Les Québecois tutoient naturellement, comme en écho au you américain, et au fur et à mesure que le festival avance des liens se tissent. On se trouve des affinités critiques avec Érick d'Orion, on échange des compliments vestimentaires avec Charlemagne Palestine, on apprécie la délicatesse d'Éric Normand et de ses musiciens, on apprend les ressorts du pays avec Patrice Daigneault, on partage l'écoute et la bonne humeur avec tous. La seconde journée de concerts avait délicieusement commencé en quatuor avec un homard chacun pêché aux îles de la Madeleine. Je m'aperçois que j'ai été un peu injuste avec les possibilités culinaires de Victoriaville puisqu'en nous appliquant nous trouvons chaque fois un restaurant acceptable avant de filer écouter nos camarades.
La programmation montre une nette inclination au rejet des articulations par la majorité des musiciens entendus jusqu'ici. Le drone exagérément amplifié et privilégiant les fréquences basses tient le haut du pavé au détriment de la dialectique. Les orchestres adoptent la synchronicité redondante. Même les chorus mélodiques sont remplacés par des continuum rythmiques. Ces longs tunnels sans début ni fin sont-ils le reflet de la conscience politique et sociale des musiciens actuels ? La remise en question des structures n'est-elle pas garante du potentiel révolutionnaire de l'art ? S'accrochant à une partition apprise par cœur ou feignant d'improviser, les musiciens prennent de moins en moins de risques, réduisant les effets de surprise à néant.
Pareillement, les vidéos projetées derrière les musiciens relèguent le cinéma expérimental à un genre où l'effet "found footage" prétend jouer la carte plastique, le flou, le noir et blanc et le chaos envahissant tous les films. Seules les ombres minimalistes de Manon de Pauw sur les rideaux noirs qui lui servent d'écrans échappent à cette monotonie. Intégrant dynamiquement le tissu et montrant que la simplicité des moyens mis en œuvre peuvent accoucher d'une véritable émotion, elle fait patienter les spectateurs entre les changements de plateau.
À chaque nouveau groupe montant sur scène, j'espère que l'avenir me donne tort.