70 Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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samedi 8 juillet 2023

Maroc (2) Le Rif


Des dates ayant été annulées au dernier moment pour les Spatistes nous descendons ou montons tous ensemble dans le Rif, descendre parce que Chefchaouen est à un peu plus d'une heure de Tetouan vers le sud, monter parce que nous grimpons dans la montagne. Cette fois nous sommes superbement logés au riad Dar Dalia tenu par Rémy. Contrairement aux hôtels impersonnels, situés dans les parties nouvelles des villes, que nous tentons d'éviter autant que possible, les riads sont des maisons traditionnelles avec un patio ou un jardin intérieur entouré par les chambres. La fontaine centrale émet une douce musique camouflant les bruits de la medina. Nous prenons le petit-déjeuner sur la terrasse avec une vue sur la vallée et les collines qui nous surplombent. Comme nous sommes un peu saturés par la cuisine locale très répétitive, Nina décide d'y faire à dîner, en l'occurrence une salade et un riz réparateur !


Elsa me photographie en contre-plongée dans les escaliers qui mènent à une autre terrasse où le linge sèche au-dessus de deux grosses tortues qui passionnent les enfants. Pendant le séjour je porte essentiellement un pantalon de pêcheur thaïlandais et des chemises hawaïennes à manches courtes. Mon pantalon en lin made in China a craqué dès le premier jour et à Tanger, pour la fin du voyage, je choisirai un short avec plein de poches acheté à Bangkok il y a belle lurette.


Le lendemain matin de notre arrivée nous grimpons jusqu'à deux mosquées perchées tout en haut. Il fait très chaud sous le soleil. Heureusement je suis affublé de l'un de mes célèbres chapeaux à large visière et protection de la nuque. Je suis étonné qu'aucun couturier n'ait encore copié ces couvre-chefs que portent les pêcheurs cambodgiens du Tonlé-Sap. J'ai également pensé à emporter deux éventails, accessoire indispensable par grosse chaleur, comme mon sac de rando avec poche à eau et des sandales amphibies. Tout en haut il y a un petit café où nous nous désaltérons avec un thé à la menthe. Phildar nous épate autant que les paysans que nous croisons en marchant avec une bouteille d'eau posée debout sur sa tête. Un chien que nous ne connaissions pas nous accompagne pendant toute la grimpette, nous indiquant le chemin.


Chefchaouen est connue pour sa médina peinte entièrement en bleus. Je l'écris au pluriel, car même si sa couleur est unique, le temps, le soleil et la fantaisie des autochtones ont joué de ses variations. Comme partout si l'on évite l'heure de pointe et l'axe principal, les touristes sont rares dans le magnifique labyrinthe, même dans la Kasbah, forteresse ocre située en son centre, que je visite avec Nicolas.


Dans un bazar encombré de vielles choses sur plusieurs étages j'achète des babouches qui remplaceront mes charentaises Rivalin quimpéroises totalement élimées. Nous sommes tentés par les longues trompes en cuivre au son grave et rauque, mais leur taille les rend impossibles à emporter avec nous dans l'avion. Nous sommes déjà très chargés avec les cinq spats, une quinzaine de valises et sacs nécessitant de faire viser le carnet ATA de l'ensemble à l'entrée et à la sortie de chaque pays. Au vu de ce nombre mes camarades s'attendaient à ce qu'au moins une valise soit perdue par Air France et cela n'a pas manqué. Au retour en avion je suis amusé par ma lecture du roman de John Waters, Sale menteuse, dont les premiers chapitres content l'aventure d'un couple spécialisé dans le vol de bagages sur les tapis roulants des aéroports ! La suite semble aussi savoureuse, je dévore.


Nous faisons quelques kilomètres, trois quarts d'heure en taxi collectif, pour rejoindre les gorges d'Akchour où nous pourrons nous baigner dans les nombreuses cascades. L'hôtel Ermitage où nous résidons est extrêmement luxueux. Le prix est lié à sa situation, des chalets en bois individuels au milieu d'un jardin luxuriant, mais les prestations ne sont pas à la hauteur de sa publicité. Comme j'y reste deux jours seul avec mon petit-fils, nous profitons des bassins pour nous baigner avec les tortues d'eau qui nagent autour de nous...


Depuis la terrasse du restaurant de l'Ermitage on aperçoit au fond notre chalet "suédois" ! Après quelques mésaventures organisationnelles l'ambiance post-coloniale de cette résidence nous fait d'autant plus penser au dernier film d'Albert Serra, Pacifiction. L'hôtel a privatisé une portion de la rivière qui dégringole de la montagne. À l'aube j'enregistre les chants des oiseaux. Le soir Eliott est fasciné par un énorme crapaud en bas de notre escalier. Comme partout pendant notre périple c'est dans les bouis-bouis les plus roots que la cuisine est la moins pire. Les tajines y sont copieux et les poulets grillés au feu de bois.


Heureusement que nous montons au Pont de Dieu avec ses parents et les amis Spatistes, car je me vois mal crapahuter seul, avec mon petit-fils qui a cinq ans, sur les ponts de branchages en m'agrippant aux parois rocheuses. Par moments nous avons tout de même de l'eau jusqu'à la ceinture. Eliott est ravi quand passent au-dessus de nous une trentaine de singes magots. Cela change des cigognes. Le thé à la menthe ponctue agréablement toutes nos journées.


Sur le retour vers Tetouan j'admire partout les oliviers. Plus haut, partout dans la montagne, s'étalent les champs de cannabis. La région vit de cette culture, tolérée même si elle est interdite. On peut fumer localement du kif sans risque, mais pas question d'en rapporter. À cette époque les plants sont encore bas. Ils seront cueillis à la fin de l'été. Les routes, bien goudronnées, n'ont rien à voir avec leur état lorsque nous y conduisions dans les années 60 et 70. Je me souviens du jour où mon père avait fait voler la voiture de location sur un pont cassé comme dans un film avec Jean-Paul Belmondo ! Nous n'avions pas le choix. La route ne permettait pas de revenir en arrière. Il avait fait descendre tout le monde, y compris les bagages, et avait pris son élan. Ma mère et ma sœur qui ne s'étaient pas assez poussées avaient été recouvertes de boue à l'atterrissage ! Mon admiration paternelle était à son comble.

samedi 25 avril 2020

Le masque


S'il faut avoir été en contact avec le coronavirus pour être immunisé, j'ai trouvé le masque qui protège totalement en cas de récidive ! Le pire, c'est qu'il n'est pas plus cher que les jetables vendus à prix exorbitant...


Ce n'est pas moi qui pose. Je n'en ai pas besoin, j'ai mes chapeaux de pêcheur du Tonlé Sap qui fonctionnent déjà très bien pour les attaques de banques ! En plus j'en ai un rouge, un jaune, deux orange et deux vert. On m'a volé le bleu au Théâtre Antique d'Arles il y a quelques années lorsque j'assurais la direction musicale des Soirées des Rencontres de la Photographie, mais le voleur ne pourra jamais passer inaperçu !


Quant à cet été, je suis prêt quel que soit le temps. La suite de ma préparation au déconfinement lundi dans le blog !

mardi 27 juin 2017

Salopards en casquette


Hier Louis-Julien Nicolaou écrivait que "hormis chez quelques rappeurs, j'ai jamais pu blairer les gens à casquette. Homme ou femme, c'est pareil. La casquette, c'est niet." C'est le genre de communication qui s'échange sur les réseaux sociaux, comme on se confie à ses amis. Si les avis divergent, cela change des insultes apolitiques qui fleurirent pendant les élections. On en reparlera dans six mois lorsque la réalité aura remplacé le storytelling des médias aux ordres... Ainsi, les unes et les autres réagissent et commentent. Marc Chonier poste une photo de lui avec couvre-chef et bébé sur le ventre, arguant d'abord qu'il y a casquette et casquette, et qu'elles sont très utiles aux chauves.
Sa casquette est du type européen, fondamentalement différente des américaines qu'évoque Nicolaou. Dans la première partie du XXe siècle, celle de Marc était la marque distinctive des ouvriers, que les bourgeois appelaient d'ailleurs "les salopards en casquette". Les patrons se distinguaient de la plèbe en portant melons ou hauts-de-forme. Il y a aussi celle des marins, et les circonstances pourraient pousser tout un chacun à ressembler avec joie au Capitaine Haddock. La casquette que ne peut pas supporter le journaliste des Inrocks est la casquette américaine, créée à l'origine pour le base-ball. Elle souligne l'influence des USA et ne donne pas à ses porteurs un air très intelligent, surtout lorsque la visière est à l'envers comme celle des coureurs cyclistes désirant protéger leur nuque du soleil. Cette impression peut sembler arbitraire, mais ce galurin rime hélas avec McDo et d'autres poisons du soft power...
Il existe quantité de couvre-chefs. Ayant porté moi-même la casquette avec rabat derrière la tête pour les traversées du désert, j'ai finalement et définitivement opté pour le chapeau des pêcheurs cambodgiens du Tonlé Sap. J'en possède de différentes couleurs. La visière est généreuse en largeur comme en longueur, quasi panoramique, et le rabat permet aussi d'éviter les coups de soleil qui vous prennent à revers. Ce tissu peut être relevé par deux petites ficelles qui pendent de chaque côté, ou couvrir le visage grâce à des boutons pression pour laisser apparaître seulement les yeux lorsque le vent de sable vous empêche de respirer. Agrémentée d'une paire de lunettes, c'est la version tropicale de la cagoule intégrale que je choisis par grand froid en passant loin des banques pour éviter tous risques inutiles !

dimanche 20 février 2011

Sur le Tonlé Sap (12)


Le mini-bus qui nous emmène à l'embarcadère pour traverser le lac Tonlé Sap faillit nous oublier, mais nous l'attrapons de justesse après l'avoir fait appeler par la réception de l'hôtel. Non contente d'avoir touché sa commission, mais cela c'est de ma faute, celle-ci nous a raconté n'importe quoi : en fait de quatre heures de navigation nous resterons à bord dix heures, l'eau étant trop basse pour avancer. Le conducteur du bateau et son jeune assistant doivent faire des pieds et des mains pour nous sortir de la boue, sciant les herbes qui se sont enroulées autour de l'hélice déjà bien entaillée pour avoir râpé le fond des canaux. Le voyage est superbe. Nous traversons des villages flottants qui bougent en fonction de la crue du lac alimentant tout le Cambodge.


Du pont du bateau ou du toit où un soleil de métal envoie des gifles brûlantes nous apercevons des enfants en uniforme à l'heure de la récréation. L'église aussi flotte au gré des saisons. Certains pilotis rappellent Kompong Phluk visité la veille.


Les pêcheurs, le plus souvent des femmes, utilisent un astucieux système de balancier pour jeter et remonter les filets.


Je voudrais un chapeau comme celui qu'elles portent pour les protéger du soleil avec un foulard attaché à l'arrière qui peut couvrir les épaules ou cacher la figure si on le ramène sur la bouche. La visière est très large. Deux petits lacets pendent de chaque côté. C'est parfait aussi pour éviter de respirer la poussière de la piste. La mode est aux carreaux, des petits, des grands, peu importe la couleur. J'en choisirai un bleu et un orange, mais je ne sais pas qui osera, à part moi, porter ce couvre-chef si j'en rapporte des marchés le long de la rivière.


La plupart des touristes photographient les enfants. Cela me gêne-t-il ou préfère-je capturer la nature avec mon objectif ? Une saleté a pénétré entre les lentilles. On voit parfois une tâche sur certains de mes clichés.


Comme je demande au capitaine si ce bel insecte pique, il me répond que son oncle et deux autres personnes de sa famille en sont morts. Je suis content d'avoir posé la question après avoir fait la photo.


Nous faisons halte sur un resto flottant où nous gouttons de succulents petits poissons grillés et sucrés, servis comme tout ici avec du riz blanc. Aux jumelles je scrute le ciel où volent pélicans, cormorans, divers échassiers, hirondelles et de jolis oiseaux bleu et vert. Je fais une petite sieste sur le toit de zinc de l'embarcation et nous arrivons en début de soirée à Battambang, deuxième ville du pays, dont j'ai appris depuis à prononcer correctement le nom grâce aux films visionnés à notre retour.

samedi 19 février 2011

Mangrove (11)


Parfois le réel est si prenant que la distance s'efface. Ce jour-là je n'ai pris aucune note. Les photos me ravivent la mémoire. Kampong Phluk est un village sur pilotis auquel on accède par bateau. À la saison sèche, le lac Tonlé Sap est quatre fois moins étendu qu'en période de mousson. Le cours du fleuve qui mène à Phnom Penh s'inverse alors, coulant dans un sens ou dans l'autre selon la saison.


Les échasses en bambou qui portent les baraques en planches ou en feuilles prennent tout leur sens. L'eau peut monter jusqu'en haut. N'étant jamais venu si tôt dans l'année, le chauffeur de tuk-tuk qui nous amène à l'embarcadère n'a pas l'habitude de faire une si longue route.


Les porcheries sont souvent accrochées au-dessus des viviers. Leurs déjections nourrissent les poissons qui y sont enfermés. On mangera les cochons comme les poissons.


Nous nous enfonçons plus loin dans la mangrove. Une petite fille de cinq ans aide sa mère qui conduit la pirogue en poussant avec un bâton pour nous désembourber.


Nous nous laissons porter dans le silence seulement dérangé par les clapotis. Nous ne verrons aucun reptile. Au fil de l'eau la gamine chante un air khmer...