, CD/2LP Chinese Man Records, distr. Believe Digital/DFiffer-Ant, sortie le 21 février 2020

samedi 8 février 2020

Photos de la pochette de L'Homme à la caméra par Étienne Mineur


Comme toujours, Étienne Mineur sait mettre en valeur ses créations par de belles photographies.


Francis Gorgé et moi lui avons demandé de concevoir une nouvelle pochette pour la première édition CD de L'homme à la caméra publiée par Walter Robotka du label autrichien Klanggalerie.


Chose rare, ni Francis ni moi ni même Bernard n'aimions la pochette originale du vinyle d'Un Drame Musical Instantané.


C'est d'autant important qu'elle soit nouvelle que nous avons ajouté une autre partition (totalement inédite), La glace à trois faces, également avec le grand orchestre du Drame, 15 musiciens et musiciennes.


Ont déjà été réédités en CD Trop d'adrénaline nuit (chez GRRR), Rideau ! et À travail égal salaire égal sur Klanggalerie, Défense de sur MIO Records (mais à nouveau épuisé).


Le prochain vinyle à sortir en CD sera Carnage qui est épuisé depuis 25 ans.


Francis et moi lui en réaliserons un nouveau master qui lui redonnera, comme aux autres, une nouvelle jeunesse.


Et le bonus sera de taille, puisqu'il sera interprété par un orchestre symphonique.



→ Un Drame Musical Instantané, L'homme à la caméra / La glace à trois faces, CD Klanggalerie gg277, 17€ frais d'envoi compris

vendredi 7 février 2020

Berceuses du monde entier


Comme je suis grand-père depuis bientôt deux ans, la question des disques pour enfants redevient d'actualité. Il y a quelques mois j'avais évoqué Mes premiers chants apaisants, merveilleux livre-disque concocté par Martina Catella et réalisé avec des artistes d'aujourd'hui. Cette fois Madeleine Leclair a sélectionné 19 berceuses enregistrés de 1940 à 2004 dans 18 pays différents. Toutes proviennent de disques publiés dont un exemplaire est conservé dans les Archives Internationales de Musique Populaire (AIMP) du Musée d'Ethnographie de Genève (MEG). C'est sur ce label que paraîtra mon nouvel album le 7 mai. Certaines berceuses sont chantées, d'autres sont purement instrumentales. On voyage ainsi sur les cinq continents en s'émerveillant de tant d'attention délicate et d'écoute parentale. J'imagine l'importance que peut revêtir ce disque pour les bébés qui grandiront avec ce passé émotionnel. J'ai toujours pensé que, si ma fille Elsa chantait si juste, elle le devait à sa maman qui jusqu'à sa naissance avait joué de l'accordéon tout contre son corps et ses oreilles. Madeleine Leclair, conservatrice du département d’ethnomusicologie au MEG, responsable des collections d'instruments de musique et des AIMP, et éditrice de la collection discographique, souligne les points communs à toutes ces berceuses : des mélodies simples, enchaînements de motifs courts répétés, un contour mélodique global suivant une ligne descendante. Des bottes de sept lieues nous permettent ainsi de sauter de pays en pays sur les marches du rêve.
Lorsqu'Elsa avait six ans, j'étais désespéré par l'offre discographique. Il n'existait pas grand chose d'intelligent en dehors de Steve Waring, Henri Dès, Mouloudji et les Frères Jacques. André Ricros, producteur du label de musique traditionnelle Silex, décida de lancer la collection Zéro de Conduite dont je lui soufflai le nom. Avec Bernard Vitet et Gérard Siracusa, nous avons ainsi composé le spectacle musical Crasse-Tignasse dont le disque marqua nombre de gamins et gamines. Remarquables traductions du célèbre Struwwelpeter du Dr Heinrich Hoffmann par Cavanna, il ne s'agissait pas de berceuses, mais de "chansons pour les enfants qui aiment avoir peur" ! En 1992 Elsa enregistra Only For Love, mais ce n'était pas vraiment pour les enfants, tandis que trois ans plus tard, avec Bernard, nous composâmes pour elle tout un recueil de chansons qui restèrent à l'état de maquettes. Elle avait onze ans. La maman d'Elsa, Michèle Buirette, nous déconseilla d'en faire une bête de foire en exhibant ses talents vocaux et nous rangeâmes tout dans des cartons. Quinze ans plus tard, notre fille réalisa son rêve d'enfance de devenir chanteuse, sans l'appui de papa maman. Aujourd'hui c'est à son tour de monter des spectacles pour enfants. Après Comment ça va sur la Terre ?, elle vient de créer avec la percussionniste suédoise Linda Edsjö, une autre jeune maman, le spectacle Comme c'est étrange ! sous le nom de groupe Söta Sälta. Le disque sort bientôt ! Il va sans dire que j'adore...

Sooting Songs For Babies - Berceuses du Monde, coproduction MEG - Mental Grove Records, CD 15€ / LP 20€