70 Perso - février 2016 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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mercredi 24 février 2016

Une équation qui ne passe pas


Dix jours après l'accident qui a emporté Ulysse, je n'arrive pas à me débarrasser d'une image qui me poursuit. Lorsque je l'ai découvert gisant dans la rue, là où quelqu'un l'avait déposé devant notre porte sans oser sonner, j'ai agi comme je l'ai toujours fait confronté à une catastrophe, d'un sang-froid exemplaire. Cela m'aide certainement à surmonter l'épreuve sur le moment, mais les conséquences sont dévastatrices. J'ai cherché à protéger Françoise, l'empêchant d'approcher de trop près. Elle est venue tout de même. En réalité, dans ces moments, je me défends comme un diable contre mes propres sentiments, refoulant l'émotion qui m'assaille. Les sanglots éclatent plus tard dans le calme de la solitude quand il est impossible de cantonner la tristesse au reniflement. Ce dimanche les fontaines du Trocadéro inondèrent Bagnolet. La semaine s'écoulant, les larmes se raréfièrent peu à peu. Nous avons enterré le petit chat chez une tendre amie sous un cerisier. Mais je ne dors pas. Une équation ne passe pas : l'image d'Ulysse, raide comme une planche, trop présente face au souvenir impossible de sa vitalité d'acrobate. J'ai simplement crié "Oh non !" et les dominos se sont écroulés les uns sur les autres. On pleure souvent beaucoup plus un animal qu'une personne. C'est étonnant. Est-ce disproportionné ? Qu'est-ce que cette mort vient titiller en nous ? Ulysse n'avait pas un an. Il avait toutes les qualités rêvées chez un vrai chat, il ne griffait pas, ne mordait pas, ne volait pas, se laissait soigner, d'autant que c'était un casse-cou, il ronronnait, nous câlinait, obéissait, jouait comme un fou, il rapportait tous les matins une souris qu'il dévorait sur la moquette blanche sans laisser une seule trace, les voisins infestés lui en savent gré, il n'avait peur de rien. C'est probablement ce qui l'a tué, une confiance absolue dans l'autre. Il ne craignait pas plus les automobiles que les passants, se laissant prendre dans les bras par des inconnus. Lorsqu'il voulait attraper la queue des chevaux en montagne, nous avions peur d'un coup de sabot. Nous ne sommes jamais allés aussi souvent chez le vétérinaire pour un chat. Une morsure d'un gros matou, un coup de griffe sur l'œil, un truc à la bouche. Et puis le dernier choc, fatal. Aucune blessure. Sa fourrure aussi douce, mais son corps raidi par la mort. C'est probablement cette équation insupportable qui m'obsède. Il ne marchera plus debout sur ses pattes arrière. Il ne fera plus des bonds incroyables dans les airs. Il ne grimpera plus à la cime des arbres, sur les branches les plus fines. Ulysse nous laisse orphelins, mais comme dit Françoise il a eu une vie fulgurante.

dimanche 14 février 2016

Sombre dimanche

Quelqu'un a déposé le corps raide d'Ulysse devant la maison. Probablement cogné par un fou du volant. Le petit chat était trop confiant, il n'avait peur de rien, visitait les voisins... C'est si douloureux, mais il a vécu libre. C'est irréel.

mercredi 10 février 2016

J'ai seulement froid, mais non


J'ai seulement froid. Mais non, je ne dois pas penser ainsi. Je respire profondément pour éviter à mes muscles de se contracter sous l'assaut du vent glacial qui vient lécher les jambes de mon jean trempé. Il pleut des hallebardes. Des gouttes moins grasses qu'en pleine mousson et sans la tiédeur asiatique, d'autant que nombreux restaurants sont fermés pour cause de nouvel an chinois. Il est de coutume de passer ces fêtes en famille. Les touristes éviteront donc de se trouver là-bas pendant cette semaine morte. Nous nous réfugions dans le premier restaurant ouvert, un libanais où je n'arrive pas à sécher. C'est en sortant que le froid me saisit. La pluie a fait chuter la température. Vêtu d'un simple anorak, je marche les bras ballants le long du corps en cherchant à ne pas me crisper, seule façon que je connaisse pour ne pas attraper la crève. Rentré à la maison, je me change et devant le feu que j'ai allumé dans la cheminée je tape ces lignes en alibi et chauds habits. Pour donner le change ? En réalité je fais semblant de ne pas travailler. Le soir, comme j'éternue malgré tout, je prends trois granules d'alium cepa 4CH. En principe, ça marche. Les dernières braises s'éteignent. Je m'enfouis sous la couette.

lundi 1 février 2016

La boule à zéro


À la veille de mon concert avec Bumcello, Françoise m'a proposé de me couper les cheveux. Idée aussi sotte que grenue, car je me suis retrouvé avec la tête pleine de trous, certes amoureux, mais d'une esthétique qui frisait la maladie ou la collaboration à la Libération ! Je suis donc allé demander du secours à mon ami Sun Sun qui possède une tondeuse. Le sculpteur n'eut d'autre choix que de se baser sur les plus petits brins pour égaliser ma coiffure grisonnante. Sous cette météo froide et humide je n'ai d'autre solution qu'enfiler un galure. Heureusement j'en ai quelques uns très fantaisie, comme celui avec de longues oreilles d'âne ou de zèbre que je coiffai pour le concert de la semaine dernière...

Photo © Gérard Touren