70 Musique - juillet 2021 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 30 juillet 2021

Only Once par Birgé Breschand Barthélémi


BBB, la tentation était trop forte. Barthélémi (Uriel), Birgé (Jean-Jacques), Breschand (Hélène). J'ai composé la pochette avant même d'avoir mixé l'album. Faisant souvent référence à la forme du disque pour les images des pochettes de mes albums virtuels, une pleine lune était tout indiquée pour dessiner un O commun à notre titre, Only Once. Rien qu'une fois. Donc B.O. comme bande originale. Ma musique va bien chercher ses racines dans le cinématographe, et les camarades choisis pour partager ces agapes y participent tout autant. Au temps qu'il faut pour enregistrer cette fois 57 minutes d'instantanés avec la harpiste et le percussionniste. Lors de ces rencontres on ne recommence jamais deux fois le même tour. La face cachée n'a rien à voir avec la face audible. C'est autre chose. L'inconscient qui nous pousse à agir sans qu'on sache comment nos mains, nos pieds, nos voix se meuvent en questions-réponses face à celles des autres improvisateurs. 220 volts face. Le courant passe. Hélène Breschand avait apporté sa harpe électrique, nettement plus légère à transporter, y adjoignant quelques pédales d'effets qui alternativement transforme sa voix. Du neuf, du jamais joué, jamais entendu, c'est chaque fois la gageure de ces séances. Uriel Barthélémi avait ajouté un synthétiseur à son set de batterie. Je jouai de mes claviers électroniques et autres machines diaboliques tel cet électro-aimant qui fait vibrer mes guimbardes sans que je les attaque, le Lyra-8 russe dont les commandes sont aussi particulières que les sons tordus qu'elles produisent, le Tenori-on japonais qui fait de la lumière ou la shahi baaja indienne que je branche sur la H9Max d'Eventide quand je n'y glisse pas mon nouveau kazoo amplifié. Comme souvent j'alterne avec des instruments acoustiques tels la trompette à anche, les flûtes, la cithare inanga ou l'erhu.


Only Once est donc le 88e album offert en écoute et téléchargement gratuits sur drame.org. Encore une journée de franche rigolade qui ne nous empêcha pas d'inventer sérieusement ces huit pièces collectives, motivées par le désir de nous rencontrer. Je ne connaissais pas Uriel, ne l'ayant entendu qu'une seule fois en public, et je n'avais jamais joué avec Hélène que je connais depuis longtemps et que j'avais programmée au Théâtre antique avec le photographe Hiroshi Sugimoto lorsque j'assumais le rôle de directeur musical des Soirées des Rencontres d'Arles. Comme d'habitude, je découvre seulement au mixage ce que nous avons joué, léger rééquilibrage des voies, mais très peu d'intervention de ma part, les musiciens contrôlant en direct leur place dans l'édifice. Il y a bien quelque chose de lunaire dans ces pièces où l'enfance est sans cesse convoquée. Mon ami Pierrot, drôle de fantôme circonflexe, joue à la vie, à la mort, ressuscitant, s'insurgeant, faisant mine de se reposer pour se réveiller à chaque nouvelle proposition. Hélène avait apporté du chocolat, on s'en doutera à l'écoute. Je ne me souviens plus de ce que j'avais cuisiné, mais les plaisirs du palais sont indispensables à une bonne entente, la résultante passant par l'ouïe, isolés que nous étions sous les casques.
Enregistré le 22 juin 2021, l'album fut mixé le 23 juillet, mon tour de France des amis m'ayant éloigné du 24 juin au 22 juillet. Je reste en vacances du blog pendant encore quelques semaines. Je m'y replongerai régulièrement, à raison de 5 jours sur 7, seulement après ma résurrection début septembre.

→ Birgé Breschand Barthélémi, Only Once, GRRR 3108, en écoute et téléchargement gratuits

jeudi 29 juillet 2021

Coda de Michael Mantler


La sortie du nouveau CD de Michael Mantler est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour celles et ceux qui, comme moi, apprécient grandement le compositeur autrichien. Dans la lignée de Update, sorti en 2015, Coda est une merveille orchestrale adaptée de précédentes pièces, or Mantler annonce qu'il n'en composera plus de nouvelles. Il estime avoir tout dit, et ce dernier album porte un titre explicite. Comme il avait revisité son célèbre disque du Jazz Composer's Orchestra enregistré en 1968 avec Cecil Taylor, Don Cherry, Roswell Rudd, Pharoah Sanders, Larry Coryell, Gato Barbieri (sans oublier Steve Lacy, Howard Johnson, Carla Bley, Kent Carter, Charlie Haden, Reggie Workman, Alan Silva, Beaver Harris, Andrew Cyrille et une vingtaine d'autres - qui dit mieux ?) en le reprenant avec un orchestre de chambre dont les solistes sont cette fois lui-même à la trompette, Harry Sokal, Bjarne Roupé, Wolfgang Puschnig, David Helbock, il propose en Coda son best of d'anciennes compositions en remplaçant les parties chantées par des solistes et en les arrangeant pour un orchestre plus important (4 bois, 4 cuivres, 16 cordes + Roupé, Helbock et Maximilian Kanzler, sous la baguette de Christoph Cech). Longue phrase pour une musique monotone dont le lyrisme m'emporte chaque fois sans que j'en comprenne les raisons. La musique de Mantler m'exalte, m'enveloppe, m'électrise, me renverse.
C'est probablement l'impression que me donnent les musiques que je préfère, de Gustav Mahler à Richard Strauss (4 derniers Lieder, Métamorphoses), de Charles Ives à Steve Reich (Different Trains), de Robert Wyatt à Scott Walker, etc. Je suis incapable d'analyser le processus à l'œuvre. Si le ré mineur est chez moi une évidence, ce n'est pas la seule tonalité à m'enthousiasmer. Comme lorsque joue le Kronos Quartet, il s'agit probablement de l'énergie que je peux reconnaître chez John Coltrane, Albert Ayler, Roland Kirk, Miles Davis, Jimi Hendrix, Arthur Lee, White Noise, Astor Piazzola, Spike Jones, Edith Piaf, Léo Ferré, Alain Bashung ou Camille... J'arrête là, parce que je devrais citer la moitié de mon imposante discothèque. Ce sont les noms qui me viennent à l'esprit ce matin, alors que je tape ces lignes devant l'âtre. Fin juillet. Il n'y a vraiment plus de saisons. Nous avons bien détraqué le climat et aucune canicule aoûtienne ne semble pourtant prévisible pour les jours à venir. Les pieds de tomates copieusement arrosés sont plus hauts que moi, mais l'absence de soleil ne favorise pas l'arrivée de leurs fruits. Cette digression me fait penser au piédestal sur lequel je place Michael Mantler dont les fruits se retrouvent rarement sur les platines.
Pour Coda, le compositeur rentré depuis longtemps de New York à Vienne, a donc arrangé ses pièces qu'il considère les plus réussies : Thirteen (13 and 3/4), Cerco un paese innocente (à l'origine paroles de Giuseppe Ungaretti par Mona Larsen), Alien (à l'origine duo avec Don Preston aux synthés), Folly Seeing All This (à l'origine paroles de Samuel Beckett par Jack Bruce), For Two (à l'origine duo piano-guitare) et Hide And Seek (à l'origine paroles de Paul Auster par Robert Wyatt et Susi Hyldgaard). Le label ECM, qui, après Watt, a produit tous ses derniers albums, lui a donné les moyens de l'ensemble dont il rêvait, et il est vrai que c'est probablement l'un de ses meilleurs, même si les voix de Wyatt, Bruce ou Marianne Faithfull me manquent. Coda a été enregistré en septembre 2019 au Studio Porgy & Bess à Vienne (Autriche) et mixé aux Studios La Buissonne.

→ Michael Mantler, Coda, CD ECM