Sun Sun Yip a rapporté de son séjour en pays manceau plusieurs sculptures en bois de chêne qu'il a travaillées à la tronçonneuse et au ciseau à bois. Chaque fois que j'ai besoin de couper un arbre mort je l'appelle au secours tant il jubile à l'idée de faire marcher l'instrument du massacre. À côté de ses troncs creusés et recouverts de mûre écrasée, il s'est amusé à réaliser toute une série de crânes dont deux s'embrassent langoureusement. Approche paradoxale car Sun Sun cherche à mémoriser l'été, sommet de la vie. Il ramasse les fruits tombés qui seuls permettent d'obtenir la teinte foncée et fige dans l'instant ses sculptures en recouvrant la pâte noire d'un vernis à la résine d'époxy, le reste du bois restant brut. Se dégage de l'ensemble un sentiment trouble du temps qui passe, entre modernité des formes et archaïsme du matériau.
Avant de partir il me remet un DVD d'une étonnante version en triptyque de G10 pour lequel j'ai composé une musique pour ensemble de cordes traitées électro-acoustiquement. L'impression "alien" en est renforcée comme si les cristaux vivants s'étaient multipliés pendant mon sommeil. Là encore la vie s'écoule inexorablement sans que l'on en comprenne forcément les tenants et les aboutissants. De la beauté de l'inconnu naît le trouble.