On nous cache tout, on nous dit rien, et ça nous énerve quelque peu. Mais c'est tout de même sympa de découvrir les dernières créations interactives de Frédéric Durieu sur LeCielEstBleu et toutes celles en attente, puisqu'aucune mise à jour n'avait été faite sur le site depuis trois ans. Les kaléidoscopes Indien et Herbier (2005) se transforment lorsque l'on produit des sons devant le microphone de l'ordinateur. Durieu et Kristine Malden proposent d'adapter ce genre d'objet animé à des commandes institutionnelles ou industrielles comme ils le firent en 2006 pour Samsung avec Jean-Philippe Goussot, déjà actif sur la présentation du site de l'exposition Les animaux sortent de leur réserve à la galerie des Enfants du Centre Pompidou, où étaient montrées les cinq bestioles que j'ai cosignées avec Fred (Zoo, 2001-2002) comme de nombreuses œuvres présentées ici.


Sur le site, outre les modules d'archives que nous avons conçus ensemble tels Moiré (sonorisation hitchcockienne d'une illusion d'optique, 1997-2001), Week-End (que j'ai l'habitude de laisser interpréter librement par les joueurs/spectateurs pour montrer à quel point le son peut enrichir une œuvre graphique, 2001), le trytique musical Time qui réunit Big Bang, Forever et PixelByPixel (la variation HighByPixel, dont la musique est plus "douce", n'est hélas toujours pas en ligne), l'iMac Show (boudé par Apple et c'est bien dommage), les vœux 2002 et 2003 du site, la célèbre Pâte à Son (qui annonce le futur FluxTunes que Fred doit terminer depuis trois ans et qui verra probablement le jour avec la nouvelle version de Director), on aura la surprise de découvrir l'éléphant funambule (maquette d'un projet sur le cirque jamais abouti qui réunissait également Nicolas Clauss, Thierry Laval et Eric Ucla, 2003 - image ci-dessus) qu'il faut aider à traverser la piste en le propulsant sur son perchoir et en faisant grimper les animaux sur son balancier, Garden of Delight (un autre extrait d'une œuvre restée à l'état de maquette, réalisée avec la graphiste Veronica Holguin - image ci-dessous)...


Fred a donc fini par céder aux sirènes de Flash pour ses petits modules commandés par IBM : Gear, Ocean, Rational et Tivoli désarticulent un nouveau pantin en costume cravate. L'ayant inauguré avec la lettre O de notre cd-rom Alphabet (1999), Frédéric Durieu avait peaufiné son code pour son outil PuppetTool ainsi que l'iMac Show et le pantin en baskets de Free Zerpo (à nouveau actif sur le site, graphisme d'Étienne Mineur, 2002) que j'avais mis en musique pour Nike. Cette fois, la marionnette se fait malmenée par les engrenages des Temps Modernes, nage ou se laisse entortiller dans ses fils. Les modules sont réunis sous le titre Take Back Control, mais je crains que les salariés de l'entreprise concernée ne se laissent bernés par les apparences. Dommage qu'ils soient tous muets, j'aurais bien entendu un peu d'humour critique avec quelques sons biens sentis... Question de budget probablement ! Comme ses Orbites muettes dans le silence du cosmos (2007)... Par contre Psychelys (2005) et Pandamende (2007) sont élégamment accompagnés de sons, mais beaucoup trop illustratifs à mon goût. Par mon travail sonore, j'ai toujours essayé d'apporter quelque chose qui n'était pas déjà à l'image, insistant sur la nécessaire complémentarité dans les œuvres audiovisuelles.


Pour terminer ce tour d'horizon azuré et virtuose, j'apprends en surfant et tombant par hasard sur le site du CielEstBleu que notre Pâte à Son a été exposée en novembre 2007 au Shanghai eARTS Festival 2007 (Digital Art and Magic Moments, à l'initiative d'Ars Electronica en collaboration avec la Shanghai Cultural Development Foundation) et de novembre à janvier 2008 au DAT à Singapour (Digital Art & Technology, toujours à l'initiative d'Ars Electronica en collaboration cette fois avec le Singapore Science Centre). Si j'avais été prévenu, j'aurais pu y envoyer quelques amis et je n'aurais pas été contrarié de l'apprendre par hasard. Or, nous savons tous que l'aléatoire n'existe pas dans le domaine qui nous intéresse... Au moment d'Alphabet, j'avais inventé le terme "poésie algorithmique" pour évoquer le travail de Frédéric Durieu et je suis heureux de voir que, malgré des périodes de découragement, il continue à programmer. Le reste du temps, il est allongé sur l'herbe à contempler les insectes ou les étoiles...