70 janvier 2008 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

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jeudi 31 janvier 2008

Touristes en Thaïlande (2)


Lorsque l'on a goûté à Changmai on se demande si l'on aura envie de repasser par Bangkok. Même si nous n'échappons pas aux embouteillages et à la foule, nous sommes dans une ville de province. Les marchés y sont encore plus incroyables, débordant de légumes qui ne ressemblent souvent que vaguement aux nôtres, de fruits exotiques, de poissons qui frétillent dans des bassines en plastique, tant d'anguilles qu'on dirait la chevelure de la Gorgone, de calamars, de tortues, de plats amoureusement cuisinés comme à la maison, parfums enchanteurs qui nous donnent envie de tout goûter à s'en faire péter la sous-ventrière. Heureusement, nous faisons attention de ne pas en arriver à ces extrémités. Sauf pour le piment dont je me gave comme les enfants abusent des sucreries.
Le premier soir, je trouve même une gargote où l'on nous apporte un plat d'insectes frits, grandes sauterelles, grosses fourmis ailées et chenilles croustillantes. J'en rêvais. Je suis servi. Les grenouilles au curry ressemblent plutôt à des crapauds dont la chair est succulente. Françoise préfère de loin les plats où la noix de coco participe à la recette. Je dévore de petits raviolis aux cacahuètes et au lait de coco de couleur bleue, verte ou blanche.


Changmai semble plus touristique que Bangkok, essentiellement parce que les guesthouses se trouvent toutes dans le même quartier. Je convaincs Françoise de céder au charme de la campagne et aux paradoxes du tourisme organisé. Ce sera l'unique fois du voyage. Les ballades à dos d'éléphant ou en char à bœufs nous séduisent moins que la descente de la rivière en radeau de bambou ou la ferme des orchidées. Tout est paisible. Nous terminons nos journées dans les écoles et les salons de massage. Pourtant, que ce soit pour les pieds (1 heure à 3 euros) ou tout à l'huile (1h30 à 6 euros) dans un institut d'aveugles où le fou-rire est maître, il s'agit plus de massages de confort que de soins réparateurs. On y passe un moment de détente, mais on est loin des doigts magiques de Liu Yang.


Après avoir marché, marché et encore marché, nous nous habituons à la simplicité des tuk-tuks, ces petits scooters-taxis à 1 euro qui se faufilent partout. Après avoir passé trois jours à Bangkok et trois à Changmai, nous rallions Changrai, dans le Triangle d'Or où se cultive l'opium, pour rejoindre ensuite le Laos. Nous passons la soirée dans le night market où je trouve de nouveaux insectes grillés, énormes criquets et vers de bambou... Le jus de gingembre nous tord les boyaux et la fondue en marmite de terre nous les réchauffent.


Au milieu des stands de colifichets, bijoux fantaisie, vêtements, un luthier vend des saxophones en bois de rose qui sonnent magnifiquement. Il fabrique également de petites flûtes et des sax en PVC qui me rappellent ceux qu'avait l'habitude de confectionner Bernard.


Nous passons la frontière à bord d'une pirogue à moteur qui traverse le Mékong. Le Laos est notre choix initial, mais, quitte à passer par Bangkok, il était plaisant de s'y arrêter enfin. Nous y reviendrons certainement, pour jouir de la mer, de la plongée sous-marine et du farniente, ou pour y faire nos courses. On en reparlera, mais, pour l'instant, nous accostons à Houeisai d'où commencera la véritable aventure...

mercredi 30 janvier 2008

Retour à la case départ, Bangkok un mois plus tôt... (1)


Voyager dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier nous a permis de trouver de la place dans un vol direct de la Thaï pour Bangkok. Dans l'avion personne ne se soucie de la date. Nous ne saurons jamais quel pays nous survolions lorsqu'y sonnèrent les douze coups de minuit. Manière amusante de fêter notre rencontre il y a cinq ans. Le mouvement de l'avion et celui de la planète produisent un glissement du temps dans l'espace que je n'arrive pas à contrôler. Où et à quel instant passons-nous à 2008 ? Arrivés, nous sommes accueillis partout un "Happy New Year" qui remplace le "Sawadee" habituel.


Difficile de se repérer dans le labyrinthe des "soi" de l'immense marché que représente Chinatown. À chaque coin de rue, les cuisines ambulantes nous proposent des plats que nous connaissons de Belleville et du XIIIème. Nous choisissons d'attendre le retour pour acheter tout ce qui nous éblouit, d'autant que nous ne savons plus où donner de la tête dans ses ruelles couvertes qui grouillent de monde et d'objets incroyablement bon marché. Bousculade. Les livreurs jouent de la trompe et de la sonnette. Les sacs en plastique pleins à ras-bord envahissent les arrière-boutiques. Nous mangeons pour 40 baths chacun, même pas un euro ! La chambre du New Empire Hotel dont Françoise a coupé l'air conditionné s'ouvre sur un bourdonnement de voix et de ruche urbaine. Au coucher du soleil, rouge comme il se noie, une nuée d'hirondelles vient crier devant la fenêtre et le premier moustique s'infiltre pour me souhaiter la bonne année de son dard arrogant.


Il paraît que les Thaïlandais ne sourient plus autant qu'avant. Avant la télévision et la publicité. C'est partout pareil. Les gens s'endettent pour posséder le nouvel objet dernier cri, un 4x4 flambant neuf, chromé, doré. Un je ne sais quoi qui pourra les pousser jusqu'au suicide si une peine de cœur vient s'ajouter à la course au fric. Chaque mois, il s'en précipite dans le vide depuis les toits des buildings qui grattent le ciel. Bangkok juxtapose la plus grande opulence et la misère des plus démunis dans le même espace. Le long des rives de la Chao Phraya alternent palais et taudis sur pilotis. On circule en bateau, en métro ou en SkyLine, en bus, en taxi ou en tuk-tuk, une petite voiture attachée à une moto. Cela dépend des quartiers. Les courses sont si bon marché qu'il serait stupide de s'en priver, souvent moins d'un euro. Il faut seulement réapprendre à marchander pour ne pas contribuer à une flambée des prix que les autochtones ne pourraient pas assumer. Parfois le chauffeur de taxi refuse de mettre son compteur en route et nous en redescendons aussitôt. La plupart ne connaissent pas la ville et ne savent pas plus lire un plan que le reste des Thaïs auxquels nous demandons notre chemin. Ils conduisent comme des fous. Certains n'ont pas de permis. Nous marchons aussi beaucoup. Une halte au Wat Pho nous donne quelque répit. Le Bouddha couché nous montre l'exemple. Quarante cinq mètres d'horizontalité avant d'atteindre le nirvana. Nos pieds réclament la réincarnation.


Nous reviendrons à Bangkok dans un mois pour y faire de dernières emplettes. Nous avons eu le temps de noter que l'on mange mieux dans la rue pour quelques centimes que dans n'importe quel restaurant indiqué par les guides. Autant manger au délicieux Lao Siam rue de Belleville ! La cuisine populaire des cantines et des marchands à la sauvette emportent par contre tous nos suffrages. Assis sur un tabouret, sur le trottoir ou dans le caniveau, nous nous régalons de fruits de mer, de soupe aux ailerons de requin, de nouilles et de rôtisseries. Le soir, les magasins ferment et laissent la place à de nouveaux commerces qui s'installent devant les vitrines désertées. Les rues sont métamorphosées, méconnaissables. L'agitation ne cesse jamais. Jour et nuit, Chinatown vibre d'activité. Nous nous laissons envahir par le vertige et le bruit.


Il faut venir à Bangkok les mains vides, sans valise et tout acquérir sur place. Se vêtir à Chinatown, au marché indien de Pahurat et surtout dans les shopping centers de Pattunat où les jeunes designers vendent leurs créations pour une bouchée de pain, entre un et quatre euros pour un haut ou un bas ! Éviter soigneusement Chatuchak Park qui ressemblent aux Puces de Saint-Ouen pour aller où se fournissent les habitants. D'ailleurs, c'est la règle que nous suivrons partout, fréquenter autant que possible les lieux désertés par les touristes pour privilégier les endroits où rencontrer les locaux. C'est là que l'on mange le mieux, là que l'on trouve des trucs invraisemblables, ingénieux ou magnifiques, là où l'on apprend à vivre autrement. Hélas, notre ignorance de la langue et la difficulté des Thaïs et des Laotiens à parler anglais ne nous permettront pas d'avoir d'échanges profonds avec les populations locales.


Les guides sur ces pays, tant le Routard que Lonely Planet, sont mal fichus. Ce sont des mines d'informations, mais ils sont souvent imprécis, erronés, et frisent parfois dangereusement la xénophobie coloniale. Le préambule historique du Lonely Planet est intéressant, mais catastrophique dans le détail. Le Routard a l'avantage de ne toucher que les francophones et permet d'éviter l'encombrement. On sent hélas qu'il a été rédigé il y a déjà quelques années. Faute d'avoir réservé le train de nuit pour Changmai, nous nous envolons pour le nord. Nous quitterons progressivement la capitale pour la province, la campagne, nous enfonçant toujours plus profondément dans la nature jusqu'à la forêt vierge.

mardi 29 janvier 2008

Première connexion depuis notre départ (poplab)


Les rues sont désertes. Il fait nuit noire. Nous ne voyons pas où nous posons les pieds. J'aurais dû prendre ma lampe de poche. Je crains d'écraser un rat, de glisser sur une flaque de gazole ou tomber dans un trou de la chaussée défoncée. Les haut-parleurs perchés en haut des pylônes se sont tus. J'aime le son réverbéré que leur nombre procure lorsqu'ils hurlent dès le matin leurs émissions de propagande et la musique répétitive à base d'orgues à bouche. Tout est redevenu si calme. Même les postes de télé allumés sans interruption et trônant dans les logis quasiment vides d'autres meubles sont éteints. À neuf heures du soir, tout le monde est déjà couché à Luang Nam Tha, soixante kilomètres au sud de la frontière chinoise. Les Laotiens se couchent et se lèvent tôt. Le froid est tombé lorsque le soleil, brûlant dans la journée, s'est couché. Nous sommes le 12 janvier. Une boutique est restée ouverte à cause de nous, un Web Café où nous nettoyons nos boîtes à lettres saturées. Nous nous sommes déchaussés, comme chaque fois que nous franchissons un seuil. Je jette un coup d'œil au site Poptronics et m'aperçois qu'Annick Rivoire a mis en ligne ma "petite" contribution intitulée L'étincelle, augmentée d'un entretien avec Elisabeth Lebovici et elle-même, et complétée par plusieurs œuvres musicales inédites dont mes premières datées de 1965 et 1968. La veille, elle a annoncé mon PopLab ainsi, en titrant ''Birgé met le feu au pop’lab''...


Il est parti à l’autre bout du monde, en promettant de ne pas se connecter, ou le moins possible, n’a tout de même pas pu s’empêcher de poster ses vœux sur son blog pêle-mêle, depuis la frontière laotienne. La veille, il vérifiait encore de façon quasi-obsessionnelle la dernière virgule à rajouter sur son pop’lab. La sixième parution du magazine en PDF de poptronics, donc, est signée Jean-Jacques Birgé. Le musicien, compositeur, cinéaste, auteur multimédia, designer sonore et génial autodidacte s’est collé à ce qui démange, à ce qui dérange : à l’origine même de la création artistique.


Cet artiste prolifique doté à la fois d’une culture encyclopédique et d’un goût pour les nouveautés technos est un prototype à lui tout seul. Né en 1952, voilà plus de trente ans que le co-fondateur d’Un Drame Musical Instantané investit tous les domaines artistiques, en en transgressant toutes les frontières. Il fait chanter les lapins communicants et cultive son blog avec la même gourmandise qu’il emploie à mitonner avec ses amis les réalisations multimédias les plus inventives (« Machiavel », « Alphabet », « Somnambules »…).


Pour répondre à l’invitation du pop’lab, il a choisi d’écrire un texte enrichi de liens hypertextes et de sons parfois inédits, tirés de ses archives numérisées pour l’occasion. En parfait passionné de l’improvisation, Birgé y compose une réponse autour de l’étincelle créatrice. Est-il possible d’analyser l’acte créateur ? D’où vient l’impulsion ? Comment la préserver ? Comment entretenir la flamme ? Variations impromptues sur le même thème… Bien loin de la réflexion théorique maintes fois rebattue, Jean-Jacques Birgé pose ces questions à la première personne du singulier, profitant de l’exercice pour se réinventer au passage. Un « work in progress » à son image, amateur et référencé, littéraire et limpide, réfléchi, rythmé et imaginatif.
Rendez-vous dans la rubrique pop’lab sur la page d’accueil du site et cliquez sur l’icone, ou téléchargez directement le pdf ici.

lundi 28 janvier 2008

Tonton est mort ce matin


Entre le moment où nous avons rassuré nos mamans que nous étions bien arrivés à l'aéroport Charles de Gaulle et le temps de temps de rentrer en taxi jusqu'à la maison, Giraï, l'oncle de Françoise, est mort dans son lit à 97 ans. J'aurais préféré faire ma rentrée par une bonne nouvelle ou commencer à narrer nos aventures épiques au Laos et en Thaïlande, mais Tonton nous ravit la vedette. Giraï nous a montré la voie d'une vieillesse heureuse, aussi grâce à sa sœur Rosette, la maman de Françoise et Anny, qui s'est occupée de lui jusqu'au bout, aménageant le cabanon dans le jardin en studio plutôt qu'en l'envoyant dans une maison de retraite. Tonton, ce sont des chansons, ses rêves de brevet au concours Lépine pour sa bicyclette, le récit du génocide arménien, un humour et une espièglerie qui l'accompagnèrent jusqu'au bout. On avait parfois l'impression qu'il était ailleurs, mais il entendait tout et savait nous le faire savoir avec drôlerie et à propos. Je souhaite à toutes celles et ceux que j'aime de finir comme lui.

lundi 7 janvier 2008

De Houessai (frontiere laotienne)

Pas de billet, mais juste mes voeux pour une annee (au moins)
ou une meilleure (au plus) ! Ici c est fantastique, a bientot...