Nous nous découpons en ombre chinoise sur le jardin cubiste de la Villa Noailles au-dessus de Hyères. J'avais découvert son architecte, Robert Mallet-Stevens, grâce à son décor pour la résidence de l’ingénieur Norsen dans L'inhumaine de Marcel L'Herbier. Lorsque j'étais étudiant à l'Idhec, on pouvait encore aller sonner rue Mallet-Stevens à Paris pour visiter l'une de ses magnifiques constructions. Mécènes à qui l'on doit Les Mystères du Château du Dé de Man Ray, Le sang d'un poète de Jean Cocteau et L'âge d'or de Luis Buñuel, Charles et Marie-Laure de Noailles commandent en 1926 à Gabriel Guévrékian un jardin sur le terrain triangulaire situé en contrebas du parvis de leur villa. Si nous apprécions le site, les grandes terrasses et le dernier étage qui abrite la piscine, nous sommes surpris par la petitesse des chambres et de la salle à manger. Les fenêtres à miroir nous ravissent. Faisant face à un mur aveugle, on peut voir le ciel depuis ces fenêtres grâce à l'habile stratagème d'un miroir incliné. La visite nous permet de comprendre ces aristocrates éclairés qui firent œuvre de mécénat pendant un demi-siècle, commandant des œuvres à de nombreux artistes en les laissant libres d'agir à leur guise. On aura depuis longtemps saisi qu'il n'est d'œuvre aussi réussie que lorsque l'on fiche la paix à son auteur en lui accordant une confiance absolue. Nombreux producteurs devraient en prendre de la graine !