70 Musique - août 2020 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 31 août 2020

Brigitte Fontaine, Portrait de l’artiste en déshabillé de soie


Pascale m'a offert l'enregistrement de l'auto-portrait de Brigitte Fontaine dont j'ignorais l'existence. À la fin des années 60 j'avais trois muses dont le chant orienta probablement ma manière de concevoir les textes en musique. J'eus plus tard la chance de collaborer avec Colette Magny (Comedia dell'amore 315) et Brigitte Fontaine (Amore 529), me contentant d'écrire sur Catherine Ribeiro...
Ainsi toute nouvelle contribution de Brigitte, qu'elle soit musicale ou littéraire, m'enthousiasme. Comme celle de Marianne Faithfull, sa voix a changé au cours des siècles. La petite bretonne est devenue une déesse sans âge. La fumée s'est chargée de leur frêle fragilité de jouvencelle pour la transformer en rocaille où chaque syllabe marque les étapes de leurs vies tumultueuses. À l'une comme à l'autre rien ne fut épargné. Et tout s'entend, nous entrainant dans un monde magique qui leur permit de tirer leur épingle du jeu. Brigitte Fontaine raconte le sien, directe et tordue, avec franchise et arabesques.
Chaque matin de cette semaine, allongé dans le sauna au fond du jardin et donc tout ouïe, j'écoute deux plages de son Portrait de l’artiste en déshabillé de soie. Sa diction me rappelle à la fois Jean Cocteau et Marianne Oswald. Chaque mot semble affublé de son sens, ou du moins de celui qu'elle lui octroie. Elle les mâche pour en tirer le suc, choisissant ses liaisons, aspirées ou allitératives. On entre ainsi dans son univers protégé, qu'impudiquement elle entrouvre pour nous, se réfugiant dans ce qui nous permet de subir ce monde de fous, la poésie.

→ Brigitte Fontaine, Portrait de l’artiste en déshabillé de soie, cd mp3 lu par Brigitte Fontaine, éditions Thélème, 2016

jeudi 27 août 2020

Their Satanic Majesties Influence


Tandis que je termine Life, l'autobiographie de Keith Richards dont la lecture m'a été conseillée par Jean Rochard, je retrouve cet article d'il y a treize ans. Le livre du guitariste des Rolling Stones est passionnant, et bien écrit si j'en juge déjà par la traduction française de Bernard Cohen.

Article du 16 mai 2007

Je résume vite fait. En décembre 1967, les Rolling Stones sortent Their Satanic Majesties Request, 33 tours psychédélique en réponse au Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles paru en juin, lui-même inspiré par le Pet Sounds des Beach Boys. Le seul album expérimental des Stones (conçu sous l'emprise du LSD) eut peu de succès, la presse le descendit, Mick Jagger et Keith Richards dirent qu'ils avaient enregistré "n'importe quoi", sous la pression d'un procès pour détention de stupéfiants et dans l'euphorie des diverses substances qu'ils ingurgitaient pour de vrai. Pourtant, pour les nombreux amateurs de trucs brintzingues et d'inventions musicales, c'est le meilleur disque des Stones, aussi incontournable que le chef d'œuvre des Beatles.
Six mois après sa sortie et le joli mois de mai (n'en déplaise à tous les renégats en costume rayé), je découvre le We're only in it for the money des Mothers of Invention qui va me faire entrer en musique. Autre référence au Sergent Pepper's, la pochette de Zappa est un pastiche inversé de celle des Beatles, insert compris. J'ai déjà raconté l'influence déterminante que Frank Zappa eut sur mes jeunes années. Mais en réécoutant hier le disque ébouriffant des Stones, je m'aperçois avec stupeur qu'il m'a certainement beaucoup plus influencé dans ma démarche de compositeur que le génial barbichu... Aurais-je été inconsciemment préparé par les Beatles et les Stones à découvrir les Mothers ?
Il est probable que la disparition de Brian Jones en 1969, noyé dans sa piscine de la maison construite pour le créateur de ''Winnie l'Ourson'', orienta définitivement le groupe vers le hard-rock. Les arrangements de Their Satanic Majesties..., étonnants de modernité pour l'époque, le restent aujourd'hui. Le clavecin de Nick Hopkins, le mellotron de Brian Jones, ses improvisations débridées à la flûte, ses cuivres déments font sortir les Stones de leur popitude encore trop sage. Ils durciront le ton avec Street Fighting Man et Sympathy for the Devil, entamant leur période la plus fertile... Brian Jones se révèle ici un multi-instrumentiste arrangeur de génie, intégrant toutes les trouvailles du free jazz, de la musique psychédélique et des formules répétitives qui allaient influencer des groupes comme Soft Machine. Les recherches de timbres pullulent, en particulier sur les voix, le mixage dramatique, au sens où on l'entend à la radio pour les émissions de création.
Sur la pochette est collée une photo en relief des Stones. Des volutes de fumée sur fond bleu font office de papier peint, fond rouge pour la pochette intérieure où l'on glisse le vinyle. Tapisserie au verso et, à l'ouverture, collage réalisé avec le photographe Michael Cooper qui a conçu tout le packaging. Je comprends les fans du vinyle. Une chaleur se dégage de l'objet. Je regarde tourner la galette, l'aiguille passe sur le sillon, c'est mesuré, cadré par le bras qui se lève en fin de face. Juste le temps qu'il faut. Se lever pour retourner le disque. Un peu plus tôt, j'admirais la pochette que Warhol avait faite pour l'Academy in Peril de John Cale...


Je me retrouve dans les longues improvisations de Sing This All Together et de sa longue reprise en fin de face A, (See What Happens), où John Lennon et Paul McCartney prêtent leurs voix et jouent des percussions. Depuis le réveil en 1975 (Birgé Gorgé Shiroc, Défense de, GRRR 1001, réédition cd+dvd MIO 026-027 et lp Wah-Wah Fauni Gena EN 2013) jusqu'à mon récent concert avec Somnambules, je me reconnais dans ces tourneries qui évoluent sans cesse, couches successives inattendues, travail sur la multiplicité de timbres inouïs (réclamés à l'origine par Jagger pour rivaliser avec les Beatles !). Que je joue de mes synthés, de la flûte, des cuivres, des claviers ou de petites percussions, je comprends soudain à quel point ce disque me marqua. J'avais quinze ans, l'âge du passage à l'acte.


2000 Light Years from Home ! Le son du piano d'Hopkins ou les cordes de John Paul Jones sur She's a Rainbow me frappent si je les compare aux orchestrations que nous imaginons avec Bernard. Tout à coup ça dérape. Les cordes grincent. Un truc inimaginable aujourd'hui, sauf peut-être encore chez quelques Radiohead ou Amon Tobin, et chez tous les chercheurs marginaux style Zorn qui continuent à ramer en avant-garde de plus aucun mouvement ! Reprise des délires hallucinogènes avec Gomper, tablas, flûte, sitar, fouet des rameaux de baguettes, boucles des guitares, harmonica déjanté, origines indiscernables, je retrouve encore ce que j'ai cherché à reproduire malgré moi. Le pompon va à 2000 Light Years from Home que j'ai revu live un jour à la télé en 89, fabuleux, et j'avais oublié le synthétiseur de Bill Wyman. Tout l'album est truffé de fugitives petites phrases parlées, de filtrages sur les voix, d'instruments étranges qui flirtent quelques secondes avec l'orchestre. Ici et là, je reconnais mon instrumentarium plus que sur aucun autre enregistrement, sauf peut-être certains vieux Art Ensemble of Chicago. Le dernier morceau du disque me rappelle celui d'Absolutely Free des Mothers, fin de soirée éthylique, ici On with the Show, chez Zappa America Drinks & Goes Home dont je fis la bande-son de mon second court-métrage (Idhec 72, un nouveau scandale financier).
Brian Jones ?!, vous avez dit Brian Jones ?

lundi 24 août 2020

La musique de l'enfer


En 1999, après le succès international du CD-Rom Alphabet je proposai à Frédéric Durieu d'attaquer Le jardin des délices de Jérôme Bosch. Nous avions reçu une magnifique tirage numérique du Musée du Prado à Madrid qui nous permettait de rentrer dans les détails de manière incroyable. Néanmoins notre projet était de prendre des distances avec l'original et d'inventer une interactivité ébouriffante en nous associant avec la graphiste colombienne Veronica Holguin. Hélas l'explosion de la bulle Internet en 2000 sonna le glas des CD-Rom et nos élucubrations restèrent confidentielles. Le pilote existe, mais il est en OS9 et nécessite un ancien Mac pour en jouir.
Tout commençait avec une représentation minimaliste du Big Bang consistant à simplement agrandir deux rectangles, l’un compris à l’intérieur de l’autre et en poussant les bords. La symphonie électroacoustique personnelle à chaque manipulateur que ces mouvements déclenchaient au fur et à mesure que grandissaient les rectangles était une évocation chaotique de la création du monde. Les parallélépipèdes noir et le blanc sont censés représenter la matière et l’anti-matière qui se frottent l’une à l’autre jusqu’à produire le petit résidu qui sonna notre origine ! Je livrai à Fred quatre banques de sons : cinq fichiers de cuivres, cinq de percussion, cinq de sons électroniques et treize extraits radiophoniques. La position de la souris sur l’écran joue le rôle de mixeur pour les trois premières catégories de sons tandis qu’on la promène en roll-over. On peut activer et désactiver les cuivres en cliquant. Les citations radiophoniques se déclenchent quand les rectangles reprennent leur taille initiale. Au lancement du programme, les sons sont transposés dans le grave, mais plus on joue avec Big Bang plus la transposition s’opère vers le haut, jusqu’à totalement disparaître dans le spectre ultrasonore.


Le globe transparent, où s'étale une ville me rappelant le film Faust de Murnau, n'apparaissait qu'après avoir titillé les deux phrases écrites en fines lettres gothiques dorées, « Ipse dixit et facta sunt » et « Ipse mandavit et creata sunt ». Jouant sur le neutre de ipse, je les avais impertinemment traduites dans toutes les langues possibles « On l'exprime et ça prend forme. On le décide et ça existe. » Nous affirmions ainsi que ce n'est pas Dieu qui a créé les hommes, mais le contraire. À coups d'éclairs et de tonnerre, on amenait le globe, puis on construisait le cadre et alors seulement s'ouvraient les volets du triptyque, la plupart des gens ignorant cette face cachée qui était en fait la seule visible et renfermait Le Paradis et la présentation d'Ève, l'Humanité avant le déluge et L'enfer (du musicien).


Le Paradis menait à une ronde d'oiseaux aux figures infinies, dictée par une erreur programmée, l’arrondissement à la décimale supérieure de l’algorithme génératif. J'avais composé une musique répétitive infinie, différente à chaque redémarrage : un choix aléatoire de cinq instruments s’effectuait parmi onze possibles, ainsi que la tonalité, le tempo, le mode binaire ou ternaire. Ensuite, cela évoluait tout seul grâce à un système programmé d’élisions et d’additions de notes, de règles strictes (les combinaisons rythmiques évoluant toutes les huit mesures) et de choix aléatoires (la hauteur des notes). Les cinq instruments distribués dans l’espace stéréophonique sont des percussions à clavier (marimbas, celeste, cloches tubulaires), des bois (flûte, cor anglais, clarinette basse, basson), des cordes pincées (pizzicati). Ce sont tous des instruments qui supportent d’être courts et dont le clonage est moins pénible que des cuivres ou des cordes frottées. Au bout de quelques minutes, de nouveaux instruments remplacent les premiers. Toutes les notes ont la même longueur et s’enchaînent les unes derrière les autres. Nous avons dû ajouter un silence de la même durée pour créer des rythmes, et ajouter sans cesse de nouvelles règles pour que la musique finisse par nous plaire, en rééquilibrant les basses et le reste, en accélérant certaines progressions, en évitant les répétitions malheureuses, en changeant de tonalités toutes les trente deux mesures, de tempo toutes les quarante huit, et tutti quanti. Il y a vingt-quatre notes par instrument, soit deux cent soixante-cinq sons.


Dans le Jardin proprement dit poussaient plantes, fleurs et champignons aux formes plus que suggestives, vulves et phallus suggérés par des photographies de nature prises en forêt et dans les champs. Le rythme variait chaque minute tandis que des flûtes mélodiques accompagnaient les apparitions, on entendait les herbes écartées, les caresses portées aux fleurs généraient des râles de plaisir. Les rythmes de cette forêt d’émeraude y étaient moites, les flûtes si calmes qu’elles nous laissaient respirer à notre tour…


Dans L’Enfer du Musicien défilait l’histoire de la musique pendant qu’un eugénisme imbécile et cruel résolvait avec terreur la question démographique.
Je m’étais plus tard inspiré de L’Enfer pour un module interactif réalisé par Nicolas Clauss sur flyingpuppet.com en partageant l’écran en quatre boucles vivaldiennes mixées selon la position du curseur. Au centre étaient déclenchés des bruits de bataille, cris, chevauchées, lames entrecroisées, tandis que les clics produisaient un bruit de drap déchiré et réverbéré. En découvrant le module muet, j’avais pensé à la Saint Barthélemy alors que Nicolas avait Duchamp à l’esprit.


Je n'avais pas eu l'idée de déchiffrer la partition imprimée sur les fesses d'un des personnages torturés où figure d'ailleurs le triton, connu sous le nom d'intervalle diabolique, Diabolus in musica. En s'appuyant sur la transcription qu'en fit depuis Amelia Hamrick, James Spalink a développé une adaptation pour luth, harpe et vielle à roue.


D'autres l'ont fait logiquement en chant grégorien...


Et l'on trouve même une version hard-rock !

vendredi 21 août 2020

Les vices platinés de Christian Marclay


Article du 9 avril 2007 (un article peut en cacher un autre)

Franck Vigroux m'envoie ce petit sujet sur Christian Marclay pour m'éviter d'aller à la Cité de la Musique où l'artiste suisse scratcheur est exposé jusqu'au 24 juin 2007 (Replay), essentiellement des vidéos si j'ai bien compris. Bien avant que ne se manifestent les hip-hopers, j'avais découvert Marclay grâce à mon producteur allemand Jürgen Königer de Recommended Records / No Man's Land qui produira le vinyle 25cm More Encores en 1987 : chaque morceau y est scratché d'une manière cohérente avec chaque artiste esquinté, Johann Strauss, Zorn, Chopin, Frith, Armstrong, Cage, la Callas, Hendrix, Birkin & Gainsbourg ou lui-même ! Plus tard, j'achèterai le coffret Footsteps où figure l'un des disques de son expo de 89 à la Shedhalle de Zurich. Sur ce 30cm sont enregistrés des pas tandis que les visiteurs marchaient sur les exemplaires disposés par terre. Avant de faire écouter aux amis mon exemplaire qui porte encore les scotchs double face collés à son revers, j'ai pris l'habitude d'en rajouter une couche en le piétinant rageusement. Au fil des années, l'écoute s'en est toujours trouvée bonifiée. Christian eut un soir la gentillesse de nous faire une démonstration de tous ses outils de concert. J'adorai les deux diamants sur le même disque, les pédales de disto et les décentrages...
Quelques années plus tard, je fus fasciné par le groove des DJ qui œuvraient dans la soul funk et nous trouvâmes alors le collaborateur idéal en la personne de DJ Nem. À notre première rencontre, il apporta Miles et Ligeti, un bon signe en regard des inspirations des autres DJ que nous croisions... Il scratcha ensuite à mort sur les disques du Drame comme le font aujourd'hui Franck et quelques autres. Ils disent tous que le scratch est génial où que l'aiguille se pointe sur la surface du microsillon. Nous avons passé notre vie à faire du montage une technique de composition, tant en live qu'en studio, et en expirimentant sans cesse de nouvelles idées abracadabrantes. Signalons aussi le virtuose Kid Koala qui swingue comme personne sur sa platine (cd Carpal Tunnel Syndrome, cd Some of my best friends are djs).
Mais comme vous vous pouvez le constater sur ce petit film, Marclay est avant tout un artiste plasticien qui pervertit les instruments de musique et le matériel de reproduction, et ça ne tourne jamais vraiment rond.



PLAY IT AGAIN, CHRISTIAN !
Article du 28 mai 2007

Deuxième billet sur Christian Marclay dont l'exposition Replay à la Cité de la Musique est présentée. Nous en profiterons d'ailleurs pour faire un petit tour dans la collection d'instruments de musique du Musée dont le superbe aménagement est dû à l'architecte Franck Hammoutène, camarade de classe qui à l'époque jouait de l'orgue électrique. Gros bémol atténuant mon enthousiasme, on ne peut évidemment toucher à rien, et tous ces instruments en vitrine me sont d'une écœurante morbidité.


Revenons à Marclay, et si vous n'y êtes pas encore allés, foncez-y. Or just Replay ! Je pensais que n'étaient exposées que des vidéos souvent trouvables sur le Net. Que nenni, la visite est absolument indispensable, essentiellement pour trois installations, toutes trois sur quatre écrans. La première, Crossfire, est la plus spectaculaire, parce qu'elle véhicule une charge critique sur la violence, époustouflante de réalisme dans un univers cinématographique pétaradant aussi varésien que mes nuits sarajéviennes pendant le siège. J'avais l'habitude de m'endormir sur cette interprétation trop réaliste de Ionisation, en comptant les rafales et les explosions comme on compte les moutons. Ici, pas question de roupiller : placez-vous au centre de la pièce, entouré par les quatre écrans de 3,50m de base où les as de la gâchette vous tirent dessus dans une composition musicale de 8'30" digne des meilleures pièces pour percussion. Video Quartet est plus formaliste puisqu'il s'agit d'un écran de 12m de long divisé en quatre projections d'extraits de films mettant en scène des musiciens ; l'ensemble constitue une œuvre de 14' éminemment musicale, on pouvait s'en douter. Il est courant de citer Duchamp et Cage comme parains de l'artiste, mais l'influence de Charles Ives (1874-1954) est une fois de plus flagrante.


Gestures, la troisième de ces vidéos synchronisées, présente quatre écrans en carré où l'artiste scratche des vinyles pendant 9'. Comme Telephones, le résultat est plus anecdotique. J'ai plus apprécié Guitar Drag où une guitare électrique reliée à un ampli est sadiquement traînée par une camionnette, car question platines rien ne vaut un concert où Marclay scratche en direct devant vous.


Le catalogue de l'expo est très chouette, mais celui publié par Phaidon est encore plus nécessaire car il montre l'étonnante palette des œuvres de Christian Marclay, sculptures, collages, installations autres que vidéo, etc. Je suis sensible aux œuvres qui s'inspirent de leur support. En rejouant tout cela, je me remémore le premier scratch musical entendu sur un disque (je me suis redressé complètement flippé, pensant que j'avais rayé mon album fétiche, comme lorsque le projectionniste avait arrêté Persona d'Ingmar Bergman en voyant la pellicule brûler sur l'écran), ce sont les dernières mesures de Nasal Retentive Calliope Music sur l'album des Mothers of Invention, We're only in it for the money en 1968. Christian Marclay avait treize ans.

mercredi 5 août 2020

Belle complicité !


Travaillant d'arrache-pied tout en essayant de jouir de mon statut de retraité, j'écris moins de billets au jour le jour au profit d'archives réactualisées. En ce qui concerne le régime qui a succédé il y a déjà cinq ans à celui d'intermittent qui en avait duré quarante-deux, je n'arrive pas du tout à faire la transition, n'ayant en rien changé mes occupations. Par contre, je me sens plus serein. Le fait de toucher des sous à date fixe sans avoir besoin de faire des grimaces est absolument merveilleux. Raison de plus pour se battre pour que les générations suivantes puissent jouir de cette situation, et ce le plus longtemps possible. J'écris ces mots probablement par culpabilité de ne pas me pencher suffisamment sur l'actualité pour la commenter. Mais entre la pause estivale où je suis "confiné" chez moi pour des raisons n'ayant rien à voir avec la crise sanitaire ou ma santé, la gestion absurde de cette crise qui me fait osciller entre la colère et l'incompréhension, et l'incomparable et délicieux calme aoûtien, je suis plus enclin à méditer sur le passé et le futur qu'à m'accrocher à un quotidien déserté...
Si je n'avais qu'à m'occuper à relancer les journalistes au sujet de mon nouvel album, Perspectives du XXIIe siècle, ce serait un passage post-partum plutôt tranquille. Or cette aventure n'est pas terminée, puisque avec Sonia Cruchon nous finalisons le film collectif qui s'en inspire. La douzaine de courts métrages réalisés par Nicolas Clauss, Valéry Faidherbe, John Sanborn, Eric Vernhes et nous-mêmes seront réunis en un docu-fiction d'une cinquantaine de minutes dont j'écris les intertitres à la manière d'un film muet. Nous en voyons le bout, mais il reste encore pas mal de travail de post-production. Madeleine Leclair prévoit une journée particulière au Musée d'Ethnographie de Genève à l'automne, nous y reviendrons.
Alors que je suis en stand-by sur le livre-disque entamé l'année dernière en Transylvanie et qui devrait voir le jour en 2021, j'ai embrayé illico sur un nouveau projet, Pique-nique au labo (titre probable, aux références appropriées et sa phonogénie). Il s'agit d'un double CD réfléchissant le laboratoire de rencontres que j'ai initié depuis 2010 avec de "jeunes" musiciens et musiciennes parmi les plus inventifs. J'ai sélectionné une pièce de chaque album virtuel publié sur drame.org quelques jours après leur enregistrement. De ces 22 compositions instantanées, la plupart ont été enregistrées dans mon studio, seulement quatre d'entre elles provenant de concerts. Le plus souvent les thèmes de chaque pièce fut tiré au hasard juste avant de jouer. Ce sont donc 28 invité/e/s qui m'ont fait l'honneur de me rejoindre pour passer ensemble une journée de plaisir. Comme jadis avec Un Drame Musical Instantané pour Urgent Meeting (1991) et Opération Blow Up (1992), mon propos est de jouer pour nous rencontrer, alors qu'il est d'usage dans le métier de se rencontrer pour jouer. L'aspect "l'humain d'abord" ne vous échappera pas !
Participèrent ainsi à l'expérience (dans l'ordre alphabétique) : Samuel Ber – batterie, percussion / Sophie Bernado – voix, basson / Amandine Casadamont – vinyles / Nicholas Christenson – contrebasse / Médéric Collignon – voix / Pascal Contet – accordéon / Élise Dabrowski – contrebasse, voix / Julien Desprez – guitare électrique / Linda Edsjö – marimba, vibraphone, percussion / Jean-Brice Godet – cassettes, clarinette / Alexandra Grimal – sax ténor / Wassim Halal – percussion / Antonin-Tri Hoang – sax alto, clarinette basse, piano / Karsten Hochapfel – violoncelle / Fanny Lasfargues – basse électroacoustique / Mathias Lévy – violon / Sylvain Lemêtre – percussion / Birgitte Lyregaard – voix / Jocelyn Mienniel – flûtes, MS20 / Edward Perraud – batterie, électrronique / Jonathan Pontier – claviers / Hasse Poulsen – guitare / Sylvain Rifflet – sax ténor / Eve Risser – voix, mélodica / Vincent Segal – violoncelle / Christelle Séry – guitare électrique / Ravi Shardja – mandoline électrique / Jean-François Vrod – violon... De mon côté, je m'attaque essentiellement aux claviers, épisodiquement à des instruments électroniques et acoustiques comme l'harmonica, les flûtes, les guimbardes, ou diffusant des montages radiophoniques et des reportages qui resituent l'action dans des espaces imaginaires. J'ai confié la conception graphique de l'objet à mon amie mc gayffier qui se trouve être la maman d'un des protagonistes cités plus haut et dont j'apprécie le travail depuis bientôt quarante ans. Une histoire de famille, si comme mon père le revendiquait : "la famille n'est pas celle dont on hérite, mais celle que l'on crée".
Ainsi, pour illustrer cette petite annonce, j'ai choisi de faire une capture-écran des frimousses des camarades avec qui j'espère bien me (re)produire, tout en rêvant à de nouvelles rencontres, puisque l'occasion fait si souvent le larron et que déjà se profilent de nouvelles aventures ! D'ailleurs si certains ou certaines sont à Paris au mois d'août avec du temps de libre suite à la gestion pitoyable de la crise, appelez-moi, on a encore le droit de jouer ensemble...
Pour patienter, je commande les ISRC sur le site de la SCPP (c'est simple lorsqu'on est déjà inscrit), je déclare les 22 pièces sur celui de la SACEM (c'est très long) et, surtout, je me lance dans les finitions techniques avec une application qui fabrique des masters DDP. J'espère ne pas faire de bêtises, le HOFA CD-Burn.DDP.Master me semblant assez pratique.