De quoi Sarkozy est-il le nom ? est un petit ouvrage salutaire écrit par un philosophe septuagénaire qui ne baisse pas les bras devant la peur (le moteur de la droite), ni devant la peur de la peur (celui des socialistes). Alain Badiou remet fondamentalement en question le concept démocratique, système n'ayant permis que d'accoucher d'une plus grande inégalité, voire d'un terrible totalitarisme. Pétain, Hitler, Bush, etc. ont d'ailleurs été élus démocratiquement. Rideau de fumée de la participation, la loi du plus grand nombre n'implique pas une sagesse des choix, et la guerre est un des facteurs de nos "démocraties". L'analyse de Badiou s'appuie à la fois sur l'actualité politique française dont les derniers avatars sont l'élection d'un président à l'image des collabos qui l'ont propulsé à sa place et sur les perspectives de résistance qui nous sont offertes, à nous tous, et non à la poignée de propriétaires qui ne pensent qu'à s'enrichir toujours plus, sur le dos de toute une population hypnotisée par des promesses démagogiques et populistes. Proposant une alternative à l'asthénie dépressive de ce qu'il était coutume de nommer la gauche, l'ex-maoïste et soixante-huitard revendique l'héritage révolutionnaire du communisme, en en précisant de nouvelles définitions correspondant au monde d'aujourd'hui et, si possible, de demain. Et si, comme l'évoque Jacques Lacan, "l'impossible est le réel", il suffit de s'y mettre, avec courage, sans ne jamais lâcher.
Ouvrage de vulgarisation écrit avec simplicité, De quoi Sarkozy est-il le nom ? est en train de devenir un best-seller parce que, non content de proposer une réflexion claire, tant politique que psychanalytique, sur ce qu'il appelle le "pétainisme transcendantal" propre à la France, il ouvre des portes vers ce que pourrait être le monde dans lequel nous vivons tous, nantis et exclus. "Un seul monde" où tous les ouvriers qui travaillent ici sont d'ici... Où l'art comme création est supérieur à la culture comme consommation... Où la science, intrinsèquement gratuite, l'emporte absolument sur la technique... Où l'amour doit être réinventé... Où tout malade doit être soigné le mieux possible, en réaffirmant le point d'Hippocrate... Où tout processus d'émancipation doit être tenu pour supérieur à toute nécessité de gestion... Où un journal qui appartient à de riches managers n'a pas à être lu par quelqu'un qui n'est ni manager ni riche... J'ai mis ces mots en italiques parce que je résume grossièrement les propos de l'auteur, voire les trahit probablement aussi. Que l'on adhère ou pas à ce que raconte Badiou, le petit livre, publié par les Éditions Lignes dans la collection Circonstances, donne bigrement à réfléchir. Et les camarades qui le feuillètent ont bien du mal à ne pas me le piquer pour l'emporter avec eux...