L'exploration de la maison attendra le jour. Elle ne s'évaporera pas. Craignant d'être surpris dans son sommeil, Max choisit un fourré à l'écart pour récupérer des émotions de la nuit. Comme s'il était sorti de l'auberge ! À peine a-t-il sombré dans les bras de Morphée qu'une horde d'éléphants blancs envahit le défilé, piétinant tout sur son passage. Se souvenant de l'épisode du Teraï avec les troncs d'arbres qui se balançaient au bout des trompes comme des baguettes de majorettes, il a juste le temps de rouler dans les orties pour comprendre que son cauchemar le poursuit. Il pense d'abord qu'il a eu chaud, mais les piqûres urticantes lui remettent les idées à l'endroit, à lui qui ne rêve que plaies et bosses depuis qu'il a quitté la boîte sans demander son reste. Des indemnités ? Il aurait pu en obtenir plus qu'il n'aurait pu en dépenser. La société qu'il avait créée avait été rachetée sous la promesse que ses inventions ne seraient pas utilisées à des fins militaires. Il leur devait encore deux ans, il avait tenu deux jours. Il avait eu le tort de notifier en public, avec beaucoup de tact, que la nouvelle entreprise n'était pas toute sa vie. Dès lors, personne ne lui adresserait plus la parole, on ne lui communiquait plus aucun dossier, on ne l'avertissait plus des réunions. La veille du jour où tout avait basculé, il avait discuté de ses difficultés avec un collègue dans une situation similaire, un costaud qui portait toujours ses lunettes de soleil en serre-tête. Ce polytechnicien brillant souffrait de harcèlement moral depuis qu'il avait décliné l'invitation à un week-end campagnard où les cadres s'abaissaient à jouer aux guerriers ninjas. On l'avait retrouvé pendu dans son bureau. Il avait pris le temps de le ranger nickel chrome, on aurait dit un stand de démonstration Ikéa. Au milieu, le lustre en costume cravate faisait désordre. Max croyait pouvoir tout encaisser, mais sentant deux grosses larmes couler sur ses joues, il avait claqué la porte sans se retourner.