Le 12 février 2005 au Lavoir Moderne était la première date d'Elsa avec La Caravane Passe. La photo est floue, j'étais loin, l'atmosphère était surchauffée, j'avais préféré m'asseoir sur les quelques fauteuils du fond de la salle pour assister à cette fête bordélique et euphorisante plutôt que danser sur ce volcan avec ma fille planant au-dessus de la foule.
Cela n'a jamais été facile pour un père d'avoir une fille monte-en-l'air, même si sa période casse-cou est loin derrière. "Ne vous inquiétez pas, tout va bien, Elsa est avec son professeur à l'Hôpital Robert Debré, elle est tombée sur la nuque en faisant le saut périlleux, etc.", était le type de phrase que je détestais entendre lorsque je venais la chercher à l'École Nationale du Cirque Annie Fratellini où elle avait débuté à l'âge de 8 ans. Cela avait commencé bien avant, elle avait sauté, involontairement, de quatre mètres de haut sur la plage avec son vélo en atterrissant sur la tête : tout L'île-Tudy avait défilé pour voir la miraculée. Elsa est devenue une grande fille responsable, mais elle n'a plus lâché, heureusement. Aérienne, elle joue les contorsionnistes sur son trapèze avec une exigence devenue professionnelle, tentant d'aborder l'acrobatie avec le plus de naturel possible. Sans négliger la grâce et la sensualité qu'exige ce genre de numéro, elle ajoute humour et poésie, créant un pont entre son travail de comédienne et celui d'artiste visuelle. Fierté d'un père mêlée toujours d'un peu d'inquiétude légitime !
Elsa Birgé fait donc partie, depuis l'année dernière, de la clique de Plèchti, une bande de saltimbanques qui font les fous avec l'orchestre de La Caravane Passe, une fois par mois au Cabaret Sauvage, lorsqu'ils ne tournent pas dans le reste du pays. Le spectacle oscille entre musique tzigane, théâtre et cirque, et attire plus d'un millier de spectateurs à chaque représentation. Le plus admirable dans cette fête débridée (avec le monde qu'il y a maintenant, la vodka ne coule hélas plus à flots, même si on continue à en servir), c'est l'entrain du public à danser pendant deux heures sans discontinuer (et le bal continue avec DJ Tagada en after) ! J'ai aussi entendu des jeunes gens affirmer qu'ils n'avaient jamais vu autant de jolies filles réunies que lors de ces fêtes délirantes et mensuelles. Comme dans les vrais mariages, les couples se font et se défont au gré des représentations. On y va pour l'ambiance festive, pour se défouler, pour rire et pour danser, encore et toujours danser sur le parquet de bal. Le public est très mélangé, mais les plus âgés ont la possibilité de rester assis sur le pourtour de cette magnifique salle circulaire, toute de velours rouge, bois ciselé et miroirs biseautés... Il y a aussi un bar et une restauration. La Caravane Passe attire un public jeune (entre 20 et 30 ans) qui, ayant déserté les raves, veut continuer à se dépenser physiquement et s'amuser. La musique, cuivrée et trépidante, est dirigée par Toma Feterman, les noces de Sacha et Mona sont felliniennes (Yann-Yvon Pennec joue Sacha tandis que Mona est interprétée par une Mona Lisa travestie, Môh Aroussi), le sorcier Raki-Rico fait des tours de magie, La Cigancica chante, et toute la troupe entraîne son monde dans une grande farandole qui mériterait certainement plus de rigueur dans le propos et la mise en scène, mais ça marche, le public revient, fidèle, et grossit de mois en mois, enthousiaste.
Alors, c'est ce soir à 21h. Ça coûte 10 ou 16 euros, et il est prudent de réserver au 01 42 09 01 09, parce que ça se passe souvent à guichets fermés.