Mon titre se réfère à la nouveauté, à la rigueur d'un cinéaste, en marge de la fadeur audiovisuelle ambiante où les Top Ten des critiques et du public sont affligeants d'inculture et d'absence critique. Mais déjà Hollywood courtise Sorrentino dont le prochain film, This must be the place, sera tourné en anglais avec Sean Penn. Le réalisateur napolitain saura-t-il conservé son originalité ? Et d'abord, qu'est-ce que c'est qu'un style ? Paolo Sorrentino sait ce qu'il veut et il y travaille, prenant le risque de filmer comme il l'entend. Pas un plan qui ne soit porté par une intention, pas un angle qui ne soit juste, pas un mouvement qui ne serve l'action ou ne participe à l'émotion suscitée. Il fait penser à un Francesco Rosi avec des accents buñuéliens et un graphisme léché quasi architectural. L'exigence du montage est celle d'un Lynch, et en regardant Les conséquences de l'amour, nous avons pensé ne pas avoir joui d'une partition sonore digne de ce nom depuis longtemps. L'utilisation de la musique y est remarquable, réellement montée plutôt que placée. Les acteurs sont superbes, en particulier Toni Servillo, héros de trois des quatre longs métrages du réalisateur, toujours épaulé par une équipe fidèle qui le suit de film en film. Servillo jouait dans les deux films italiens présentés à Cannes en 2008, Gomorra de Matteo Garrone et Il Divo de Sorrentino, qui se complètent très bien dans le portrait de la Mafia, le premier focalisant sur les actes, le second sur les raisons, la plèbe d'un côté, l'institution de l'État de l'autre. Passé quasi inaperçu malgré un Prix du Jury à Cannes, j'avais vu Il Divo (2008) sur les conseils d'Olivia et l'avais défendu dans cette colonne. J'ai commandé (trois petits prix sur Amazon) les deux autres DVD disponibles, Les conséquences de l'amour (2004) et L'ami de la famille (2006), et me suis débrouillé pour voir son premier court-métrage, L'amore con ha confini (1998), et son premier, L'uomo in più (2001). Voir dans l'affilée plusieurs films d'un même réalisateur permet souvent d'en apprécier le style, quand style il y a, chose de plus en plus rare. Ainsi après avoir découvert l'incontournable Happiness (1998) de Todd Solondz, nous avions ainsi été déçus par ses autres films. Sorrentino tient ses promesses depuis son premier court-métrage baroque dont je n'ai pas tout compris, faute de sous-titres, à sa fantastique bio critique de la crapule nosferatesque Giulio Andreotti évoquée ici-même.
La Mafia plane au-dessus des quatre longs métrages, Naples oblige, mais n'est jamais qu'un zeste dans le savant cocktail, un soupçon. Si la mort y rôde toujours, est-ce d'avoir perdu ses deux parents dans un accident domestique lorsque Paolo avait 17 ans ? Le courage nécessaire pour reconstruire sa vie, renaître de ses cendres, semble une constante, face à la jeunesse et la vieillesse qui affirment leurs prérogatives. Le cinéma est l'art du bluff, de l'illusion, et Sorrentino en joue en virtuose, avec humour et rigueur. Les secrets finissent toujours par s'éventer, mais le mystère de l'être demeure. La critique sociale comme la psychologie des personnages s'effacent derrière la construction cinématographique. La plasticité des images et le rythme de la partition sonore ne sont jamais gratuites, elles servent un propos qui se situe bien au delà du scénario. Paolo Sorrentino fait du cinéma.