Ayant accompagné Françoise au Point Éphémère pour la signature de ses deux premiers DVD au Salon des éditeurs indépendants, j'ai fait quelques trouvailles dont les œuvres cinématographiques quasi complètes de Martin Arnold, un cinéaste autrichien qui rappelle étonnamment le Steve Reich des débuts lorsque le compositeur répétitif américain travaillait sur du "found footage" pour It's Gonna Rain ou Come Out. Ici rien de systématique, mais une science du cut-up microscopique et du bégaiement sémiologique à couper le souffle. Martin Arnold fait des boucles avec des films trouvés. Les photogrammes lui dictent des effets que son imagination cultive comme dans une champignonnière. Ondulations, glissements, flashbacks, renversements, kaléidoscopes, pas de deux diabolique dont on ne voudrait manquer aucun instant pour un en pire, parsèment Pièce touchée (1989), manège diabolique où le spectateur est pris d'un vertige hypnotique qui se développera de manière encore plus perverse dans les films suivants.


Pour Passage à l'acte (1993, ces deux premiers titres sont en français), l'artiste autrichien intègre le son à la boucle pour tailler un short (les films font chacun environ un quart d'heure) à la famille américaine et aux mâles dominants en pleine crise d'autorité. Si la scène devient cocasse, elle n'en demeure pas moins fascinante, hypnotique. Les effets stroboscopiques du "flicker film" ralentissant l'action génèrent une analyse cruelle du principe cinématographique. The Cineseizure, titre du DVD édité à Vienne par Index en partenariat avec Re:Voir, pourrait d'ailleurs se traduire "Ciné-attaque" comme dans une apoplexie.
Le troisième film de la trilogie (la suite des œuvres d'Arnold est constituée essentiellement d'installations), Alone. Life Wastes Andy Hardy (1998) détourne une comédie musicale avec une virulence inattendue. Mickey Rooney, mais plus encore Judy Garland sont torturés par le hachoir du cinéaste transformant en drame œdipien l'original par des tremblements où le mouvement des lèvres et le frémissement de la peau révèlent la sexualité refoulée des films de l'époque. Martin Arnold fait partie, comme Mark Rappoport, de ces entomologistes du cinéma qui en révèlent les beautés cachées, inconscientes et convulsives, sans ne jamais sortir du cadre.
Comme toujours, les films sont à voir sur grand écran pour que la magie fonctionne à plein. Le DVD offre en prime quelques "pubs" pas piquées des hannetons, de l'humoristique Jesus Walking On Screen à la douche de Vertigo pour la Viennale. Terriblement drôle et monstrueusement juste.