À peine avais-je le dos tourné que S. inonde la cave en voulant changer la pompe de la chaudière. Interrompu alors que je plaçais mon ambiance piscine sur le Manet qui fit scandale au salon des Refusés en 1863 (Mais que fait la police ? Elle arrive ! Sifflets à roulette et sirène pin pon d'avant l'Amérique...), je me retrouve devoir bouger des centaines de kilos de disques, éponger à quatre pattes et juguler la crise. Comme je vide les seaux d'eau encrassés par la suie je fais un vol plané à plat dos sur les planches de la terrasse. Il est trop tard pour réparer, je n'aurai pas encore d'eau chaude avant vingt quatre heures !
La journée avait commencé drôlement, en stéréophonie, à droite le réel, à gauche le virtuel. Un impressionnant orage éclate sur Paris tandis que je sonorise La tempête avec Pierre Oscar. Le tableau de Giorgione est une pure mise en scène de théâtre. Je jongle entre le tonnerre et la plaque de tôle. Les trois coups résonnent avant que la femme nue ne gronde. Le public applaudit le véritable éclair qui zèbre le ciel peint, mais en fait c'est la pluie...
Plus tard, Pierre Oscar jouera le rôle de Joseph dans le tableau de Georges de La Tour, soufflant comme un bœuf sur son labeur de charpentier face à l'enfant interprété il y a quelques jours par Sonia. Il plie sa ceinture pour imiter le bruit des semelles, mouille la mèche de la bougie avant de l'allumer et fait un trou avec une vrille dans mon tambour de bois. Tout est très délicat, souffles proches du silence.
Il m'attrape dans le mouvement avec son appareil tandis que je lui propose des sons pour le Zao Wou-Ki. Je pense utiliser un rhombe et des grains de riz tombant sur différentes percussions. Nous faisons le tri parmi les différentes ambiances que j'ai préparées pour Poussin, Courbet et Gauguin. Je cale toujours sur Vermeer.