Volta, le nouvel album de Björk, sort en version "luxe" pour 2 euros de plus que la version classique. L'emballage est soigné, original, un peu attrape-couillon tout de même comme tous les "produits dérivés" qu'elle propose avec beaucoup d'astuce et de malice, mais ils n'apportent pas grand chose hormis le fétichisme de rigueur. C'est méticuleusement packagé et marketisé en fonction de l'engouement que la chanteuse islandaise provoque sur ses fans, prêts à acheter la moindre variation qui paraît régulièrement. À ce titre, le site français vous donnera plus d'informations que vous ne pourrez en ingurgiter. Tout semble avoir été si bien pensé que l'ensemble finit par produire un effet Ikéa un peu nauséeux à force d'avoir été mâché et remâché pour la clientèle hip que nous formons. On y trouve donc son bonheur, textes, paroles, commentaires, photographies, clips vidéo, dates de concert et tutti quanti. Sous sa pochette gigogne, aux couleurs flashy des peintures de guerre que Björk arbore en maquillage, cette édition "limitée" contient 2 disques. Le premier est un CD, le second un DVD. Ce dernier est en réalité la version 5.1 de l'album, une image statique illustrant chaque morceau, un point c'est tout. Par contre, la spatialisation de la musique, comme pour le précédent Medulla, donne tout son sens au travail de studio encore une fois magnifiquement réalisé, les sons électroniques et les voix se prêtant superbement au ping-pong acoustique qu'offre le 5.1.
Le seul bonus est ici, clip réalisé par Michel Ocelot, le réalisateur de Kirikou, mais pas de quoi se relever la nuit et se mettre à danser sous la lune :



Si vous préférez la version live avec musiciens, voici à nouveau l'index 1, Earth Intruders, avec les chanteuses cornistes, les claviers de Timbaland et Nate Dangerhands, le batteur Chris Corsano...



Après deux albums intimistes ou expérimentaux, Björk sort un album dance plutôt tripal, voire tribal, un truc surtout "pas cérébral" qui donne envie de bouger ses jambes tous ensemble, comme un seul homme. Bernard disait que ceux qui aiment le rock aujourd'hui auraient adoré la musique militaire au XIXe siècle. Il est certain que les rythmes ternaires du jazz se prêtent moins à la marche des conquérants et au pas de l'oie. À première écoute, domine donc une impression brutale, à l'emporte-pièces, martiale, mâtinée des sempiternelles ballades accompagnées des cordes pincées de la pipa ou de la kora et des sons cristallins des claviers. Les rythmiques lourdes et les cuivres héroïques flirtent avec Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux, ce qui ne me ravit guère à une époque où les clans sont devenus le modèle de la classe politique comme celui des quartiers. L'ambiguïté du propos finit par me rappeler le formalisme faux derche de son époux, le plasticien Matthew Barney. J'avoue n'avoir jamais bien saisi le sens des paroles de ses chansons, sorte de paganisme pro-nature qui contraste avec l'aspect technoïde de sa musique, syntaxe qui noie habilement le poisson pour laisser à la musique le soin de nous emporter loin des rivages de notre île. Car Björk a ce pouvoir magique de galvaniser les énergies, d'exciter nos émotions au delà de ce que nous nous sentions capables de vivre. Si elle nous a habitués à être surpris pas ses inventions vocales, il n'y en a cette fois nulle trace, elle se répète inlassablement sans qu'aucune mélodie ne se distingue non plus du lot. On finit par se lasser de ses éruptions volcaniques qui crachent les phonèmes comme si c'était des coups de butoir. À s'autopasticher les geysers les plus étonnants s'épuisent. Les orchestrations de cuivres avec les cors sonnant comme des trompes africaines, les bruits de la nature échantillonnés, les percussions et les sons électroniques qui zèbrent l'espace du 5.1 donnent pourtant une ambiance intéressante à cette pile électrique. Si l'on aime Björk, on sera tout de même content, mais c'est loin d'être le chef d'œuvre que fut par exemple Homogenic.