Adolescente, Elsa refusait de lire des bouquins. Je n'avais de cesse de lui répéter qu'elle risquait de s'ennuyer dans la vie, rien n'y faisait. De toute façon, elle m'avait bien expliqué que j'avais souvent raison, mais qu'il était nécessaire qu'elle fasse elle-même les bêtises pour apprendre à grandir. Que voulez-vous répondre à cela ? En ce qui concerne la lecture, je dois reconnaître que je m'y étais moi-même mis très tard. Cela ne m'a jamais empêché de dévorer encyclopédies et dictionnaires. Dans les moments de conflit avec ma fille, il m'est arrivé de regretter de ne pas avoir eu aussi un fils, un petit garçon comme j'avais été, curieux de tout... C'est idiot, mais c'est comme ça ! Nos exemples sont imparfaits, pire, ils sont le terreau des névroses de nos enfants. Aujourd'hui, les choses ont changé, Elsa mène sa vie comme elle l'entend, elle lit plus que moi, et j'adore discuter avec elle de tout et n'importe quoi. Les réflexions politiques ou psychanalytiques appartiennent à la première catégorie, les tracas du quotidien à la seconde ! Nos conversations me rassurent, et je ne sais pas si mon insistance a fini par porter ses fruits ou si la jeune femme s'est transformée malgré moi, à son rythme, with a little help of sa mère and her friends. Cela n'a plus d'importance. Un jour, elle fera suer ses mômes, reproduisant plus ou moins ce qui l'énervait en nous...
Je ne sais plus pourquoi je pensais à cette difficulté de l'accompagnement en regardant un des épisodes de la série réalisée par Pierre-Oscar Lévy, Gabriel Turkieh et Jean-Michel Sanchez. Chaque film est construit de la même manière, longue plongée avant depuis l'objet à distance de l'œil jusqu'à pénétrer au plus profond de la matière et whiiiiiit ! On revient en arrière vitesse grand V en repassant par toutes les étapes du grossissement. Une aile de papillon, la peau de notre main, la carapace d'un crabe, un engrenage en acier, un cheveu, une dent, une fleur, un pou, un champignon, une mouche, du béton, de l'alu, du plastique, du maïs, etc., l'inventaire tient du poème lorsque se découvrent des paysages à couper le souffle. Cela me rappelle un court métrage qui fonctionnait aussi dans l'autre sens, nous faisant reculer dans les étoiles. Nous prendrions-nous pour Stephen Hawking à tenter d'unifier relativité générale et théorie des quanta ? L'exercice est séduisant. Ici la danse des atomes à portée de vue, en passant par tous les intermédiaires, toutes les échelles de grossissement, dans un mouvement fluide et ininterrompu, sans interpolation. Le rêve devient vérité, puisque c'est ce qu'on voit ! On voit tout. Du moins tout ce que caméras à haute définition et microscopes électroniques nous permettent de regarder en l'état. La "réalité" plonge dans l'inimaginable. Les 22 films, réunis en DVD sous le titre Le relief de l'invisible (Idéale Audience), montrent l'unicité et la diversité de la matière, à nous en donner le vertige. Quoi de mieux ?