70 Perso - juin 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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lundi 30 juin 2008

Friture d'oblades


Loin de mes archives, j'illustre mon billet paresseux avec la plage du dimanche soir.
Enfin les vacances. J'ai terminé hier dimanche ma conversation à deux sur le blog Tchatchhh après une douzaine de longs billets illustrés et souvent sonorisés, j'ai envoyé les derniers sons pour les Ptits Repères, réclamé l'argent qu'on nous doit... Indépendant, on passe plus de temps à régler des questions administratives qu'à faire son travail.
J'ai terminé le premier volume du bestseller suédois Millenium et me suis plongé dans Lignes de faille de Nancy Huston que m'ont conseillé chacune de leur côté Elsa et Françoise. Je comprends pourquoi ma fille tenait à ce que je le lise. De plus, je découvre que la romancière a dédicacé son livre à Tamia qui a enregistré une année entière avec le Drame. Nos archives sont pleines d'inédits où la chanteuse joue d'une foule de timbres surprenants. Un jour, je raconterai peut-être le stage auquel Bernard et moi avions participé et où tous les deux avons été en-dessous de tout, mais j'attends qu'il y ait prescription. De temps en temps, nous pensons avec tendresse à Tamia, et à Annick depuis longtemps disparue.
Fin 1976, Francis et moi avions composé et interprété pendant un mois en direct au Théâtre des Amandiers à Paris la musique de la pièce Cool Sweety et Speedy Panik écrite et jouée par Annick Mével et Hermine Karagheuz. C'était bien ringard et à la fois très sympa. Comme le public était clairsemé, je me souviens de deux spectateurs en particulier, le premier émouvant, Roger Blin, le second à gerber, André Glucksmann (non, il n'a pas changé !). C'est à cette époque que nous avons fondé Un Drame Musical Instantané...

L'image et le son ne collent pas. Le calme du jardin tranche avec le raffut de la plage située trois cents mètres plus bas. C'est l'heure de la sieste. Nous n'avons plus l'habitude de telles chaleurs. Au casque, on entend parfaitement le continuum des cigales sur lequel vient se percher une fauvette. Dans les haut-parleurs de mon ordi, on dirait de la friture d'oblades. En testant mon Korg MR-1, je comprends qu'il faudrait que j'acquière des microphones plus adaptés à l'effet de spatialisation recherché. Deux omnis à accrocher sur chacune des branches de mes lunettes ou à cheval sur mes oreilles ?

lundi 23 juin 2008

La septième porte


Toutes les portes ouvrent sur d'autres mondes. À moins que ce ne soit qu'une impression et qu'elles ne donnent que sur un mur peint... Suffira-t-il d'entrer dans l'image, dans une autre image ? Je vais voir ce que peux faire d'ici demain, mais je ne garantis rien.

jeudi 19 juin 2008

Bon débarras


Les seules activités de bricolage que je supporte sont celles qui ne salissent pas trop. Je hais la peinture et tout ce qui s'y rapporte et je tolère seulement de me dégueulasser les genoux de pantalon que j'use de toute manière je ne sais comment, de m'écorcher les mains jusqu'à les faire saigner, d'accumuler la sueur et la soif tant j'essaie de me débarrasser de ces tâches ménagères le plus rapidement possible. Évidemment, comme je bâcle, les étagères sont toujours un peu de guingois, mais le seul fait d'en arriver à bout équivaut à une victoire sur la nature, une sorte d'aventures de l'arche perdue à mon petit niveau. Pour celui à bulles, Françoise est obligée de me le mettre sous le nez, sinon je m'en passe, utilisant par exemple un des petits cylindres des étagères Ivar d'Ikéa pour vérifier au pifomètre l'horizontalité de mon œuvre. Donc, après une visite à l'enseigne suédoise où j'en ai profité pour acheter quelques produits gastronomiques aseptisés, je me mets au turbin pour monter les étagères du garage. Françoise et Jonathan ont terminé la peinture blanche de la nouvelle cloison et l'état de ma compagne ne lui permettra de passer la couche de rouge à l'extérieur probablement qu'à la rentrée. En attendant les bûches du tas de bois resteront sous la flotte dans le jardin de devant. C'est marrant comme je me crois obligé d'utiliser un langage plus populaire lorsque je parle bricolage. J'assume mes racines d'intello jusqu'au bout de mes brindilles. Nous avons vendu l'ancienne porte battante sur eBay et la nouvelle cloison va permettre de stocker le bois à l'abri et soulager la cave, les archives et le réduit du jardin. Mais c'est pas tout ça , je dois maintenant écrire un billet qui m'excite beaucoup plus sur tchatchhh puisqu'il va concerner la gastronomie, un sport plus dans mes cordes !

mercredi 18 juin 2008

Histoire de l'œil


La veille, nous avions regardé La mort de Dante Lazarescu du Roumain Cristi Puiu, l'histoire terrible d'un type qui ne sent pas bien, appelle une ambulance et se retrouve trimballé d'hôpital en hôpital en allant évidemment de plus en plus mal... Filmé comme un reportage, le film est remarquablement bien joué, mais bien trop sinistre à mon goût, d'autant que je supporte très mal l'univers hospitalier, même si je n'y ai jamais eu recours. Cela me donne le cafard et je préfère franchement les cimetières et les enterrements aux visites formolées. La critique du système de santé est féroce et nous nous faisions la remarque que l'action a beau se passer en Roumanie, cela ne doit pas être si différent chez nous. Le film est localisé, mais l'histoire est universelle. Je repense à la phrase d'André Ricros : "Pour être de partout, il faut être de quelque part".
Lundi après-midi, Françoise avait pris rendez-vous chez l'ophtalmologiste parce qu'elle sentait une gêne à l'œil droit. La voilà expédiée direct aux urgences de l'Hôtel Dieu pour deux petits trous et un début de décollement de la rétine. Vingt-cinq personnes attendent devant elle ! Certains ont une compresse sur l'œil, un gamin déchire tous les journaux qu'il trouve sous le regard de sa mère qui ne bronche pas, des pompiers ont les yeux rouges, tout respire le vieux, le vétuste et la maladie... Quelques heures plus tard, lorsque le nombre s'est réduit à onze, une infirmière dit que le médecin a dû filer au bloc opératoire, mais une autre susurre qu'il est probablement parti dîner mais que ça ne se dit pas. Françoise espère que c'est vrai, parce que s'il doit lui cautériser les lésions au laser, autant qu'il soit en forme ! Elle décide néanmoins de tenter sa chance en reprenant imprudemment sa bicyclette pour se présenter aux Quinze-Vingt derrière la Bastille. Il y a encore plus de monde, c'est complètement dingue. Une nouvelle infirmière lui raconte le scandale des urgences qui manquent cruellement de personnel. Françoise suggère de faire grève. Elle répond qu'ils sont déjà en grève et lui conseille un troisième hôpital, le Rotschild près des Buttes Chaumont ! On se serait vraiment crus dans le film de la veille. C'était pénible en fiction, mais cela devient carrément drôle à le revivre le lendemain malgré les inquiétudes. Et nous voilà repédalant vers les hauteurs pour enfin trouver une oreille attentive à son histoire d'œil. Il est minuit, l'interne lui fixe un rendez-vous pour le lendemain matin première heure en lui interdisant tout effort. Laser. Immobilisation totale pendant huit jours. Nous ajournons notre départ, décommandons nos engagements et regardons l'avenir avec patience. Françoise en profite pour téléphoner, une des seules activités praticables dans sa position. Mon œil ! Non, le sien, mais la dilatation s'est déjà résorbée lorsque je pense à le prendre en photo...

Rappel : jusqu'au 29 juin, je mène deux blogs de front, le second est une conversation avec Karine Lebrun sur tchatchhh.

lundi 9 juin 2008

Sans jus ni crapauds


Il est plus de minuit. La voiture de Nicolas reste muette. Il a laissé les phares allumés toute la soirée. Pas moyen de sortir la mienne qui est bloquée dans le garage pour le dépanner avec des pinces. Pas moyen de démonter la batterie. Je tire une ligne jusqu'à la rue, Nicolas et Jonathan sont penchés sur la présumable coupée, Adelaide éclairant la scène avec une grosse MagLight. Rien ne bouge. On attend que ça charge.
Nous venions de regarder le moyen métrage Cane Toads de Mark Lewis. L'introduction de crapauds en Australie tourne à la catastrophe écologique. Les amphibiens dévorent tout, sauf les insectes qu'ils étaient censés éradiquer et ils se multiplient. Le film est extrêmement drôle, impertinent, dramatique. Son sous-titre : An un-natural story
Je raconte ça parce que j'essaie de rester éveillé pour ne pas lâcher mes potes qui attendent dehors autour du capot. N'empêche que le film est drôlement bien. Du même réalisateur, Kay dit qu'il faut voir aussi The National History of the Chicken.
C'est la cata... Les amis ont réussi à rentrer la voiture dans la cour pour la mettre en charge toute la nuit, mais le doute persiste. Ils trouveront refuge au second étage.

P.S.1 : tandis que je corrige ce que j'écris en ligne, Mathilde commente le suspense. Le temps réel, voilà du neuf pour mon blog ! Comme une émission de radio avec intervention téléphonique des auditeurs, on pourrait imaginer un blog-chat live. Ça existe forcément déjà, mais quel outil simple permettrait de le généraliser ? Comment rendre un débat en direct et que cela ne devienne pas trop superficiel ? Peut-être par les sujets abordés, mais aussi par une interface pensée en ce sens ? À creuser...
P.S.2 : pas l'ombre d'une étincelle au démarrage... Le chargeur est-il lui-même en panne ? Manœuvres. Accouplement. Les pinces fument et ses fils fondent lorsque Nicolas met le contact... Jonathan démonte la batterie que Nicolas emporte tester au Dépann2000 dont le garage principal est au coin de la rue. L'ouvrier lui explique qu'un Diesel fait fondre les fils trop fins du supermarché et que la charge n'est pas suffisante. Il doit repasser chercher la batterie dans deux ou trois heures. On est peu de chose devant les défaillances techniques qui nous échappent. Être immobilisé avec sa bagnole, c'est comme un ordinateur planté, on est perdu au milieu de nulle part.
P.S.3 : Les amis ont repris la route, gonflés à bloc. Mon chargeur était mort.

dimanche 8 juin 2008

Du sexe des plantes


La photo vient d'une ferme d'orchidées à Changmai. Je n'ai jamais aimé les fleurs coupées, mais je sais que cela fait plaisir d'en recevoir, alors j'en offre de temps en temps, bien que j'ai oublié leur langage. Chez le fleuriste de l'avenue Gambetta à Père Lachaise, le fleuriste vend trois bouquets au choix pour dix euros, permettant de composer. J'adore faire correspondre une palette de couleurs avec celles de la maison. Un pot de fleurs me plaît mieux, mais je continue à préférer celles qui poussent en pleine terre. Plus les fleurs sont sauvages, plus elles m'émeuvent. Je ne peux imaginer plus fascinant qu'une fleur qui pousse dans un endroit improbable, très haut dans la montagne, sur une dune, dans une crevasse du bitume...

mardi 3 juin 2008

Chorus


Gargouille bis. Tous les soirs avant le dîner, "notre" merle joue ses morceaux préférés. Il les rejoue le matin vers 5 heures, et parfois en fin de matinée. Aux aurores, nous n'y prêtons que rarement attention. La nuit, il se laisse parfois berner par les lampadaires qu'il prend pour le soleil. Chaque merle a son propre chant et celui qui habite dans le coin est un vrai virtuose. Un peu comme celui avec lequel Bernard a enregistré La machine de Marly. Ces "black birds" sont des oiseaux très jazz. Leurs phrasés rappellent Coltrane, Monk ou Parker. À d'autres moments, ils jouent avec leur reflet, dans une vitre, une flaque d'eau, un enjoliveur... Ils ont tout du soliste, tranchant avec le big band de fadas qui s'excite tous les soirs dans la rue Diderot. Cela ne dure pas longtemps, mais c'est assourdissant, pour peu que l'on soit sensible aux aigus. Le reste du temps, les moineaux piaillent en dégustant les fruits de l'églantier qui s'étoffe chaque année un peu plus. Il a construit une tonnelle au-dessus du trottoir. Je suis obligé de le tailler sans cesse pour que les passants ne s'éborgnent pas. La factrice m'a avoué s'y abriter lorsqu'il pleut. Profil obligé, le merle moqueur regarde la scène d'un seul œil.