70 Perso - septembre 2010 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 23 septembre 2010

Raccord


J'ai passé la matinée à découper des sons en rondelles. Comme d'habitude, j'enregistre tous les instruments dans la foulée, en une seule prise, et je les traite ensuite un par un. Par la fenêtre du studio je vois Annie porter la dernière touche à la peinture du jardin. En prolongeant l'orange sur les bacs à fleurs et les contre-marches de la terrasse, elle a donné du volume à la façade en l'intégrant à l'ensemble. Dommage qu'il n'y ait plus de peinture verte pour le retour à angle droit, car elle se marie parfaitement avec la couleur des bambous. Sur la photo, derrière moi, et à ma gauche... Donc on ne voit rien. Nous envisageons maintenant de rénover les fenêtres du second étage en rouge vif. Annie a également effacé les tags de l'allée avec trois couches d'orange. L'après-midi nous refaisons le monde, ou plutôt nous nous demandons comment nous y prendre. Devons-nous jouer les zorros et rétablir la vérité ou laisser pisser le mérinos ? Dans ces cas-là mon père disait : "Occupe-toi du chapeau de la gamine et laisse flotter le ruban !" Il semble que l'avenir soit plus séduisant si l'on se fiche de la mesquinerie. En termes de corrections j'obtempère. Pourtant je me dis que parfois une bonne correction... Cela ne fait rien. Il fait beau. Le soleil cède sa place à la pleine lune. Demain c'est grève générale. Nous sommes déjà en route pour de nouvelles aventures. Colorées, comme il se doit !

mercredi 22 septembre 2010

La casse


S'il y a bien un truc dont je me contrefiche, ce sont les voitures. Cela ne m'empêche pas d'avoir un souvenir ému de l'Espace qui va partir à la casse d'ici une semaine. Nous l'avions acheté il y a vingt deux ans, d'une part pour les migrations saisonnières vers L'île Tudy où nous passions à peu près un quart de l'année, d'autre part pour les tournées d'Un Drame Musical Instantané où nous bourrions le coffre jusqu'au plafond en ne laissant que trois sièges pour notre trio. À l'époque le véhicule tenait du vaisseau spatial, avec ses vitres tous azimuts, ses sièges pivotants, repliables, démontables, et tutti quanti. Je n'ai pourtant jamais fait beaucoup de kilomètres, le compteur en indiquant 176 000, mais les déménagements successifs ont amorti l'investissement. Pour le dernier des miens, j'ai exécuté seul trente voyages plein à craquer, mais j'ai tout de même terminé avec un camion de 30 mètres cubes. Si le contrôle technique est passé avec succès, il n'y a plus d'amortisseurs ni de chauffage. Cela fait quatre ans que nous roulions l'hiver avec des couvertures sur les genoux, mais en nous gelant les pieds. Le garage baigne dans une fine mare composée d'huile et d'eau et nous n'osons plus nous éloigner trop de Paris sous peine de rentrer à pied. Le petit garagiste de Montreuil a réussi à la maintenir jusqu'à ce que mon client nous paye. Alors j'ai commandé une Kangoo Pépite, vite fait bien fait. C'est comme acheter des fringues, il faut que ça se passe en deux temps trois mouvements. Je rentre, j'essaie, je paie, je ressors. Là je me suis seulement assis devant, derrière, à côté. J'ai comparé avec la Dacia qui lui faisait face, mais l'offre de Renault mettait exceptionnellement la Kangoo moins chère. Pour le reste je me suis laissé embobiner par le sympathique vendeur qui a ajouté une bouteille de champagne en capitales sur le contrat. Où va se nicher le marketing ! Ni Françoise ni moi n'en buvons. En plus, elle me travaille depuis des semaines pour que nous n'achetions pas de voiture. Je rigole, elle s'en sert plus que moi. D'un point de vue économique, ça se tenait. Mais il n'y a aucun loueur à proximité et j'aime réagir vite, ici comme ailleurs. Alors j'ai craqué. Cela ne nous empêchera pas de continuer à emprunter les transports en commun, ni surtout de faire de la bicyclette, mais on aura le choix. Il reste un problème : je deviens vite aussi débile que les autres automobilistes lorsque je conduis. Je peste sans arrêt et ça irrite ma compagne. Je la comprends. Au volant la connerie est contagieuse. À pied je râle aussi contre tous ces chauffards, métastases de la ville. Il n'y qu'à vélo que je suis zen. Si je m'énerve, je risque un pépin quelques mètres plus loin. L'ultime solution, je me terre à la maison, je ne vais plus nulle part, mais est-ce que cela fera de moi un homme meilleur ? J'en doute.