70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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vendredi 21 mai 2021

Sun Sun Yip expose La cime à Paris


Si Sun Sun Yip surprend à chaque nouvelle exposition parce qu'il change de matériau tout en en creusant les possibilités, sa maîtrise et son exigence sont toujours guidées par une vision philosophique de l'art qui lui confère une unité dans la diversité. Cette fois encore je suis étonné que la variété des modèles, quartiers de viande ou sous-bois, poulpe ou dentelle, montre une homogénéité inattendue. C'est la peinture, la pâte qui les réunit forcément, technique certes héritée de la Renaissance, mais la main, le bras imprime sa marque. Sun Sun Yip n'utilise aucun produit du commerce, il fait venir ses pigments d'Allemagne, les broie avec de l'huile et des résines. Ses natures mortes prennent vie sur la toile.


Que dans le passé il s'initie à la gravure, produise des installations ou qu'il programme son ordinateur comme récemment exposé à la Biennale de Bangkok quitte à attendre des mois le résultat de ses calculs, qu'il sculpte le bois de chêne teinté à la mûre écrasée comme pour ses Flowers of Memory ou qu'il colle des affiches dans le quartier en soutien aux Baras expulsés de leur squat, ses œuvres recèlent un secret dont il faut chercher la clef en Chine d'où il est originaire. Les titres des tableaux exposés à l'Espace Culturel Bertin Poirée éclairent les œuvres d'un humour souvent noir et critique pour notre civilisation qui a perdu ses raisons d'être. Parmi la trentaine accrochée, les deux premiers que j'ai photographiés sont Jeu et Il était une fois à Hong-Kong. L'artiste porte à deux mains un crâne retourné comme un lourd fardeau de pierre ou il respire les fleurs du bauhinia qui figurent au centre du drapeau de Hong-Kong, deux sensations que la peinture ne saurait a priori délivrer. Leurs titres offrent un recul supplémentaire en transformant ludiquement l'effort ou en rappelant la violence derrière une apparente quiétude, telle celle des films de Sergio Leone. Quelle place l'homme accorde-t-il encore à la nature ? Les deux suivantes font partie de sa série carnassière. Des personnages de chair semblent émerger de la viande, elle-même coupée de son origine par un sac en plastique qui la banalise. Civilisation souligne bien la brutalité humaine et Dance Dance Dance son incapacité à se mouvoir élégamment au milieu de ses contradictions.


Les deux dernières, Empreinte de l’illusion et Errance nocturne reproduites ici, ironisent l'hyer-réalisme et interrogent notre intelligence. Le poulpe finira sur notre table, le plasticien hong-kongais étant aussi un fin cuisinier. Les peintures portant des numéros qui indiquent le sens de la visite, l'accrochage rappelle le montage cinématographique où ce qu'il y a entre les œuvres est aussi important qu'elles-mêmes. Dans le sous-sol où sont exposées la plupart, promenez-vous avec la liste tarifée pour profiter des titres indiqués seulement à cet endroit. La précédente exposition de Sun Sun Yip à Paris remonte à 2014. N'attendez pas la prochaine pour aller vous balader vers le Châtelet !

→ Sun Sun Yip, La cime, Espace Culturel Bertin Poirée, Association Culturelle Franco-Japonaise de TENRI, 8-12 Rue Bertin Poirée 75001 Paris, exposition jusqu'au 29 mai 2021 (lundi au vendredi 12h-19h, samedi 22 mai 12h-18h30, fermée lundi 24, samedi 29 12h-16h)

lundi 25 mars 2019

Blick Bassy chante les héros du Cameroun


J'avais beaucoup aimé Akö, le précédent album de Blick Bassy, et apprécié qu'il vienne soutenir le Collectif Baras qui occupait un squat à côté de chez moi lorsque j'appelai à l'aide il y a trois ans. Il n'est donc pas si étonnant que son nouveau disque soit axé sur la reconnaissance de la lutte que menèrent les Camerounais contre la colonisation, la Françafrique et la corruption des élites. J'écoutai d'abord sa voix de velours sans comprendre les paroles des chansons qu'il accompagne à la guitare, magnifiquement épaulé par Clément Petit au violoncelle et effets électroniques qui cosigne les très beaux arrangements, Johan Blanc au trombone et Alexis Anerilles au clavier et à la trompette. J'avais regardé le premier clip-vidéo, frustré de ne pas connaître l'Histoire de son pays dont il mixe les époques pour montrer à quel point il y a une continuité dans l'oppression et l'exploitation de l'Afrique par les Européens.


Blick Bassy ouvre l'album sur une rythmique de trompette harmonisée avec Ngwa, « ... Toi qui t’es battu pour la libération, toi qui a contribué à forger notre spiritualité, toi qui a donné ta vie pour nos libertés, toi qui a tout sacrifié pour notre souveraineté, tu es notre Ngwa ». Dans le clip, les chevaliers teutoniques s'opposent à la Résistance clandestine des années 50. Le 13 septembre 1958 l'Armée Française assassinera le héros Ruben Um Nyobè surnommé Mpodol, "la voix du peuple", premier dirigeant politique à avoir revendiqué l'indépendance de son pays. Avec beaucoup de lyrisme, Blick Bassy s'adresse à la jeunesse camerounaise pour lui rappeler comment leur pays en est arrivé là, ce qu'ils doivent aux anciens, les exhortant à se réveiller en s'en inspirant. Pour Koundé, Blick se glisse dans la peau de Um Nyobè. « Je me suis sacrifié pour notre pays, et vous ai laissé l’alphabet qui vous permettra de réécrire notre histoire. J’ai également laissé des semences, des appâts afin que puissiez à votre tour, bâtir un avenir meilleur. »


Le deuxième clip-vidéo est Woñi : « Ma famille a grandi dans la peur, hommes, femmes et enfants vivent dans la peur, et pour exister, cette belle communauté boit et se saoûle, déracinée, sous le regard abasourdie des traditions. » Blick fustige ceux qui sabotent le pays, aveuglés par la publicité et l'appât du gain. S'il chante en bassa, il ne sont que 2 millions parmi les 25 millions de Camerounais avec 260 langues différentes, il appelle à l'union des différentes tribus, parce que personne ne doit oublier que les anciens ont payé de leur vie le combat pour l'indépendance et l'unification.


Comme je manque d'informations sur l'Histoire du Cameroun, le producteur Laurent Bizot qui dirige le label NøFormat, m'envoie un petit fascicule à paraître ces jours-ci en même temps que l'album. L'essai de Andy Morgan traduit par Maïa Nicolas nous apprend la monstrueuse et criminelle exploitation dont est victime l'Afrique, dont le Cameroun, depuis les débuts de la colonisation jusqu'à nos jours en passant par la Françafrique. Au travers de l'histoire de la famille de Blick, il raconte comment les mouvements de résistance furent décapités, comment la corruption profita aux lâches et aux intrigants, mais aussi le combat héroïque des membres de l'Union des Peuples du Cameroun (UPC) rallié au Rassemblement Démocratique Africain (RDA) face au non respect de la France des Accords de Tutelle des Nations Unies. Sous prétexte de pacification la France, sous l'égide de Gaston Defferre et Pierre Messmer, répliqua par une répression sanglante expérimentée en Indochine et en Algérie ! La manipulation d'opinion par nos gouvernants n'est pas nouvelle. Des hommes de paille furent placés à la tête du Cameroun qui recèle pétrole et uranium. C'était le jeu de la Françafrique de perpétuer secrètement l'impérialisme de naguère sous prétexte de réprimer "une insurrection communiste à motivations tribales". Le président Ahidjo fit régner la terreur. La France craint toujours aujourd'hui que le passé resurgisse et qu'affluent demandes de réparation. C'est toute l'histoire de l'Afrique qui se joue et se rejoue pour avoir oublié son passé, parce que le néocolonialisme y est toujours d'actualité.
Et Blick Bassy, avec toujours autant d'élégance, de chanter sa colère d'une voix douce et envoûtante, portée par une détermination qui se pratique debout, une voix qui nous emmène là il nous faut bien retourner pour comprendre les racines du mal et affirmer que rien n'est jamais joué tant qu'il restera des justes pour se souvenir, rêver d'un monde meilleur, prêts à se battre jusqu'au bout contre l'injustice. C'est vraiment de saison.

→ Blick Bassy, 1958, CD NøFormat

samedi 22 juillet 2017

TéléBocal filme les Baras à Gallieni


Super reportage de Télé Bocal sur les Baras à Gallieni... Expulsés par le Préfet de Seine-Saint-Denis qui leur refuse même de monter une tente entre 23h et 5h (nombreux travaillent, au noir évidemment, exploités par des entrepreneurs sans scrupules), ils campent sous le pont de l'échangeur. Ils témoignent, ainsi que plusieurs soutiens...

Une pétition circule que chacun/e peut signer...

vendredi 14 juillet 2017

Les Baras par Sun Sun Yip


Les relations de bon voisinage créent des liens, ici entre un peintre chinois et des travailleurs africains sans papiers français. Chinois de Hong Kong, Sun Sun Yip a récemment acquis la nationalité française après 25 ans de résidence parisienne. Travailleurs africains chassés de Libye par la guerre que notre pays y déchaîna, les Baras squattaient un bâtiment inoccupé de la rue René Alazard à Bagnolet avant d'être scandaleusement expulsés par le Préfet de Seine-Saint-Denis, ancien du cabinet d'Estrosi, à la demande des frères Fuchs qui ont racheté l'ancien local de l'ANPE à Natixis. Révolté par cette expulsion du 29 juin dernier, l'artiste chinois choisit de faire tirer trois grandes affiches à partir des portraits à l'huile qu'il a réalisés. Les tableaux présentent le même visage rayonnant et déterminé avec une dominante successivement bleu, blanc, rouge ! Trois affiches de 80x120cm collées sur les parpaings obstruant l’entrée du 72 où vécurent les 200 Baras. Ils gardent un sourire incroyable malgré les misères qui les accablent, réfugiés pour l'instant sous le pont de l'échangeur de Gallieni avec l'interdiction absolue de monter une tente. Après deux semaines où la pluie diluvienne succéda à la canicule, la Mairie de Bagnolet désobéit en leur installant des toilettes et un point d'eau, mais une nouvelle expulsion est à craindre. Les Baras considèrent avec justesse la France responsable de leur situation impossible, conséquence de la colonisation et de la guerre à Khadafi. Ils ne souhaitent qu'une chose, être régularisés pour travailler enfin avec un salaire décent qui leur permette de payer un loyer comme tout un chacun. Le refus qui leur est opposé, alors qu'ils sont sur le territoire depuis plus de cinq ans, ne sert qu'aux employeurs sans scrupules qui les exploitent. Sun Sun Yip a payé de sa poche les grands tirages au risque qu'ils soient arrachés par les nervis qui ont muré le bâtiment évacué. En ce 14 juillet, ils sont pourtant l'étendard dont tous les riverains solidaires peuvent s'enorgueillir, afin que le drapeau français soit autre chose qu'un suaire sur l'autel de l'exploitation de l'homme par l'homme.

jeudi 13 juillet 2017

La mobilisation porte ses fruits, mais rien n'est réglé


La mobilisation porte ses fruits. La mairie de Bagnolet a installé des toilettes et un point d'eau pour les 150 Baras, expulsés le 29 juin de la rue René Alazard à Bagnolet, qui ont trouvé un refuge provisoire sous le pont de l'échangeur à Gallieni. Il ne leur manque que des sanitaires nettoyés et surtout un toit et des papiers français pour qu'ils puissent travailler dans des conditions décentes. C'est le propos de la tribune adressée au premier ministre, en copie hier sur Libération et Mediapart, signée par une cinquantaine de personnalités. Depuis cinq ans les Baras sont exploités par des employeurs sans scrupules qui les paient au noir bien en dessous du SMIC alors qu'ils vivaient correctement en Libye avant que la France déclare la guerre à Khadafi. L'Italie leur fournit des papiers européens que notre pays ne reconnaît pas. L'Europe a les limites de ses intérêts économiques, c'est même le seul fondement sur lequel est bâtie sa constitution, constitution refusée par le peuple français, mais ratifiée de la plus anti-démocratique manière. Heureusement les riverains associés aux antennes des Lilas et Bagnolet de la Ligue des Droits de l'Homme et RESF, de Balipa et d'autres associations sur la brèche depuis cinq ans, leur apportent leur soutien, moral et pratique. Les supermarchés des environs ont donné leurs invendus, des voisins avaient aussi apporté des bonbonnes d'eau, des duvets, des vêtements, etc., mais ils manquent tout de même de nourriture, bouteilles d'eau, produits d'hygiène... Le point noir, c'est le Préfet de Seine-Saint-Denis qui interdit fermement la moindre tente qui les mettrait à l'abri des intempéries, les menaçant d'envoyer aussitôt les CRS... Même l'eau et les toilettes ont été installées contre ses ordres !


La menace d'une nouvelle expulsion musclée pèse sur leurs têtes. On a vu comment les 2000 migrants ont été virés de la Porte de la Chapelle après que les autorités aient laissé pourrir la situation. En leur refusant la moindre hygiène, elles peuvent arguer ensuite de l'insalubrité du campement sauvage... La régularisation des immigrés ne peut que profiter aux travailleurs français, évitant ainsi la concurrence que leur imposent les entreprises frauduleuses.

mardi 11 juillet 2017

Tentative d'expulsion des Baras à Gallieni


Alors que Libération (qui l'a finalement publiée une heure après ce blog) et Le Monde tergiversaient depuis cinq jours en exigeant l'un et l'autre l'exclusivité de cette tribune à contenu humanitaire, les Baras repoussaient une nouvelle expulsion à Gallieni. Les soutiens appelèrent un maximum de monde à s'y rendre, mais tout est craindre dans les heures qui viennent...

Redonnons sens à notre tradition d’asile, Monsieur le Premier ministre !
… à commencer par les deux cents Baras, Africains sans papiers, expulsés et à la rue dans le 93

Elle n’était pas jolie la tradition d’asile de la France, jeudi 29 juin, lors de l’expulsion par les CRS de deux cents Africains sans papiers, installés depuis plus de trois ans à Bagnolet (93) dans un bâtiment inoccupé. Pourtant, Monsieur le Premier ministre, n’est-ce pas à cette tradition que vous voulez redonner sens, ces prochains jours, par un ambitieux plan d’action ?
Ces Baras (travailleurs en bambara) vivaient et travaillaient en Libye, jusqu’à ce que la guerre les contraigne, en 2011, à fuir et à se réfugier en France. Depuis, ils n'ont connu pour toit que la rue, ou au mieux des bâtiments inoccupés, comme celui de la rue René Alazard à Bagnolet. Chaque fois, ils en ont été expulsés. Comme jeudi dernier !
Alors où est-elle, Monsieur le Premier ministre, cette tradition française d’asile que vous invoquez ? Certainement pas à Bagnolet, où ces hommes contribuaient au vivre ensemble du quartier de la Dhuys : ils surprenaient par leur dignité les riverains. Chaque matin, les Baras quittaient Bagnolet pour aller travailler « au noir », qui dans le nettoyage, qui dans le bâtiment, le gardiennage ou la restauration. Exploités, comme tant d'autres sans-papiers. Aujourd'hui expulsés, ces hommes se retrouvent sur le trottoir, à la sortie du métro Gallieni sous le pont de l'échangeur. Bénéficiant de la solidarité de leurs anciens voisins et soutiens qui leur apportent nourriture et équipements, ils dorment à même le sol, le préfet leur interdisant matelas et tentes.
Monsieur le Premier ministre, puisque vous semblez attaché à redorer cette tradition d’asile à laquelle vous vous référez, commencez donc par ces hommes, qui vivent et travaillent en France depuis des années, s’organisent comme ils peuvent avec leur collectif dans une remarquable dignité. Écoutez-les, écoutez leurs voisins, répondez enfin à leurs demandes, démarches entreprises depuis des années auprès des pouvoirs publics et qui, toutes, ont été rejetées. Donnez des instructions pour étudier leur dossier de régularisation, pour leur trouver des hébergements pérennes qu’ils sont prêts à louer.
Monsieur le Premier ministre, refusez avec nous, signataires de cet appel, cette logique répressive et haineuse à l'égard des Baras de Bagnolet, comme des migrants en général, qui salit l’image de notre pays. Faites cesser les traitements humiliants et dégradants dont tous sont victimes !

Christophe Abric, producteur La Blogothèque / Aline Archimbaud, sénatrice / Blick Bassy, musicien / Elsa Birgé, chanteuse / Jean-Jacques Birgé, compositeur de musique / Laurent Bizot, producteur de disques / Geneviève Brisac, écrivaine / Étienne Brunet, musicien / Marie-Laure Buisson-Yip, professeur d’arts plastiques / Dominique Cabrera, cinéaste / Robin Campillo, cinéaste / Laurent Cantet, cinéaste / Denis Charolles, musicien / Nicolas Chedmail, musicien / Catherine Corsini, cinéaste / Didier Daeninckx, écrivain / Corinne Dardé, vidéaste / Benoit Delbecq, musicien / Pascal Delmont, directeur d'entreprise / Alice Diop, cinéaste / Ella & Pitr, peintres / Éric Fassin, sociologue / Léa Fehner, cinéaste / Pascale Ferran, cinéaste / Emmanuel Finkiel, cinéaste / Marie-Christine Gayffier, peintre / Thomas Gilou, cinéaste / Speedy Graphito, peintre / Antonin-Tri Hoang, musicien / Nicolas Klotz, cinéaste / Rémi Lainé, cinéaste / Olivier Marboeuf, directeur de Khiasma / Yolande Moreau, comédienne et réalisatrice / Elisabeth Perceval, cinéaste / Laurence Petit-Jouvet, cinéaste / Fiona Reverdy, peintre / Jean Reverdy, peintre / Colas et Mathias Rifkiss, cinéastes / Denis Robert, journaliste et écrivain / Françoise Romand, cinéaste / Christophe Ruggia, cinéaste / Raymond Sarti, scénographe / Céline Sciamma, cinéaste / Vincent Segal, musicien / Pierre Serne, conseiller régional / Claire Simon, cinéaste / Bernard Stiegler / philosophe, Henri Texier, musicen / Élise Thiébaut, écrivaine / Sun Sun Yip, plasticien / LDH Les Lilas/Bagnolet / RESF Les Lilas / Bagnolet

(pour information, le communiqué de la LDH sur la déclaration du premier ministre)

page Facebook des Baras et de certains soutiens

Do Mi Si La Do Ré


Depuis que nous habitons un pavillon de banlieue en lisière de Paris, c'est la fête des voisins tous les jours. Toute mon enfance j'avais vécu en appartement et je ne connaissais aucun des habitants de l'immeuble, sauf pour se plaindre de la musique que je faisais hurler dans ma chambre d'adolescent. Au mieux nous nous saluions dans l'ascenseur sans vraiment nous regarder.
À 24 ans je louai un bout de maison sur la Place de la Butte aux Cailles, au 7 rue de l'Espérance, qui était en surface corrigée et que Charlotte Latigrat et Martin Even quittaient. La loi de 1948 obligeait les propriétaires à baisser considérablement les loyers de logements non conformes aux exigences de confort d'alors. La salle de bain et les toilettes donnaient directement sur la cuisine et la chambre du premier étage n'était accessible que par une échelle de meunier. Je payai ainsi une bouchée de pain pour un duplex avec deux chambres et même un garage. Une trappe s'ouvrait sur une grande cave transformée en salon qui me servit de studio d'enregistrement pendant huit ans. Angèle et Maurice, mes voisins octogénaires eurent la gentillesse de se séparer de leur coucou suisse accroché sur le mur mitoyen de l'endroit où je dormais. Ces titis parisiens, vieux communistes vivant avec une retraite misérable, avaient le cœur sur la main et je pense chaque fois à eux lorsque je passe devant le cimetière de Gentilly. Je me souviens d'une engueulade avec notre propriétaire commune où Angèle lui lâcha "Vous en avez plus à chier que moi à manger !".
Lorsque je rencontrai la future mère de ma fille je déménageai boulevard de Ménilmontant dans un loft immense qui faisait figure pour moi de palais des mille et une nuits. Les premières années de cohabitation avec les autres habitants de l'immeuble furent idylliques. La nuit nous n'avions personne au-dessus ni en dessous de nous. Nous avions tous des enfants à peu près du même âge et nous n'avons jamais eu besoin de baby-sitter. Nous rendant des services mutuels, soit nous n'avions pas d'enfant, soit nous en avions trois ou quatre. Au départ il y avait une dizaine de petites filles et un seul garçon ! Nous avons fait des fêtes d'immeuble extraordinaires dans la cour jusqu'à ce qu'une agence de photos travaillant pour la pub s'installe là et casse l'ambiance. Tous les vendredis deux cents convives dansaient au dessus de nos têtes dans un rituel répétitif insupportable. La baignoire débordait de bouteilles de Champagne et jamais la gauche caviar ne porta jamais si bien son nom. Ces quadras mal élevés ne nettoyaient jamais l'escalier après avoir vomi leurs excès alcooliques et leurs retrouvailles hebdomadaires puaient le machisme des copains de régiment. J'étais heureux de quitter ce lieu qui perdit progressivement son âme.
Je vécus en sursis deux ans dans un pavillon de Clamart qui représentent pour moi la seule erreur fondamentale de ma vie, l'éloignement de tout transport en commun n'étant pas la raison de cette faille, mais une erreur de casting dont je me remis heureusement en acquérant ma maison de Bagnolet. Après quelques tâtonnements je retrouvai mon équilibre grâce à ma rencontre avec Françoise et la proximité retrouvée avec ma fille alors encore adolescente. Aussitôt arrivé ici, je me fis quantité d'amis dans le voisinage.
Je me demande si tout le monde partage la même expérience, mais il me semble que vivre dans la promiscuité d'un immeuble pousse ses habitants à garder leurs distances alors que l'isolement relatif des pavillons crée des liens de solidarité avec les autres riverains. Notre quartier est particulièrement agréable, car il reste irrigué de commerces et il existe un tissu mélangé où les entreprises sont encore présentes. La proximité de Paris, accessible à pied et sans que le Périphérique soit perceptible, donne l'impression d'un vingt-et-unième arrondissement où de nombreuses familles se sont installées récemment, préférant une grande surface, voire un jardin, à l'immersion concentrationnaire parisienne. Nous avons ainsi quantité de nouveaux amis depuis notre emménagement ici il y a une quinzaine d'années, sans compter les rapports indispensables de bon voisinage. Rien qu'en face, par exemple, cinq des huit lofts sont occupés par des personnes qui sont devenus des proches, et dans le quartier le nombre des connaissances est incalculable. La Dhuys est une sorte de village où la solidarité est quotidienne. On l'a vue lors de l'expulsion des Baras par les CRS la semaine dernière. C'est probablement lié à nos activités locales, politiques, citoyennes ou simplement riveraines.
Dimanche soir, Juliette Dupuy nous a envoyé cette superbe photographie de notre maison depuis ses fenêtres sur lesquelles une gouttière tordue déversait des trombes d'eau. Le lendemain matin je suis d'ailleurs allé déboucher l'évacuation du jardin pour éviter l'inondation du garage et j'ai vérifié que les surélévements de la cave faisaient leur office. J'en ai aussi profité pour enregistrer les coups de tonnerre dont les premières déflagrations nous avaient réveillés. Les chats étaient déjà rentrés se blottir au sec, non sans avoir laissé traîner une souris assassinée devant la porte de notre chambre. Vider le quartier de ces petits rongeurs est leur contribution à la solidarité évoquée plus haut.

samedi 1 juillet 2017

Dîner de soutien au Collectif Baras ce soir à Montreuil


Il fallait voir les habitants du quartier de la Dhuys à Bagnolet penchés à leurs fenêtres le matin du 30 juin. Il y avait un parfum de 14 juillet, sauf qu'ils n'applaudissaient pas l'Armée Française, ils huaient les CRS et la police qui poussaient les Baras hors de la rue René Alazard. L'amitié et la solidarité développées au cours de trois années entre les voisins et les anciens travailleurs africains chassés de Libye par la guerre que notre pays fit à Khadafi s'exprimaient dans la plus grande émotion. Nous avons rencontré ainsi quantité de Bagnoletais dont nous ignorions qu'ils étaient si nombreux à incarner ce que la France a perdu sous les coups de butoir d'un État cynique et autoritaire, l'ex-patrie des Droits de l'Homme. Ils s'organisent aujourd'hui pour aider ces 200 jeunes hommes chassés du bâtiment qu'ils occupaient et qui se retrouvent à grossir les rangs des SDF. Regroupés sous le pont au métro Gallieni, ils dorment par terre sous la pluie. Le Préfet leur a interdit de monter la moindre tente, menaçant de leur envoyer une fois de plus ses Robocops qui ne rêvent qu'à en découdre.
Vendredi soir lors du Conseil Municipal, après une minute de silence en l'honneur de Simone Weil, le maire socialiste de Bagnolet, Tony di Martino, a donné la parole au délégué des Baras qui lui a réclamé d'ouvrir un lieu provisoire pour les abriter et d'intercéder en leur faveur auprès du Préfet, responsable, avec le nouveau propriétaire, de l'expulsion musclée dont ils ont été une fois de plus victimes. Les Baras demandent aussi que les deux d'entre eux incarcérés au CRA de Mesnil-Amelot soient libérés. Le maire semble sincère lorsqu'il raconte n'avoir été prévenu de l'intervention des CRS que lorsqu'elle avait déjà commencé. Est-il par contre suffisamment compétent quand il affirme ne pouvoir rien faire et n'avoir aucun lieu disponible ? Pendant que le nouveau député membre de la France Insoumise, Alexis Corbière, sort de la salle (où il n'était que spectateur) pour appeler Pierre-André Durand, le Préfet de la Seine-Saint-Denis, et le convaincre d'un peu d'humanité, une responsable de l'association Amatullah insiste auprès du maire pour qu'on permette aux Baras de dormir la nuit, car beaucoup travaillent le lendemain matin, certes exploités sauvagement par des entrepreneurs sans scrupules. Cette association sert entre autres des repas aux populations démunies ou en situation précaire... Les chefs de groupe de l'opposition (PCF, PG) soulignent la situation d'urgence...


Mais le Préfet, engagé volontaire dans l'armée (musique de la 2e section aérienne !), ancien élève de l'ENA et collaborateur d'Estrosi, reste inflexible. En Seine-Saint-Denis la loi n'a pas changé, mais depuis sa nomination les conditions de son application se sont considérablement durcies. Il enverra les forces de l'ordre si la moindre tente est montée à Gallieni. Son sous-préfet affirme néanmoins au député Alexis Corbière que les procédures de régularisation de la plus grande partie des Baras pourraient être simplifiées et accélérées. Faut-il le croire ou est-ce une promesse de plus qui ne sera pas tenue ? Le Préfet étant parti en week-end, une réunion d'urgence pourrait avoir lieu lundi ou mardi. Car en l'absence de régularisation, les Baras, dont le nom signifie travailleurs en bambara, sont des sans-papiers corvéables à merci. Les conditions normales sont impossibles à remplir. Comment prouver qu'ils sont là depuis plus de cinq ans quand ils sont engagés au noir et payés en liquide, sans adresse légale ? Comment produire un contrat de CDI quand tant de Français accumulent les CDD sous la responsabilité illégale de leurs employeurs ? La déléguée de RESF est présente, comme celui de la Ligue des Droits de l'Homme qui de plus siège au conseil municipal et a demandé au maire que les Baras puissent s'exprimer. Les Baras sont-ils condamnés à errer de squat en squat dans l'attente d'une résolution humaine ?

Vous pouvez les soutenir en venant ce soir samedi 1er juillet à partir de 19h, comme prévu avant leur expulsion, Place de la Fraternité à Montreuil, métro Robespierre. Il ne pleuvra plus ! On y mangera du mafé ou du tiep (dont une version végane), on y boira du bissap, du gingembre ou de la bière, il y aura de la musique. Les députés Alexis Corbière et Sabine Rubin se sont engagés à venir... Dans quel pays vivons-nous ? Pouvons-nous accepter que des êtres humains soient traités ainsi, sous une nouvelle forme d'esclavage ? Soyons nombreux, c'est important pour l'avenir !

vendredi 30 juin 2017

"Police, milice, flicaille, racaille !"


Le quartier se transforme, mais on n'y gagne pas au change. Nos charmants voisins africains ont été expulsés par de sinistres brutes. On me dit que le nouveau propriétaire du bâtiment occupé depuis trois ans par ces travailleurs "sans papiers français" voudrait en faire un centre de remise en forme. Il est certain qu'après tout ce temps et dans les conditions spartiates où ils étaient relégués les Baras en auraient bien besoin ! Comble d'humour noir, en agrandissant l'une des photos prises hier matin, je m'aperçois qu'avenue Gambetta à Bagnolet les CRS à la poursuite des récalcitrants s'échauffaient justement devant un autre de ces centres...


Je continue à jouer à Blow Up avec mes photos de l'intervention musclée de la police qui n'a pas seulement viré les Baras de la rue rené Alazard, mais qui les a pourchassés jusqu'à la Mairie, puis de Gallieni jusqu'à sous l'échangeur de la Porte de Bagnolet en les sommant de se disperser. Je ne peux m'empêcher de fredonner les paroles du film de Jacques Demy, Une chambre en ville. Aux flics qui ordonnent "Dispersez-vous, rentrez chez vous, nous ne voulons pas d'incident, retirez-vous dans l'ordre et le calme !" les grévistes répondent "Laissez-nous passer, nous ne partirons pas, nous sommes ici pour défendre nos droits, pour nos femmes et nos enfants et les enfants de nos enfants, POLICE MILICE, FLICAILLE RACAILLE..." Derrière le visage avenant du CRS qui me menaçait, sur le camion chargé des parpaings que d'autres Africains cimenteront toute la journée pour empêcher l'accès au local, on peut lire Trouillet. Mais c'est plutôt de l'énervement qui sort partout des fenêtres des riverains insultant sur leur passage la meute des Robocops...


Tout le quartier est en émoi. Nous avions presque tous et toutes sympathisé avec ces deux cents jeunes hommes, plus tranquilles qu'aucun autre voisin. Les maires de Bagnolet et des Lilas ont du souci à se faire pour leur avenir s'ils continuent à nous balader de paroles en promesses sans se bouger pour trouver une solution humaine au problème des Baras. Daniel Guiraud et Tony di Martino prétendent qu'il n'y a aucun bâtiment vide pouvant les accueillir alors que des réquisitions sont évidemment nécessaires. Déjà que les socialistes ont perdu les législatives dans toutes les villes limitrophes de Pantin à Montreuil au profit de la France Insoumise, cette manifestation de leur impuissance ou de leur complicité n'arrangera pas leurs affaires (immobilières).

jeudi 29 juin 2017

200 Baras expulsés manu militari à Bagnolet


Ce matin les CRS ont expulsé les 200 travailleurs sans papiers du Collectif des Baras qui squattaient depuis 3 ans un bâtiment inoccupé de Bagnolet en attendant que les tractations aboutissent entre le nouveau propriétaire (Natixis lui avait vendu entre temps), la Mairie, les associations comme RESF et la Ligue des Droits de l'Homme et ceux que l'armée française a chassés de Libye suite à la guerre contre Khadafi. La plupart de ces Africains sont maliens, mais sept autres pays d'Afrique centrale sont représentés.


Ils en ont lourd sur le cœur. Ils croyaient ce qu'on leur avait appris, que la France était la patrie des Droits de l'Homme, mais ils savent maintenant que la colonisation continue sous un autre visage. Sans papiers français, puisqu'ils ont ceux de leurs pays respectifs et même des papiers européens reconnus en Italie mais pas chez nous, ils sont exploités par des entrepreneurs peu scrupuleux qui les payent au noir largement en dessous du SMIC. Eux ne rêvent que d'une chose, qu'on leur donne ces papiers qui leur permettraient de travailler légalement, de louer un logement, de vivre comme nous en avons le loisir. On va les regretter dans le quartier. On n'a rarement eu de voisins aussi tranquilles et charmants !


Je n'avais encore jamais vu un policier arborant une écharpe tricolore. On me dit que c'est la loi et qu'il représente le Commissariat des Lilas. Ils y étaient dès 6h30. Tony di Martino, Maire socialiste de Bagnolet, avait promis de nous prévenir dès qu'il serait averti de l'intervention. Il n'en a rien fait. Pourtant il le savait en amont, c'est la loi. Comme nous n'étions que deux au petit jour avec une jeune fille à jouer les témoins pour éviter des débordements des Robocops, je lui faisais remarquer que certains gradés avaient une tête de facho, ils m'ont menacé de garde-à-vue. Je ne les avais pas insultés directement, c'était une messe-basse. Ils répétaient comme des machines : "Vous ne connaissez pas mes origines". C'est vrai, mais je sais ce qu'ils sont devenus. C'est triste de voir ces prolos endosser l'uniforme pour cogner sur les plus démunis.


Un des Baras à qui ils refusaient de récupérer leurs affaires et les documents officiels dont ils ont cruellement besoin s'est énervé. Ils vont lui coller un rapport monstrueusement exagéré. Je les entendus en parler en se frottant les mains. Les Baras qui étaient à l'intérieur du bâtiment ont pris ce qu'on peut tirer avec deux mains, mais une dizaine des travailleurs de nuit qui rentraient n'ont rien eu le droit de récupérer. Les policiers leur avaient pourtant promis. Ils ont argué qu'il y avait eu violence et qu'il faudrait revenir dans les jours suivants avec huissier. En attendant les parpaings montent devant les vitres de l'ancienne Antenne Pôle Emploi désaffectée où ils logeaient tant bien que mal depuis 3 ans. Comme s'il n'y avait pas assez de SDF dans la rue, la police de Macron en a rajouté 200.

vendredi 31 mars 2017

Fin de la trêve hivernale


Quand on ne sait pas quoi offrir, on peut toujours apporter des fleurs, me suis-je dit. Sauf que j'apprends que la plupart des bouquets que l'on achète chez les fleuristes sont traités avec des produits toxiques. Celles de La Ciotat sont sauvages, des jaunes, des bleues, des blanches, lunaires annuelles, ornithogales à feuilles droites, plumbago, pissenlits, que sais-je, auraient donc bien fait l'affaire, mais l'herbe réduite à la taille du blog, on n'aurait pas vu grand chose. J'ai donc rajouté cette grimace au fil de fer. Pris par les livraisons du CD Long Time No Sea et du vinyle de remix à sortir en juin chez DDD, chargé de courses chez les asiatiques de Belleville, je n'avais pas le temps de réfléchir avant d'écrire. D'où l'idée des fleurs.
Mais le 31 mars est surtout la fin de la trêve hivernale et la centaine de Baras qui squattent depuis trois ans le bâtiment de Natixis dans notre rue risquent de voir arriver des cars de Robocops pour les déloger. Ce serait débile pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'ils iront squatter ailleurs. Ensuite parce qu'on n'a jamais eu de voisins si tranquilles, surtout dans un "grand" ensemble au milieu de notre quartier pavillonnaire. Interpellé mercredi soir au cours du Conseil Municipal, le Maire de Bagnolet leur a promis de promulguer un arrêt anti-expulsion, mais ce serait, paraît-il, symbolique, car c'est le Préfet qui décide de l'intervention des forces du désordre... Il serait évidemment préférable de les reloger dans des conditions décentes, mais ce n'est hélas pas le sens que prennent les décisions gouvernementales actuelles. Il serait juste que les élus se bougent sérieusement pour résoudre une situation qui profite aux employeurs qui les paient au noir une misère. En tout cas, la rue ne représente pas pour eux une solution, sauf à manifester leur mécontentement pour avoir été chassés de Libye par la guerre que la France y déclencha sous de faux prétextes, sans parler du post-colonialisme qui semble encore avoir de beaux jours devant lui.

dimanche 20 mars 2016

Politique de proximité


Au Tenori-on, avec Antonin Tri Hoang au sax alto en ouverture de la soirée de soutien au Collectif Baras vendredi soir à Bagnolet. Suivirent Blick Bassy, Etienne et Léo Brunet, Nanda la Gabona, Jah Nool Farafina, Dié... La fête, très réussie, draine un public varié, laissant espérer que la solidarité avec ces anciens travailleurs de Libye chassés par la guerre entreprise par la France porte ses fruits... Considérés par l'État français comme des sans-papiers, ils sont corvéables à merci, exploités, et vivent dans des conditions précaires inacceptables...
Photo © Corinne Dardé

mercredi 16 mars 2016

Quand je ne fais rien...



Avant de s'envoler pour Bahreïn où elle reprend l'opéra Carmen avec l'Orchestra di Piazza Vittorio, Elsa m'a aidé à mettre en forme ma newsletter. Cette actualité est longue comme le bras. Envoyée par mail, je l'ai reproduite ici parce qu'elle résume bien ma non-activité. Tout ce qui y est annoncé est terminé à mon niveau. Les expositions suivent leur cours, les disques à paraître sont entre les mains des producteurs, les applications pour tablettes bénéficieront de mises à jour... Il n'y a que le blog qui s'écrive au jour le jour, avec une pause vacances prévue au mois de mai où, Françoise et moi, nous nous envolerons pour Naples, Ischia et les îles éoliennes. Repos bien mérité.
Néanmoins, en attendant l'hypothétique coup de fil de Monsieur De Mesmaeker, je classe les archives et prépare l'album du trio El Strøm que nous avons décidé de publier chez GRRR avec Sacha Gattino et Birgitte Lyregaard. Un autre projet personnel me tient à cœur, mais j'ai du mal à m'y remettre sans perspective de débouchés sérieux. On verra cela au retour.
Vendredi prochain à 19h je fais aussi un petit set avec Antonin-Tri Hoang pour soutenir le collectif des Baras qui squattent le 72 rue René Alazard à Bagnolet. Venez ! Il y aura aussi Blick Bassy, Étienne et Léo Brunet, Jah Nool Farafina, Dié... Et les Baras, Africains chassés de Libye par notre guerre, auront préparé le mafé et le tiep !

N.B.: si vous souhaitez recevoir la newsletter (avec liens opérationnels !), écrivez à info(at)drame.org

lundi 28 décembre 2015

Second stade du miroir


Ulysse découvre la tête qu'il a, affublé de la collerette qui l'empêche de se gratter l'œil. Il a pris un coup de griffe, à moins que ce ne soit une brindille. Toujours aussi téméraire, il grimpe à toute vitesse en haut des arbres, sur les branches les plus fines, mais l'églantier est plein d'épines et le yucca fabrique des piques acérées. Comme si cela ne suffisait pas, question congénitale ou résultat d'une infection, il manque de larmes. Notre jeune chat ne pleure pas, même lorsqu'il se fait mal. Conclusion, nous devons lui mettre des gouttes pour humecter sa cornée. Depuis hier il rigole pourtant un peu moins. Il marche à reculons, rase les murs et fait des bonds comme s'il avançait sur des braises. Interdit de sortie il tourne en rond ou s'affale les pattes pendantes au bord du lit, lui dont les fugues quotidiennes sont légendaires dans le quartier, je devrais dire les visites tant il a annexé nombreuses demeures de notre rue, y compris le squat des Baras chassés de Lybie par l'intervention armée de la France et toujours sous la menace d'une expulsion. Hier matin j'ai heureusement été réveillé par ses cabrioles : il avait réussi, mauvaise idée, à retirer partiellement son corset de plastique, se coinçant douloureusement la mâchoire. Il est pourtant indispensable de l'empêcher de se gratter l'œil. Nous lui faisons maintes caresses et gratouillis, le brossons et le câlinons en comptant les jours qui le séparent de la libération. En attendant il se regarde dans la glace, offusqué par ce que l'ophtalmologue l'oblige à porter. Mais ce qu'il voit dépasse l'artifice et le laisse perplexe.

lundi 14 décembre 2015

Un simulateur de souris


Sous quel autre thème que "Voyage" pouvais-je classer les exploits d'Ulysse ? La crapule qui porte bien son nom passe toutes ses nuits dehors sans que l'on sache où il rôde. Il est probablement des heures à l'affût jusqu'à ce que la souris sorte de son trou, et là, niaka ! Ulysse me réveille chaque fois à l'aube. J'entends du raffut à côté de notre chambre, dans le salon du premier étage, épaisse moquette blanche devenue plutôt rase, grand espace de jeu dégagé. Le duo joue au chat et à la souris. Elle est toute petite, grise, et progressivement épuisée. Lui fait des sauts de cabri et des glissades, il jongle, joue à la patte chaude, fourre une pantoufle avec son trophée, fait semblant de regarder ailleurs, la perd et la rattrape, jeu cruel qui finit par une série de craquements, os broyés, ne laissant rien, avalant tout, les dents, la queue... Pas une goutte de sang sur la moquette blanche. Je reste debout tant qu'il ne l'a pas avalée, car je crains qu'il la perde dans une interstice comme c'est arrivé une fois. Le problème c'est l'heure, entre quatre heures et sept heures trente du matin. Difficile de se rendormir ensuite, d'autant que cet apéritif lui a ouvert l'appétit et qu'Ulysse réclame son petit déjeuner banalement composé de croquettes vétérinaire. Le premier consulté s'inquiète de ses escapades et regrette qu'il file par les chatières aménagées à son intention, risquant surtout de se faire écraser par un chauffard, la seconde s'exclame "ah, un vrai chat !". Hier soir mon voisin m'a remercié car il n'a plus aucune souris tandis que les Baras du squat un peu plus loin me demandent le nom de ce gentil chat qui vient régulièrement leur rendre visite...
Et le simulateur dans tout cela ? Ulysse a subi toute une série d'exercices d'entraînement avec de fausses souris à l'odeur chargée d'herbes aromatiques. Je reconnais tous les gestes qu'il faisait avec ses jouets. Même le programme qui lui est spécialement destiné sur mon iPad a contribué à sa formation. En montagne ou dans la jungle urbaine il est devenu un as de la chasse aux petits. Il arrive hélas qu'il rapporte un oiseau. Comment arrive-t-il d'ailleurs à passer au travers des chatières avec cet énorme pigeon ? Mais je préfère les souris dont la mise à mort ne laisse aucune trace. À l'instant-même je l'entends gambader sur le toit du garage tandis qu'un merle s'envole à son approche...

dimanche 20 septembre 2015

Ils sont nos voisins, et nous refusons leur expulsion !

Texte signé par La Ligue des Droits de l'Homme Bagnolet/ Les Lilas, RESF Les Lilas et des citoyens des Lilas, de Bagnolet, et de Montreuil

Le collectif des Baras est composé de travailleurs africains chassés de Libye à cause de la guerre et passés par Lampedusa. Arrivés en France en 2013, ils se sont vus refuser toute demande d’hébergement adressés au préfet et aux mairies. Après avoir passé plusieurs mois à la rue, ils ont habité des bâtiments inoccupés à Montreuil, Bagnolet et tout dernièrement aux Lilas, d’où, à chaque fois, ils ont fini par être expulsés.

Les Baras habitent actuellement le local de l'ancienne antenne de Pôle-Emploi au 72 rue René Alazard à Bagnolet, propriété de la banque Natixis. Ils sont à nouveau menacés d’expulsion à partir de mercredi 23 septembre aux aurores.
Nous citoyens amis des Baras, demandons aux maires de ces villes et plus largement aux élus d'Est Ensemble de bloquer cette expulsion le temps de trouver une solution humaine, et en vertu de la loi sur la réquisition des locaux vacants de mettre à leur disposition un local.
En réquisitionnant un des nombreux bâtiments inoccupés qui se dégradent depuis des lustres (par exemple rue Rapatel à Montreuil, le bâtiment propriété du Conseil Général, ou la tour Telecom à Bagnolet) et en leur confiant de le rénover ils pourraient tous s'y loger et y vivre dignement. Rappelons que les Baras, mot qui signifie travailleurs en bambara, réclament des papiers leur permettant de travailler légalement en France. Parmi eux il y a des terrassiers, des maçons, des plombiers, des électriciens, des serruriers capables de remettre des bâtiments en état ; ils sont également prêts à en partager les charges.
Pour les autorités ils sont des sans-papiers, mais ils ont des papiers de leurs pays et ils ont des papiers délivrés par des pays européens, le plus souvent l'Italie, que la France ne reconnaît pas.
C'est parce que nous sommes convaincus que tous devons nous montrer à la hauteur de la responsabilité qui nous incombe concernant l'accueil de TOUS, migrants et réfugiés, que nous demandons aux maires des Lilas, Daniel Guiraud, de Bagnolet, Tony Di Martino et de Montreuil, Patrice Bessac, aux élus d'Est Ensemble une action d'urgence afin de trouver une solution à cette situation humainement inacceptable.

http://lesexpulsesdeslilas.tumblr.com/

mardi 1 septembre 2015

Quel clafoutis !


J'avais prévu de commencer en douceur la reprise du blog après un mois de vacance ! C'était sans compter l'activité de notre quartier où hier matin la police a évacué de force et illégalement un squat occupé par des travailleurs africains chassés de Libye suite à la guerre entreprise par la France. Je reviens aujourd'hui avec un article plus gentil, puisque mon blog reste généraliste, malgré certaines tendances appuyées. Après l'action, un petit réconfort culinaire est donc le bienvenu !
Françoise a adapté la recette de clafoutis d'Olivia à tous les fruits de saison sous toutes les latitudes. Prunes, mirabelles, poires, pêches, abricots, framboises, cerises, myrtilles, ananas ont été noyés à tour de rôle sous la pâte légère. J'ignore pourquoi les clafoutis ressemblent souvent à des étouffe-chrétiens alors qu'ils peuvent enchanter nos papilles sans être le moins du monde bourratifs.
Beurrez un plat, saupoudrez un voile de sucre sur le beurre et placez les fruits. Mélangez au fouet manuel 3 cuillères à soupe de farine, 3 cuillères à soupe de sucre, 3 œufs, une pincée de sel, un demi-sachet de levure et un berlingot de crème fleurette. Recouvrez les fruits. Enfournez au four 50 minutes à 165-170°C. C'est tout. Vous m'en direz des nouvelles !

lundi 31 août 2015

Expulsion brutale et illégale des Baras aux Lilas


Terribles symboles, au coin de la Place du Vel d'Hiv, la police et la gendarmerie sont intervenus ce matin à 7h pour expulser le collectif des Baras qui occupait l'ancien Quartier Général du Front de Gauche aux Lilas, vide depuis des mois.
Les Africains, travailleurs chassés de Libye après les bombardements français et virés de Montreuil (dont le maire est au PCF !), squattaient le 8 rue Chassagnolle depuis 10 jours. Ils en ont les preuves, or une expulsion peut se faire seulement sous 48 heures sans entamer de procédure. L'intervention des forces de l'ordre, rapide et brutale, est donc parfaitement illégale.


Rappelons que les Baras, qui signifie travailleurs en bambara, réclament seulement des papiers leur permettant de travailler légalement en France. Ce ne sont pas des sans-papiers, ils ont ceux de leurs pays, ils en ont d'européens délivrés en Italie, mais non reconnus par la patrie des Droits de l'Homme ! Ce ne sont pas non plus des migrants, mais des réfugiés. Ils expliquent très bien que si la Préfecture leur délivre les papiers qui leur permettront de travailler autrement qu'au noir leur collectif n'aura plus aucune raison d'être. En attendant, ils forment une main d'œuvre corvéable à merci, leurs employeurs les exploitant en dessous du SMIC et sans payer de charges sociales.
Contrairement à ce qui leur est répondu (liste d'attente pour les logements sociaux, etc.) il existe des solutions. En réquisitionnant les bâtiments inoccupés qui se dégradent depuis des lustres et en leur confiant de les rénover et de les mettre aux normes, on pourrait facilement loger tous les réfugiés qui ne manqueront pas d'affluer, il ne sert à rien de s'en cacher. Le réchauffement climatique, les difficultés économiques, la guerre et des régimes sanguinaires les poussent à l'exode partout sur la planète. L'Europe devra changer de politique, tous les pays qui la composent doivent se répartir ces réfugiés, toutes les munipalités françaises doivent l'accepter aussi. Parmi les Baras il y a des terrassiers, des maçons, des plombiers, des électriciens, des serruriers capables de remettre des bâtiments en état, ou prêts à payer un loyer que l'absence de papiers autorisés interdit. À Bagnolet le maire socialiste Tony di Martino leur refuse même la domiciliation, mesure de rétorsion illégale encore cette fois.


Le déploiement policier ne résoudra rien. Les Baras reviendront rue Chassagnole ou ils referont surface ailleurs. Aucun nouvel arrivant n'est accepté parmi eux, libres à ceux-ci de créer à leur tour d'autres collectifs. 300 réfugiés occupent un lycée désaffecté Place des Fêtes, 500 campent entassés sous des tentes près de la Gare de Lyon, etc. L'Europe doit changer de politique. Il ne servira à rien de fermer les frontières, de multiplier les miradors et les fils de fer barbelés, d'engager plus de policiers, les réfugiés passeront, quitte à y laisser leur vie. Qu'ont-ils d'autre à perdre ?


Les partis politiques ont la détente molle (les réfugiés ne votent pas). Heureusement des citoyens, souvent des jeunes, beaucoup de femmes plus assidues que les hommes en milieu associatif, se mobilisent et expriment leur solidarité.

lundi 22 juin 2015

Lettre ouverte au Maire de Bagnolet au sujet des Baras


Il est important d'agir avant l'été, période propice aux expulsions quand nombreux riverains solidaires sont en vacances ! L'année dernière c'est justement début août que les Baras avaient été chassés. Ils avaient trouvé refuge in extremis dans l'ancien local vide de Pôle-Emploi à Bagnolet...

Monsieur le Maire de Bagnolet,
Madame, Monsieur la Président(e) de groupe…
Comme vous le savez, un groupe de 160 personnes originaires d’Afrique occupent les anciens locaux de Pôle-Emploi. Tous doivent leur vie à leur départ précipité de Lybie où ils travaillaient et où la France avait engagé des hostilités pour lesquelles ils ne portaient aucune responsabilité. Les membres de ce collectif connu sous le nom des Baras ne sont pas des sans-papiers comme on a coutume de les qualifier. Ils ont des papiers de leurs pays respectifs ainsi que des papiers européens homologués en Italie qui ne sont hélas pas reconnus par notre pays, patrie des Droits de l’Homme !
L’an passé, ils ont été chassés de leur local précédent à la suite d’un incendie. Après une errance difficile ils ont abouti au 72 rue René Alazard à Bagnolet, propriété de Natixis, banque de financement, de gestion et de services financiers du groupe BPCE. La majorité municipale à la suite de cet événement avait pris des engagements. Depuis, ils ne cessent de venir au Conseil interpeller les élus de la majorité.
Il n’y a malheureusement rien de concret. Pire, la Mairie a signé un arrêt permettant à Véolia de leur couper l’eau, faisant peser un risque sanitaire grave aux occupants. Depuis peu, ce genre de manœuvre honteuse est heureusement devenue hors-la-loi.
La décision d’évacuation est aujourd’hui suspendue au dessus des têtes des 160 personnes résidant dans ces locaux.
Il est clair qu’une collectivité à elle seule ne peut résoudre toute les situations dramatiques. Mais elle se doit de montrer l’exemple et l’on voit dans plusieurs collectivités des initiatives positives permettant de régler ce genre de situations et démontrant qu’il est possible d’avoir d’autres choix que la répression et l’errance.
Il est indispensable que les membres du collectif des Baras obtiennent une domiciliation pour faire valoir leurs droits et permettre à terme le règlement de leurs situations administratives. Réaction totalement absurde de la part de la municipalité, cette domiciliation leur a été refusée encore récemment par le CCAS de notre ville. Sans cette domiciliation ils ne peuvent par exemple pas avoir de compte bancaire. Ce serait un pas vers une régularisation de leur statut. Sans, ils sont une main d’œuvre corvéable et exploitable à merci, favorisant le travail au noir qui profite essentiellement à des employeurs sans scrupules qui les rétribuent en dessous du SMIC et sans payer les charges sociales. Les Baras, terme qui signifie travailleur en langue bambara, sont avant tout des travailleurs.
Nous demandons donc aujourd’hui que tous ces travailleurs, dont le comportement civil est exemplaire dans le quartier, soient régularisés par la Préfecture et que la municipalité intervienne en ce sens par tous les moyens possibles. En attendant, et ce serait le début d’une solution nécessaire, nous demandons que la municipalité leur accorde la domiciliation dont ils ont besoin, décision qui incombe exclusivement à la municipalité.
Après un an d’engagements non tenus et de refus incompréhensibles, nous demandons à la municipalité des actes et que ceux-ci aillent dans le sens d’une reconnaissance indispensable qui mettent fin à une situation qui déshonore la République.

Les représentants du Collectif Citoyen de Bagnolet
Christophe Biet, Jean-Jacques Birgé, Pascal Delmont, Céline Gayon, André Maudet, Youenn Plouhinec, Françoise Romand…

P.S. : Réponse du Maire le 17 juin - "Cher Monsieur, Je prends connaissance de votre courrier auquel je vais répondre de manière précise et circonstanciée. Celui-ci contient en effet un certain nombre d'erreurs voire des passages totalement mensongers. Recevez mes salutations les meilleures. Tony Di Martino, Maire de Bagnolet."

jeudi 7 mai 2015

La mobilisation et la solidarité ont fait revenir l'eau


La mobilisation a été efficace. La solidarité des Baras et des riverains a joué à fond. On les a menés en bateau, mais maintenant l'eau est revenue et ils peuvent voguer à d'autres occupations plus constructives.
Dès le début de la matinée une équipe de Véolia a creusé pour rendre l'eau aux 160 Africains "sans papiers français" rassemblés dans le squat de Bagnolet, mais un tuyau a explosé, inondant le quartier. Une nouvelle équipe est intervenue pour rendre l'eau aux Baras et une autre passera cette après-midi pour reboucher le trou. Bilan des courses : plusieurs milliers d'euros fichus en l'air entre l'intervention des salariés de Véolia, le matériel, les camions, l'eau partie dans le ruisseau, etc., et l'angoisse de ne plus pouvoir se laver, utiliser les toilettes, boire... Tout ça pour quoi ? Un système inhumain, des décisions absurdes, des mensonges qui décrédibilisent la mairie socialiste, le cynisme de Natixis, propriétaire du bâtiment dont ils ne font rien... Et d'un autre côté, la détermination des Baras, la solidarité des riverains ulcérés, la preuve qu'en se mobilisant on peut inverser le cours des choses.

Natixis a coupé l’eau aux Baras


Depuis mardi matin Véolia a coupé l’eau du squat occupé par 160 Africains dans l’ancien local de Pôle-Emploi du 72 rue René Alazard à Bagnolet.
Le 14 avril la Justice leur avait accordé un nouveau suris de 3 mois, mais les techniques pour les déloger et les jeter à la rue sont très perverses. Le maire socialiste de Bagnolet Tony di Martino a signé l’arrêté précisant en petite ligne « Travaux de terrassement (suppression de prise en charge) » - c’est joliment dit - et les travaux étaient annoncés pouvant durer jusqu’au 13 mai. Personne ne s’est inquiété. Il n’aura fallu que deux heures à la société Véolia pour creuser un trou à côté du regard, couper le tuyau raccordant le bâtiment à l’arrivée d’eau et reboucher l’ignominie avec leurs grosses machines. Le soir-même, lors d’une réunion de quartier le maire de Bagnolet assurait en public ne pas être au courant (il avait pourtant signé, le 14 avril, le jour de leur passage au Tribunal, drôle de coïncidence !) et ses chargés de cabinet assurèrent que l’eau serait revenue le lendemain d’une manière ou d’une autre. Mais quand le soir fut venu l’eau ne l’était toujours pas.
Les Africains, dont j’ai parlé dans un précédent article, tous anciens travailleurs chassés par la guerre en Lybie, sont allés marcher jusqu’à la mairie où on leur a répondu que Véolia n’avait pas pu passer aujourd’hui parce qu’on lui avait barré le passage, or personne n’est venu, c’est un mensonge pur et simple. Mensonge de Véolia à qui le propriétaire du lieu, Natixis (si si, vous avez bien lu, Natixis), a commandé de couper l’eau selon son « droit » ou nouveau bobard de la mairie ? Allez savoir… Cette fois la mairie a promis devant l’assemblée des jeunes hommes en colère que Véolia viendrait remettre l’eau entre 11h et 13h30 aujourd'hui jeudi et qu’après nouveaux travaux l’eau serait rendue aux Baras dernier délai à 16h30.
À 200 mètres de la Porte des Lilas 160 hommes sont privés d’eau depuis près de 48 heures. Ils savent tous, d’un côté comme de l’autre, que l’eau c’est la vie. Il leur est arrivé d’en manquer, dans leurs pays en période de sécheresse, dans l’embarcation qui les mena jusqu’à Lampedusa pendant un voyage de cinq jours dont ils sortirent indemnes grâce aux dauphins qui leur montrèrent le chemin vers la terre (ce n’est pas une image, c’est la réalité), mais que dans un pays civilisé comme le nôtre on leur coupe sciemment le tuyau qui les raccorde à la vie, ils ne peuvent le concevoir.

Photo : Laurent Jamet

vendredi 30 janvier 2015

Les Baras menacés d'expulsion à Bagnolet


Depuis cet été le collectif des Baras squatte l'antenne Pôle-Emploi désaffectée de Bagnolet. Les sans-emploi ont laissé la place aux sans-logis !
Ce sont des Maliens, des Burkinabés, des Ivoiriens, des Togolais, des Camerounais qui travaillaient en Libye jusqu'à ce que la guerre les chasse. Ils refusent le terme de sans-papiers dont la France les affuble, car ils ont ceux de leurs pays et des titres de séjour européens sans valeur ici, contrairement aux Français en Afrique dont les papiers sont reconnus. Alors qu'ils pensaient rejoindre la patrie des Droits de l'Homme ils ne se sentent pas considérés comme êtres humains. Pour eux la France doit assumer les conséquences de la colonisation et de la guerre en Libye dont elle est directement responsable.
Depuis décembre 2012 on les trimbale, de squat en squat, d'expulsion en expulsion, de promesse de Gascon en procès. Ils ont commencé par habiter dans un immeuble montreuillois appartenant au Conseil Général. Chassés, ils restent six mois devant le Foyer des Baras, mais ils sont évacués à nouveau par les forces de "tranquillité publique". Réfugiés sur le terrain vague des Guilands, ils le quittent la nuit-même et investissent un pavillon vide. Certains sont toujours là-bas. Le Tribunal les juge trop nombreux, les obligeant à investir la cave. Ils se retrouvent alors dans un immeuble d'une société américaine, Emerson Network Power, mais après onze mois, leur expulsion est à nouveau programmée. Des élus de Montreuil et Bagnolet participent à une manifestation de soutien, mais tous prétendent n'avoir aucun pouvoir pour les régulariser et les loger. Un incendie les pousse dehors. Ils campent devant la Mairie de Bagnolet, d'où, encore une fois chassés, les voilà sous l'échangeur autoroutier ! Le 10 août 2014 ils ouvrent alors l'immeuble vide du 72 rue René Alazard à Bagnolet, anciennement loué par Pôle-Emploi à la multinationale Natixis. Aujourd'hui, à l'approche de la fin de l'hiver, la banque internationale de financement, de gestion et de services financiers du Groupe BPCE, deuxième acteur bancaire en France, lance une procédure d'expulsion, les renvoyant au tribunal de Pantin où leur procès s'ouvre mardi 3 février à 11h30. Ils espèrent mobiliser des soutiens à cette occasion.
Grâce à leur lutte certaines familles ont été relogées, mais les 200 qui restent sont des hommes seuls, travailleurs, étudiants, pères de famille. Baras signifie "travailleur" en bambara. Nombreux attendent en vain leur régularisation, des employeurs pouvant attester d'une promesse d'embauche. Ils ne souhaitent qu'une chose, être régularisés pour avoir un emploi légal qui leur permettra de payer un loyer. En attendant, sans statut, ils sont exploités dans les secteurs du nettoyage, du bâtiment, du gardiennage, de la restauration... Les critères restrictifs imposés par la loi ou par la circulaire Valls de novembre 2012 les poussent à vivre dans cette irrégularité. Ils demandent que le préfet les reçoive pour envisager une solution digne. Mais leur combat est aussi politique : ils réclament l'arrêt des contrôles au faciès subis quotidiennement dans les transports, aux abords des squats et foyers ou des endroits où ils cherchent du travail, ils demandent la libération de tous leurs camarades arrêtés et la fermeture des centres de rétention. Les mairies et l'État disposent de bâtiments vides sans réel projet qui permettraient de reloger les Baras restés à Montreuil, ceux de Bagnolet ou des foyers Adoma, mais personne ne bouge, faisant la sourde oreille, ajournant les rendez-vous, méthode classique de fin de non-recevoir.

N.B. : les Baras organisent un rassemblement samedi à 11h devant la Mairie de Bagnolet, suivi, juste après, d'un déjeuner de soutien au squat, 72 rue René Alazard, qui leur permettra de payer leur avocate. C'est à l'heure des repas que l'on peut juger de la solidarité qui s'exerce entre eux, car tous n'ont pas toujours du travail, même au noir.

P.S. : cent mètres plus haut, dans la même rue, mais aux Lilas, 42 rue des Bruyères, les salariés de la blanchisserie RLD manifestent également à 11h pour le retrait du projet de plan social consistant en 72 licenciements avec fermeture du site des Lilas.

jeudi 3 août 2006

Les sujets qui fâchent


Pablo, fouteur de merde notoire et esprit des plus aiguisés, suggère d'inaugurer, dans le Journal des Allumés du Jazz, une rubrique sur les sujets qui fâchent, en demandant des avis forcément divergents.
Rédiger un blog est une bonne gymnastique en la matière. J'ai plusieurs fois mérité les remontrances de proches pour ne pas les avoir avertis avant d'avoir divulgué leurs "intimités" ici même. Les sujets épineux génèrent également un important courrier, beaucoup plus dense que les commentaires enregistrables en bas des billets. Si elle consistait à écrire uniquement du contenu consensuel, cette prose serait d'un profond ennui. L'honnêteté peut parfois pousser jusqu'à une trahison nécessaire. S'il y a des sujets qui fâchent, il en existe qui vous rendent irrémédiablement tristes ou vous mettent en colère. Libre à chacune ou chacun de prendre la balle au bond et d'y répondre, avec la même passion. La polémique, si elle oppose des arguments sincères et pousse à la réflexion, est inévitable, mieux, souhaitable.
Pablo Cueco est un des meilleurs percussionnistes que je connaisse. Il joue essentiellement du zarb, instrument à peau iranien, dont il tire une palette de timbres à couper le souffle, ce qui n'enlève rien à ses prouesses de rythmicien ni à mes qualités de flûtiste. Ses talents de compositeur enrichissent encore sa pratique quotidienne, je ne parle pas seulement du bistro en bas de chez lui, quartier général d'un grand amateur, et pas uniquement de maté ! J'accumule les restrictions qui sont légion chez ce polémiste dont l'esprit de contradiction n'a d'égal que son sens de la formule lapidaire et un humour décapant. Pablo dirige aussi le label Transes Européennes et joue régulièrement au sein du trio du clarinettiste basse Denis Colin (billet du 22 avril 2006) avec le violoncelliste Didier Petit. On lui doit le mémorable Bal de la contemporaine, et, plus récemment avec Pierre Etienne Heymann, L'intégrale de Gargantua de François Rabelais en huit CD. J'ai eu la chance de le côtoyer sur scène dans un contexte électro où nous étions l'un et l'autre aussi décalés, ce qui eut le mérite de nous rapprocher. Il participa également, comme tant d'autres, à l'expérience d'Urgent Meeting d'Un Drame Musical Instantané (cd GRRR 2018).
Encore en vacances, je n'ai pas accès à toute ma photothèque, mais j'ai trouvé un plan de Pablo (c'est le barbu avec les bras croisés et l'air narquois) que j'ai saisi avec mon téléphone Bluetooth pendant le dernier conseil d'administration des Allumés, dans les caves voûtées d'un Ministère déchu que la droite aimerait bien réunir avec celui de l'Éducation nationale, histoire de s'en débarasser ! À sa gauche, ce qui est encore paradoxal, on aperçoit les producteurs Nicolas Netter (Chief Inspector), Thierry Mathias (la nuit transfigurée) et Jacques Oger (Potlatch).