Comment fabriquer un son qui exprime le retour dans le passé ? J'essaie d'abord vocalement, vrrrrrrloupe, et puis je passe aux machines, whooooooshuihou, mais rien n'est aussi explicite que d'écouter un disque d'avant, d'avant maintenant, s'entend, ou moins. Par exemple, la réédition du premier album du Sacre du Tympan, big band de pop-jazz dirigé par Fred Pallem, renvoie à ses balbutiements d'il y a vingt ans en m'évoquant à la fois André Popp, Frank Zappa, Danny Elfman et Spike Jones. Le livret, décousu et touffu, un peu foutraque comme la musique, cite plusieurs fois Django Bates, je n'y avais pas pensé. Je dis foutraque parce que c'est brut de décoffrage, joué avec la plus grande sincérité, avec un son couci-couça (c'est live) comme certains disques du grand orchestre du Drame vingt ans plus tôt. Mais s'ils n'avaient pas existé il n'y aurait probablement pas eu de suite. Au Sacre du Tympan l'humour est traité sérieusement. Le ringard y subit une transmutation vers le sublime. C'est aussi une histoire de potes. Une génération de virtuoses, peut-être la première qui soit sortie du CNSM. Je ne les connais pas tous, mais il y a Médéric Collignon au cornet de poche et qui scate, Matthias Mahler au trombone et Fred Gastard aux saxophones qui fonderont Journal Intime, le trompettiste Fabrice Martinez qui raconte avoir eu du mal à s'imposer alors, Rémi Sciuto, Christophe Monniot, Matthieu Donarier aux sax aussi... Ils sont tout de même dix-sept, essentiellement des cuivres. La musique de Pallem devrait inspirer des fanfares en quête de nouveaux répertoires. Il y a vraiment de quoi. Ce disque important, épuisé depuis longtemps, offrait une approche française au big band fantasmatique. On a toujours besoin de revenir aux sources pour comprendre qui l'on est véritablement, parce que comment on en est arrivé là représente souvent une énigme à chaque compositeur. Au début on ne se pose pas de question, on avance, on fonce. Et puis un jour, on se la pose. Certains se figent, d'autres font tout valser, mais l'écriture se précise. En tout cas, c'est un disque joyeux, plein d'entrain, une invitation à la danse, manière de l'entretenir en travestissant les poncifs avec des grimaces de clowns et des pirouettes d'acrobates. Une belle histoire.

→ Fred Pallem & Friendz, Le Sacre du Tympan, CD ou 2 LP Street Machine, dist. Chat noir, sortie le 18 février 2022