Il est une heure du matin. Nous dormons d'un profond sommeil lorsque le téléphone sonne. À cette heure de la nuit, ce ne peut être qu'une erreur ou une mauvaise nouvelle. Caro m'annonce : "je suis désolée, mais je crois que ton chat s'est fait écraser". Je saute dans mon pantalon, mais, croisant Scotch sur le pas de la porte, je crie à Françoise que notre chat est sain et sauf. Louise est en larmes au milieu de la rue. Elle a vu et entendu le matou se faire écraser et la bagnole assassine griller le stop et foncer sans s'arrêter. Presqu'aussitôt, une voiture de police déboule et s'arrête net devant la poubelle que Louise a placé sur la chaussée pour que personne ne continue le massacre. Les quatre cow-boys voient seulement un type hagard et une jeune fille en pleurs au milieu de la rue. Je m'approche illico pour leur expliquer que la voisine a cru que notre chat s'était fait renverser, que le nôtre est entier, mais qu'il y a bien un cadavre devant eux. Ni une ni deux, la brigade rembarque et file sans demander son reste. C'est tout juste si la voiture pie ne passe pas sur le corps étendu. Les chats du quartier sortent soudain de l'ombre comme s'il fallait qu'on en parle. Je suis obligé d'aller ramasser la pauvre bête avec un grand sac en plastique. C'est la petite chatte grise des voisins de la maison jaune. Il va falloir que je leur annonce demain matin. La nuit recouvre les traces de sang sur le goudron. Pas moyen de dormir. Je mâche les mots que je devrai prononcer. La figure de la copine de Scotch me hante. Ils jouaient certainement ensemble à l'instant de l'accident. Je me souviens de la mort de Lupin et de Scat. Je pense à celle de ceux qui nous ont quittés. Je suis triste.