Il y a quinze ans la performeuse-chanteuse-compositrice Laurie Anderson maîtrisait les nouveaux médias comme personne. Les instruments technologiques convenaient parfaitement à son univers égocentrique. Du répondeur de son tube O Superman (que j'ai adoré jouer en duo avec Vincent Segal à La maison Rouge) à la navigation sans interface apparente du Cd-Rom Puppet Motel, des vocodeurs et harmoniseurs vocaux au film Home of the Brave, ils semblaient avoir tous été conçus pour elle. Aussi, lorsque j'ai vu le journal sonore qu'elle a réalisé pour l'A.C.R., l'Atelier de Création Radiophonique de France Culture, j'ai bondi sur le bouquin et ses deux CD encartés (ed. Dis Voir, coll. ZagZig, 35€). Hélas, Rien dans les poches manque terriblement d'âme. Le choix de lire le texte en français est une très mauvaise idée car on a l'impression d'une dictée, mot à mot remonté en studio. Le ton de Laurie disparaît derrière un débit robotique sans expression. L'aspect désincarné de la récitation s'entend d'autant plus que certains bouts de reportage laissent entendre sa voix in situ, vivante et enjouée. La déception ne s'arrête pas là. Enfermée par la commande, la globe-trotteuse déverse des anecdotes fades sans prendre le recul nécessaire à l'exercice. Seul l'ennui des tournées transparaît sous la diction monotone et la superficialité des confidences. Les ambiances sonores ne sont pourtant pas inintéressantes, notez l'euphémisme, les passages musicaux agréables, même si noyés par le formatage. Le livre est sympa, joliment illustré de photographies et mis en pages, mais tout aussi vide de sens. Il ne passionnera que les fans ou les auditeurs qui n'ont jamais entendu d'évocations radiophoniques. Les autres préféreront les anciens disques de la diva new-yorkaise ou des Hörspiels plus inventifs.