Max s'est réveillé avec les paupières collées. Bien avant l'exil, il avait porté un autre nom, mais il est bien incapable de s'en souvenir. Il ne se rappelle d'ailleurs pas grand-chose. Sauf peut-être qu'il lui fut reproché d'en faire toujours trop, lui qui n'aspirait plus à rien qu'à laisser le monde l'envahir. Un doux retour des choses. Dans le fossé qui lui servit de couche pour la nuit, il essaie de comprendre ce qu'il voit. A-t-il jamais survolé ces montagnes de métal cabossé ? A-t-il jamais vogué sur une mer d'huile et de pétrole ? Sans cadran, sans boussole, saurait-il voler en aveugle ? À côté de la plaque. Les questions se bousculent. Tentant de rassembler ses idées comme on part en voyage, il comprend qu'il n'a que ça pour tout bagage. Pareil à l'oiseau mazouté, englué par sa cécité, il est incapable de se relever sans perdre l'équilibre. La barbe ! Crache sur le bout de ses doigts pour mouiller ses orbites. La poussière l'irrite. Quand enfin la lumière perce entre les cils, il cherche le reflet d'un miroir. Marche arrière. Les automobiles qui filent au-dessus de sa tête vont trop vite pour réfléchir quoi que ce soit. Enfant il avait rêvé de bolides volants qui traverseraient le ciel. Ça, il ne l'a pas connu. Mais il en a vu d'autres. Quel âge a-t-il ? Tous ceux qui l'a déjà vécus, mais combien ? L'addition est salée. Larmes ou salive ? Il devait s'en aller, mais pour où ? Les impasses ont des portes dérobées. Il avait voulu rendre ce qu'il avait pris, mais la loi c'est la loi. Pour tous. Il avait fui. Un réflexe de survie sans rapport avec sa situation d'alors. Lorsqu'il se déplie, ses vêtements le trahissent. Qualité supérieure, infroissable, auto-lavable, adaptée aux changements brusques de température. Ce n'était pas l'heure. Il s'était trompé. Redescendre. Faire demi-tour. On verra plus tard.