70 Perso - novembre 2006 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 20 novembre 2006

Eurydice retrouvée


Rien n'égale mon bonheur. Nous pourrions en profiter pour nous reposer, mais nous sommes tous les deux invités à participer aujourd'hui à un jury multimédia dont les prix seront remis à l'endroit même où nous nous sommes rencontrés. Pas question de se faire du pied. Modèles uniques dont nous avions chacun choisi les couleurs. Françoise avait poussé la languette jusqu'à y faire broder Thème Je, le titre d'un de ses derniers films. On ne m'y voit pas, mais j'apparais au générique sous le nom énigmatique du Joker.

dimanche 12 novembre 2006

Chat !


Chat ! C'est celui qui dit qui y est. Notre rêve julesvernien s'exauce sur la Toile. Françoise m'appelle de La Ciotat en visiophonie et ça ne coûte rien. Rien de plus du moins. Il n'y a pas encore de diffuseur de parfum, pas moyen non plus de passer le bras à travers l'écran pour te caresser. Reste entier le fantasme cronenbergien. L'audiovisuel manque de chair et ne respire pas. Ça n'a pas de goût. Tout est dans la tête. Au jeu de la main chaude, c'est froid. Pour retrouver ce que nous sommes, il faudra débrancher. Être ou ne pas être. La médiation c'est ne pas. Quand la grande panne se produira-t-elle ? Un nouveau baby boom. On sortira. Y-aura-t-il assez de bougies ? Les cyclistes et les piétons seront avantagés. L'universel se fondra dans le quotidien de proximité. Résurrection. Chat ! C'est toi le chat, je t'ai touchée.

lundi 6 novembre 2006

Un Ensemble


Françoise m’a offert un tableau merveilleux d’Aldo Sperber. Sous la vitre d'un cadre épais, une planche scolaire de petits dessins en couleur sous-titrés en espagnol est découpée en son centre pour y insérer une photo de jambes qui dépassent d’une poubelle. J’imagine que la personne qui a les jambes en l’air le dos au mur derrière une grille cherche avec entrain comment poursuivre son œuvre. Le soir n’est pas encore tombé.
Les vignettes représentent un scorpion, musicien, tambour, petit diable, mon étoile, mon cœur, le web, black, perroquet et une crevette. La mort y est décapitée et le soleil loupe son rendez-vous avec la lune, mais la dame, à l’abri d’un arbre et armée de flèches, préfère la fréquentation du diablotin à celle du courageux ou de l’ivrogne…


Mon interprétation enfantine ne vaut que pour un jour. Le cadre profond trône à côté des huit boîtes de sardines des Mouettes d’Armor qu’Elsa m’a rapportées de L’île-Tudy. Chacune a son parfum, je n’ose pas les entamer tant elles forment un remarquable ensemble avec le vase en ampoules électriques d’Aldo et le tableau dont j’ignore s’il porte un nom.

dimanche 5 novembre 2006

L'invitation au voyage


Le premier livre que je me souviens avoir lu de la première à la dernière page est le Petit Larousse illustré. Mon édition datant de 1961, j'avais donc neuf ans. C'est, avec le Grand Atlas Mondial du Reader's Digest, l'un des plus beaux cadeaux que je reçus enfant. D'autres dictionnaires suivront, le Robert supplanta le Larousse.
Cette semaine, Elsa a eu la gentillesse de retrouver mon exemplaire dans la maison de l'Île Tudy où il a continué à subir les attaques du temps sans faillir. Seule la planche en couleurs sur les avions s'est détachée et la couverture effacée, plus de jaune ni de noir, juste le fond gris et les bords élimés comme les manchettes d'une vieille chemise qu'on continue à porter jusqu'à ce qu'elle craque.
Je reproduis ici la seule iconographie sur la peinture dite moderne à laquelle j'eus accès en dehors des tableaux abstraits de ma tante Arlette qui pendaient dans notre appartement. Les douze reproductions serrées sur un recto verso figurent les fondations de mon histoire de l'art. Il y a quelques mois je fus très ému de découvrir l'original de L'odalisque de Matisse à la Fondation Beyeler à Bâle. Mes émois pubères ont probablement commencé devant cette femme torse nu les jambes écartées dans son pantalon saharien.
Et puis au milieu, entre les noms communs et les noms propres, il y a les pages roses qui listent les locutions latines et étrangères, mais le latin s'est perdu et on ne les utilise plus beaucoup. Dommage, encore une chose qui faisait rêver. Tempus edax rerum. Je n'ai pas fait de grec. Les racines se dissolvent dans la terre.
C'est mon anniversaire. Ma maman m'a offert le dictionnaire visuel. Je suis heureux comme le gamin que je ne cesserai jamais d'être.