70 Perso - septembre 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mardi 25 septembre 2012

Le secret derrière la porte


Dans l'expectative je regarde la lumière. Intérieure ou aveuglante comme celle du soleil. Un praticien me racontait qu'il ne savait pas quoi répondre à un adolescent qui allait perdre la vue pour avoir regardé le soleil en face pendant des années, comme ça, pour voir. On obtient parfois l'effet inverse. Personne ne lui a dit ? Cette clarté peut être sonore. Un coup de téléphone de bonne nouvelle. Pourquoi pas ? L'espoir fait vivre. J'ai longtemps habité rue de l'espérance, mais aujourd'hui mon adresse porte le nom d'un jeune résistant mort à 17 ans. Le soir tombe.
J'ai bien travaillé. Non-stop de 7h à 18h. Composé seize boucles sur le mode de la toile de fond, bien qu'ici le décor soit sonore. Ces ambiances diffusées doucement donneront une perspective à la seconde partie du projecteur de rêves de Léonard de Vinci, en arrière-plan du quatuor à cordes. On les devinera à peine jusqu'à ce qu'une image envahisse tout l'écran et qu'un instrument solo laisse apparaître cette découverte. Associées aléatoirement aux images de Nicolas Clauss, elles leur donneront un sens différent selon les combinaisons audiovisuelles. Cette couche sonore renforcera le sandwich d'images fixes et mobiles en théâtralisant le résultat global. J'avais inauguré cette méthode en 1997 avec la douzième et dernière scène du CD-Rom Carton où étaient associés dix images et dix sons que l'on pouvait combiner à loisir. Cette fois, j'ai choisi des ambiances dans l'ensemble plutôt classiques, a priori repérables, mais je les ai traitées de façon à laisser une place à l'interprétation de chacun. Noyé le poids des sons. Ils ont cette merveilleuse propriété de susciter l'évocation.

samedi 22 septembre 2012

Souvenir de Luc Barnier


Les morts se suivent, mais ne se ressemblent pas. C'est pourtant toujours la même histoire. Cet été naissent quantité de bébés tandis que les vieux tirent leur révérence. Luc Barnier n'avait que 58 ans, mais le crabe l'aura emporté malgré son ardent combat. Il y a deux ans je lui avais envoyé des photographies de famille retrouvées dans mes archives. À l'origine nous les avions agrafées dans les toilettes de l'appartement où nous vivions en communauté avec Michaëla Watteaux et Antoine Guerreiro, juste après avoir quitté nos parents respectifs ! Luc y est resté deux ans et demi, soit presque toute sa scolarité à l'Idhec. Il m'avait appelé pour me remercier pour les photos. Je me souviens, j'étais dans mon bain, il m'a résumé les trente ans où nous avions cessé de nous voir et m'annonça sa maladie. Nous étions restés brouillés après une sombre histoire de répondeur. Je l'avais juste croisé à un concert de John Zorn.

J'ai malgré cela toujours gardé une certaine tendresse pour ce jeune homme habillé tout de noir qui avait décoré sa chambre kitschissime avec des objets du culte comme on le voit dans une séquence de La nuit du phoque que j'avais tourné en 1974. Il avait rejoint notre équipe du light-show H Lights et participa dès lors à toutes ses créations. Ce sont les souvenirs de notre adolescence, les expériences tous azimuts, sex, drugs and rock 'n roll, mais aussi la lumière et le cinéma. La lumière avec le Light-Book que son père avait réalisé à son imprimerie Union, le cinéma puisqu'il devint l'un des monteurs français les plus prisés, travaillant avec Olivier Assayas, Benoît Jacquot, Anne Fontaine, Youssef Chahine, Amos Gitaï, Yousry Nasrallah, Gabriel Aghion, Valérie Lemercier ou Dany Boon... Il avait monté aussi bien Carlos que Bienvenue chez les Ch'tis ! Nous nous étions connus au Lycée Claude Bernard. Il me remplaça au light-show après mon premier concert en tant que musicien. Nous posions pour Thierry Dehesdin dont j'ai recadré deux photos pour ce billet afin d'alimenter les récits que nous projetions sur grand écran. C'est lui, le barbu aux cheveux longs, et celui que la mort amène à la grille dans une mise en scène grotesque comme nous en pratiquions en 1970 !


Il a rejoint les camarades de cette époque tous disparus trop tôt. Marc Lichtig, Philippe Labat, Éric Longuet, et surtout Bernard Mollerat avec qui je faisais équipe à l'Idhec et qui avait remplacé Antoine dans notre communauté du 88 rue du Château à Boulogne-Billancourt. Je revois Luc voûté sur les Leitz et battant des mains devant leurs objectifs pour animer les images, retrouvant ainsi la magie du pré-cinéma. J'entends son rire grave quand nous étions défoncés. Les souvenirs de Nibelle où ses parents possédaient une maison remontent soudain. Les répétitions de nos spectacles multimédia. C'est un peu de cette jeunesse qui meurt avec lui. Françoise m'avait plusieurs fois exhorté à l'appeler pour que l'on se voit. J'ai trop attendu.
Une vague de tristesse m'a emporté en fin de soirée...

mardi 18 septembre 2012

Disparition d'un ami


Départ imprévu. Le nôtre à la suite du tien. Deux poids, deux mesures. Horrible nouvelle. Tristesse de tes amis. Les disparitions sont plus douloureuses lorsque les circonstances sont obscures. Les gendarmes t'ont retrouvé dans le port. C'était ta bouffée d'air frais. Le large. Mais cette fois tu es allé trop loin. Probablement un malaise au bord du quai, on te savait fragile, tu auras glissé. Nous nous attendions au pire, mais pas ainsi. Il y a deux semaines nous pêchions ensemble au large de La Ciotat. Tu avais toujours le mot pour rire, même quand tu n'allais pas bien ; ta moindre taquinerie était bien intentionnée. Sur la dernière photo tu as cet air de garnement qui a fait un bon tour alors que Maurice semble contrarié. On a rarement connu aussi dévoués que vous deux. La mort soulage ceux qui s'en vont et blesse ceux qui restent. Nos larmes sont égoïstes. Serge, tu vas terriblement nous manquer.

lundi 17 septembre 2012

Quelle couche !


Je déteste peindre. Je n'aime aucune tâche qui salisse. La menuiserie, la plomberie, le bricolage ne sont pas ma tasse de thé, mais au moins je n'ai pas besoin de me passer ensuite à l'eau, à l'acétone ou au white spirit. Le temps que j'aille faire une course, un salopiot avait pissé son nom sur notre beau mur orange comme s'il revendiquait ce territoire. Ezi, je t'affiche aujourd'hui sur mon mur virtuel, mais à l'avenir choisis d'autres supports pour écrire ton nom car je n'ai pas envie de replonger le rouleau dans le pot de peinture ! J'en avais sur le bas de mon froc et ça gouttait sur les dalles... En plus, il faut faire vite, car la surenchère ne se fait pas attendre, les chiots se grimpant les uns sur les autres dès que l'un d'eux lâche son urine acrylique. Si au moins on nous collait une œuvre tels Ella et Pitr avec leur superbe papier peint que les voisines hystériques arrachèrent violemment il y a quelques mois, mais non, juste un nom alors que je n'affiche même pas le mien sous la sonnette ! Je vous laisse, déjà que j'en tiens une bonne, la seconde couche m'attend...

lundi 10 septembre 2012

Charbons ardents


Détestant les charrettes, je me suis juré de ne plus me mettre dans des galères, mais j'ai accepté de remplacer un ami sur un boulot dont l'ampleur et les délais se sont révélés inquiétants. Plus moyen même de me reposer, mon esprit continuant à chercher à régler les problèmes pendant mon court sommeil. Passé l'angoisse des premiers mètres, je réalise un dépouillement des sons à enregistrer, reportages, reconstitutions, sonothèque. Je barre les lignes au fur et à mesure, les nuages s'effacent petit à petit. Thibault m'accompagne pour les prises de son en ville. Je compose la musique du film pour me détendre, mais le client la trouve évidemment glauque, prenant en exemple des morceaux hyper-produits qui ont demandé des semaines à leurs auteurs ! Il faut tout reprendre. Le plus difficile sont les voix, précises, mais sans qu'on les comprenne. Il faut ensuite placer tout cela, le montage ne devant laisser aucun blanc, même si la musique recouvrira souvent les ambiances. Fabriquer les espaces avec des réverbérations variées, mixer. Pendant un moment je me demande si je pourrai prendre cinq minutes pour bloguer... Une fois parti, tout se met en place et je peux à nouveau admirer le ciel.