Aujourd'hui je ne suis pas là. C'est bon de sortir un peu après des journées enfermé dans le studio à enregistrer Bettina, Adriana, Hillary, Magali, les nouvelles voix du lapin Nabaztag, pour l'Allemagne, l'Italie, l'Amérique du Nord et l'Espagne. Leur faire jouer la comédie, trouver le ton de la complicité est un moment plutôt sympa que je partage avec Maÿlis qui a écrit les textes et prête sa voix à la version française. Traiter ces milliers de fichiers est beaucoup moins rigolo. Vérifier le choix des prises noté sur le rapport son, découper les fichiers, nettoyer le début et la fin de chaque son, expulser les pétouilles, remonter le niveau de telle ou telle syllabe, homogénéiser l'ensemble, faire un petit effet ici ou là, la répétition des tâches est fatiguante. J'ai mal au poignet à force de faire marcher la souris comme si j'étais aux pièces, mon épaule se coince et mon dos se réveille. Le Di-Antalvic est magique, mais il est temps d'aller voir ailleurs si j'y suis.
Je suis à l'École des Gobelins pour la journée où je fais mon numéro de designer sonore. Commencer par mon autoportrait pour clarifier la démarche, le pourquoi et le comment on en est arrivé là. La multiplicité des approches : "J'ai tant de casquettes qu'on dirait un chapeau". Montrer l'exemple, rentrer dans les détails, anecdotes significatives, lever les tabous. Donner ensuite quelques pistes comment utiliser le son avec des images : complémentarité, hors champ, classification, voix, bruits, musique, droits d'auteur, rapports avec l'équipe ou dans l'entreprise, avec les clients et les collaborateurs, emploi du temps, réflexion, action, technique négligeable, sensibilité indispensable, solidarité et persévérance... Et l'interactivité, évidemment. Ma parole, je révise. À l'heure de la pause, je n'ai encore rien montré. Défileront ensuite Alphabet (commencer avec ça, c'est du nanan) et LeCielEstBleu, Somnambules et Flyingpuppet, Les Portes et Nabaz'mob... Je parle de tout le reste (Carton, Machiavel et tous les autres CD-Roms, les expos, etc.), mais je n'ai pas le temps de le montrer. L'après-midi, je préférerais voir ce qu'ils ont fait, prendre leurs travaux comme prétextes à continuer, chaque projet réclame une façon particulière de penser, il n'y jamais qu'une seule solution, la sienne...
Le soir, je reprends le métro. Ça me change de la bicyclette. Je plonge dans le social. L'ours sort de sa tanière, les yeux grands ouverts, les oreilles à l'affût. J'avale le monde dans un état semi-comateux. Transmettre est crevant, il faut une vigilance de chaque instant, saisir un regard, espérer une question qui me déstabilise et m'oblige à trouver un nouvel équilibre. La foule devient un océan où je flotte. Demain, je m'enferme à nouveau dans le studio, mais j'ai la visite d'Étienne Brunet pour préparer le concert du 3 mai au Triton. Éric Échampard est déjà passé lundi. C'est agréable de travailler avec des musiciens aussi charmants. Il restera à retrouver Nicolas qui est en résidence à La Friche Belle de Mai pour son nouveau projet...