Hier matin, il faisait encore assez beau pour monter sur le toit et tuber le conduit de la cheminée. Il paraît que cela devrait réduire notre consommation de fuel dont le prix vient d'ailleurs de dépasser 1 euro le litre. Ça grimpe, ça grimpe. Voilà des années qu'on nous le dit, mais personne ne croyait vraiment à la pénurie, et personne ne croit non plus à ce qui se prépare comme à la réalité cynique, honteuse et mensongère qui a poussé les Américains à envahir l'Afghanistan et l'Irak, à faire ami ami avec l'Arabie Saoudite et maintenant à lorgner sur l'Iran ou le Vénézuela, sans compter les tentatives de déstabilisation de la Chine via le Tibet new age fantasmé par les Occidentaux en mal de gourou. Ne pas croire que les Russes ou les Français soient en reste sur le sujet... À y regarder de près, on risque de prendre le globe pour une toupie. Le pétrole grimpe et nous avec. Aux rideaux, citoyens ! Faites en des drapeaux de toutes les couleurs pour escalader les barricades... J'adore la vue du toit. Il n'y a rien de mieux que de changer d'angle, avec ses yeux ou à l'intérieur du crâne. La lecture de Žižek (Bienvenue dans le désert du réel) me porterait-elle sur le ciboulot ? Il a une façon formidable de retourner les évidences comme une chaussette. La philosophie et la psychanalyse seraient-elles la poésie mise à l'épreuve de la pratique ?
Comme on faisait des pointes sur les tuiles, on en a profité pour dégager le lierre mort qui avait colonisé la gouttière, mais, surtout, j'ai ramassé la vieille antenne télé en râteau dont la rouille avait sectionné le mât. Pas étonnant que la réception hertzienne se soit détériorée ! Crâne, antenne en râteau, mât, faut-il que les mots soient en haut pour porter des chapeaux circonflexes ? Je suis aussi descendu dans l'abîme recevoir la suie dans la figure lorsqu'apparut le tuyau en aluminium au-dessus de la chaudière. C'est justement pour l'éviter qu'on tube. Françoise passe et repasse le disque de Bernard. Du toit, on voit la cheminée de la voisine d'en bas qui n'a pas de chapeau, elle chauffe la pluie qui dégringole dedans, parce que depuis, ça tombe dru.
Le soir, nous avons démonté la porte arrière du garage. J'avais imaginé rentrer des voitures dans ce qu'est devenu le jardin. J'ai préféré les arbres aux automobiles. Certaines n'apprécient pas les platanes, d'autres si. Un érable est en train de prendre. Derrière la porte jaune, il y a de grandes fleurs de pavot orange et des fuchsias qui grimpent le long du mur du voisin. Tout grimpe, sauf les salaires. L'idée de Françoise est de remplacer cette porte pivotante (qu'elle a mise en vente sur eBay) par un mur et une porte vitrée qu'Hélène avait aperçue abandonnée sur un trottoir près de la Place des Fêtes. Du côté extérieur de la future cloison on pourra mettre le bois de chauffage à l'abri et à l'intérieur on construira des étagères pour accumuler encore plus de cochonneries. Les trier une fois de temps en temps, c'est aussi de la poésie. C'est dommage qu'elles encombrent le reste du temps. On ne fait de la place que pour pouvoir l'occuper. Ça me scie. J'aime les grands espaces. J'imagine le ciel à l'envers comme un océan de moutons noirs. Cette menace a du bon !