Exclamation lumineuse du souffleur aveugle afro-américain Roland Rahsaan Kirk jouant de trois saxophones à la fois, tel une véritable section de cuivres (Freaks for the Festival). Sur l'extrait de la télévision italienne filmé à Bologne le 9 novembre 1973, on peut le voir également chanter et jouer de la flûte avec le nez (Fly Town Nose Blues), soufflant en même temps par les deux orifices. Sur Three for the Festival, il joue ensemble flûte traversière et flûte à bec, et un petit coup de sifflet-sirène pour conclure... L'extrait se termine sur Volonteered Slavery. Kirk est un homme-orchestre, parce qu'il pense en orchestre, en termes d'orchestre, tout son jeu est orchestral et dans le même instant il est là, seul comme un seul homme. S'il y a jamais eu un seul homme-orchestre, il est devant nous, rejouant toute l'histoire du jazz avec une perspective des plus contemporaines. Lyrique, enthousiaste, swing, documentaire et fictionnel, Roland Kirk est voyant. C'est mon saxophoniste et flûtiste de prédilection. J'aime son timbre, fuzz naturel, j'aime ses mélodies et ses citations, j'aime sa danse et sa liberté. À la fin de sa vie (1936-1977), il continuera les concerts malgré une hémiplégie qui ne lui laisse que la moitié de son corps mobile. Roland Rahsaan Kirk se bat pour la vie. C'est la vie.