Des pans de mémoires s'envolent. Les défricheurs ne font pas long feu. Après le compositeur Luc Ferrari, le patron de presse Jean-François Bizot, c'est au tour du journaliste et homme de radio Daniel Caux de nous laisser orphelins.
Je l'avais rencontré en 1970 aux mythiques Nuits de la Fondation Maeght, alors que je sillonnais les routes du sud de la France avec ma petite sœur. Je n'avais pas 18 ans, Agnès en avait 15. Ce petit monsieur gentil et passionné avait fait venir Albert Ayler et Sun Ra dont l'orchestre nous adopta. Il y avait là Yasmina (a black woman), les photographes Philippe Gras (tous deux disparus eux aussi) et Horace. La Monte Youg et Marian Zazeela jouaient un interminable raga qui envahissait doucement les jardins... L'année suivante, je lui devrai la découverte de Steve Reich dont les interprètes se nommaient Philip Glass, Jon Gibson, Arthur Murphy, Steve Chambers.
Daniel, qui écrivait dans la revue L'Art Vivant auquel je m'étais aussitôt abonné, jouait le rôle de directeur artistique pour le label Shandar dirigé par Chantal Darcy, galeriste à qui je rendais régulièrement visite rue Mazarine. Les premières syllabes de ses prénom et nom donnèrent leur titre au label et à la galerie d'art. On raconte que tout disparut, stock, masters, etc. avec l'inondation de leur cave... Ce malheur arriva une fois dans la nôtre, engloutissant les derniers exemplaires des vinyles Trop d'adrénaline nuit et Mehr Licht !.
Je continuai à croiser sa silhouette hors des sentiers battus, aux concerts de musique marginale, sur les ondes où il officia longtemps. Nous partagions avec Daniel le goût pour Terry Riley, Harry Partch, John Cage, la techno ou les musiques arabes. Je ne lui ai jamais dit à quel point je lui devais mes premiers pas dans le monde hors du monde.