Il y a trois ans, je composai avec Hervé Legeay le thème et le design sonore d'un feuilleton en 10 épisodes sur les années De Gaulle "racontées aux enfants", soit de 1940, si l'on considère l'appel du 18 juin comme le début de son épopée, jusqu'à sa démission suite au référendum de 1969. Je dois avouer que, bien qu'appartenant à l'une de ces générations De Gaulle, je ne me sens pas du tout concerné par cette appellation comme ma fille ne se sent pas appartenir à quelque génération Mitterrand.
Il est pourtant certain que le Général De Gaulle a marqué la France, d'abord pour avoir incarné la Résistance depuis Londres, ensuite comme l'homme providentiel à la Libération et au moment de la Guerre d'Algérie, enfin jusqu'à sa chute après mai 68. S'il a évité à notre pays d'être annexé par les États-Unis en 1945, il a également réussi à se débarrasser du Parti Communiste, alors premier parti de France. Et s'il a réglé la question algérienne, n'oublions pas les massacres de Sétif et Guelma ou celui du 17 octobre 1961 devenus officiels que depuis peu. Dans ma famille, à part mon grand-père qui a toujours été gaulliste, on ne peut pas dire qu'il était populaire. Mon père considérait dangereuse la Constitution de 1958 qui donnait tous les pouvoirs à un seul homme et nous fêtâmes sa mort au Bistro 121 en grandes pompes. Pourtant, aujourd'hui tout le monde se prétend gaulliste ! Si je reste critique sur sa politique intérieure, il est certain que sa politique étrangère a empêché la France de se compromettre outre mesure avec les États-Unis, contrairement aux socialistes et à la droite actuelle. Il avait d'autre part une culture et un humour qui font défaut à bien des présidents qui lui ont succédé. Son goût pour l'absurde et ses formules à l'emporte-pièce sont tout à son honneur.
Je ne vais pas faire ici un cours d'histoire, ce dont je suis parfaitement incapable, mais je suis un peu contrarié par l'entreprise à laquelle j'ai participé. J'avais imaginé un design sonore dont tous les sons, hors archives, soient composés à la guitare. La guitare électrique m'apparaissait comme l'instrument le plus représentatif de ces trente ans. Payé des nèfles pour lancer le projet, je n'ai plus eu de nouvelle de la production jusqu'à ce que j'apprenne que son développement avait été confié à une autre équipe sous prétexte que j'étais débordé, mais sans que l'on m'ait posé la question. J'avais livré un paquet de sons à l'avance et en avais enregistré tout autant en prévision de la suite. Je reconnais ici et là mon travail, mais la rigueur de mon design sonore s'est dilué dans la foulée. Peut-être n'aurais-je pas dû exprimer mon désaccord sur le choix des voix des deux enfants prétendus. La même erreur avait été faite sur le CD-Rom "Au cirque avec Seurat". J'ai toujours trouvé épouvantable cette manie de faire jouer à des adultes des voix enfantines. La fraîcheur de l'authenticité est inimitable, un enfant joue de ses hésitations et mime les grandes personnes avec humour et candeur là où l'adulte lénifie de manière insupportable. C'est dommage, car ce sont des projets passionnants qui mériteraient l'excellence. Ce n'est pas grave, je me suis bien amusé avec Hervé et j'ai une tendresse particulière pour Jean-Pierre Mabille qui m'avait, du temps de Point du Jour, permis de revenir à la réalisation de films. Mais ça c'est une autre histoire...