La tentation est trop forte. Sur Poptronics, le site des cultures électroniques, Jean-Philippe Renoult révèle un document audiovisuel de YouTube absolument renversant. En janvier 1960, John Cage participe à "I've got a secret", une émission populaire de la chaîne CBS avec une pièce pour tuyau en fer, appeaux, bouteille de vin, mixeur électrique, sifflet, boîte de conserve, glaçons, cymbales, poisson mécanique, canard en caoutchouc, magnétophone, vase de roses, siphon d'eau de Selz, radios, baignoire et piano. Les syndicats lui interdisant d'allumer ses cinq radios pour protéger les droits d'auteur (l'absurdité des lois ne date pas d'aujourd'hui !), le compositeur simule leur mise en route en tapant dessus et l'extinction en les fichant par terre ! "Water Walk" précède ainsi les performances des improvisateurs de la nouvelle musique, les tut tut pouët pouët des savoureuses années 70. L'habile provocation, musicalement réussie, rappelle inévitablement une autre première de télévision, celle de Frank Zappa au Steve Allen Show en 1963 aux prises avec deux bicyclettes et... un orchestre !


Sans ne rien connaître à la musique, et ignorant encore Cage et Zappa, je ferai mes premières armes deux ans plus tard avec "En Panne", une pièce pour ondes courtes, voix et pompe à vélo (coïncidence amusante envers celui qui deviendra mon premier mentor !), que vous pourrez bientôt entendre dans le Pop'Lab que Poptronics m'a commandé avant l'été. En 1975, Joséphine Markovits comparera le travail du quartet, Birgé-Gorgé-Rollet-Shiroc avec l'Art Ensemble of Chicago, probablement à cause des deux cents instruments aussi divers que variés qui m'entouraient. J'ai toujours collectionné tout ce qui peut produire du son. Mon grenier est plein de casseroles, bouts de verre ciselés, trompes en PVC, etc. qu'il est plus juste d'appeler boîte à outils que collection.
Directement ou indirectement, John Cage n'aura pas seulement marqué les musiciens, mais tous les artistes qui se sont interrogés sur le sens de la musique et de l'art en général. Son influence semble encore plus déterminante que celle de Marcel Duchamp qui l'avait lui-même inspiré. Il a donné à l'aléatoire ses notes de noblesse comme s'il avait suivi le synchronisme accidentel de Cocteau.
J'ai raconté ici ma rencontre avec John Cage en 1979. Le film tourné en 1983 par Emmanuelle K sur Un Drame Musical Instantané que j'évoquais à ce propos sera projeté le 1er décembre prochain à 17h30 à Montreuil au même programme qu'Archie Shepp au Panafrican Festival filmé par Théo Robichet et le Don Cherry de Jean-Noël Delamarre, Natalie Perrey, Philippe Gras, Horace Dimayot, dans le cadre d'un passionnant festival de free jazz. Du 30 novembre au 2 décembre en effet, ces iconophonies constructives présenteront, outre des films rares comme New York Eye and Ear Control de Michael Snow et une floppée de merveilles, des concerts avec François Tusques, Alan Silva, Bobby Few, Bernard Vitet, Denis Colin, Noel McGhie... L'entrée à tout le festival est gratuite. Quant à ma rencontre avec Frank Zappa, elle fut publiée en 2004 par Jazz magazine. Les autres musiciens et cinéastes sont de la famille.