"Dernières tomates" n'est qu'une manière d'annoncer les dernières nouvelles, car ce sont pour moi les premiers fruits de l'année que je cueille sur l'arbuste. Je ne crois pas comme Saint Matthieu que "les derniers seront les premiers" (chapitre 20), préférant à la paraphrase biblique un "à travail égal salaire égal" (GRRR 1005). Tandis que j'arrose le potager quelques gouttes viennent à tomber. Si peu qu'elles nous semblent un mirage. Jean-Claude a creusé des rigoles qui facilitent le travail. L'eau coule de pied en pied et je n'asperge les miens qu'en passant aux potimarrons, faisant bien attention de ne pas mouiller les feuilles des tomates. Comme j'en coupe les gourmands qui affaiblissent les plants je me retrouve avec les mains vertes, réputation que je n'ai pas, bien que je sois habituellement en charge de la végétation de notre maison. Chaque son, chaque pas sur le gravier nous rappellent forcément l'absence de Rosette. Cette mémoire douloureuse s'adoucira avec le temps. En apprivoisant la perte, la tendresse permet de ne conserver que les leçons de vie. Au retour de la baignade, je me gave de figues marseillaises et de chasselas avant de régler les points en suspens des projets supposés terminés et ceux en devenir. Le farniente prend doucement. J'ai même réussi à faire une petite sieste. C'est la révolution. J'en suis rouge de confusion. Comme une tomate.