Comme nous avons traversé la vallée jusqu'à l'Hospice de France, la connexion fonctionne avec le relais de Superbagnères tout en haut en face de nous. Situé juste au-dessus de notre grange, elle ne délivre aucun signal lorsque nous sommes à la maison. Un monument rend hommage aux évadés de France qui ont franchi les Pyrénées dès 1941, passant par les geôles franquistes, pour rejoindre les armées de libération en Afrique du Nord. On imagine mal les soldats allemands leur filant le train dans la montagne sans en connaître les chemins. Comme tous les habitants des derniers villages avant la frontière, les Luchonnais ont une mentalité proche des îliens. Il est coutume d'évoquer avec humour la Principauté de Luchon ! En faisant parler les anciens, on passe des soirées entières à écouter des histoires de braconnage et de contrebande, des sagas familiales dignes des meilleurs romans.
Hier matin, avec Françoise et Maurice, par le Chemin de l'Impératrice nous sommes grimpés jusqu'au magnifique Cirque de la Glère d'où nous avons admiré les galopades des isards et le vol d'un gypaète barbu. Ce rapace d'une époustouflante envergure orne le T-shirt que j'avais acheté à Luz-Saint-Sauveur en 1999 lors de l'un des derniers concerts d'Un Drame Musical Instantané. À l'ombre des cîmes il n'y a pas un chat, pas l'ombre d'un lynx non plus, mais Maurice repère des traces d'ours et croise trois biches en redescendant. Sur le chemin escarpé, un écureuil noir avait inauguré ce joyeux bestiaire.


Avant de partir, Françoise avait aussi filmé une salamandre qui s'était endormie au fond de l'abreuvoir. Chaque fois que je suis en montagne, je n'ai de cesse de chercher les bestioles qui la peuplent. Je me fiche des sports d'hiver, mais je suis aussi bête qu'un joueur qui attend de tirer le bon numéro quant il s'agit de surprendre des cerfs ou de repérer les chevaux sauvages qui, cet hiver, paissent à l'embranchement de L'ourson. En revenant nous nous arrêtons en voiture à la Cascade d'Enfer près de la Centrale électrique dont les lumières sont les seules artificielles à briller dans la nuit noire. Françoise a retrouvé la "piscine", un trou d'eau dans le cours de la Lys, où se baigner en été. À cette époque-ci, on voit des choses que le feuillage cache en d'autres saisons. J'en ai plein les chaussures de montagne et j'apprécie de me retrouver en chaussettes devant la cheminée à la tombée du soir.
La nuit tombée, la voie lactée et les millions d'étoiles transforment le ciel en écran d'épingles grâce à l'absence de lune et d'éclairage urbain. La hauteur de l'observatoire favorise ce tour de magie universel.