Signe de sénilité, de distraction ou de titre bien trouvé, j'ai redemandé trois fois à Sun Sun Yip le nom de sa série de sculptures en bois et jus divers. Pas moyen de me souvenir de Flowers of Memories avant de taper son nom. J'aurais pu le graver avec un canif comme les amoureux entaillent l'écorce des arbres, cicatrices boursoufflées par le temps, mais Sun Sun recycle les arbres déjà morts et les fruits écrasés. S'il est un champion de la tronçonneuse, il préfère cultiver avec Marie-Laure une étonnante collection de cactus qui ont envahi la maison et dont certains ne fleurissent qu'un jour par an. Dehors, leur minuscule rectangle de verdure appelle la contemplation plutôt que la bronzette à l'instar des jardins zen. Comme il a sorti toutes ses dernières œuvres pour les photographier en vue d'un catalogue, j'en profite pour prendre un cliché pirate où l'on voit, au fond de son atelier, l'artiste hongkongais à son ordinateur. Il y cultive des plantes plus complexes, constituées de 0 et de 1, des entités vivantes dont la 3D fait ressortir l'ambiguïté, à l'opposé de ses bois bruts, partiellement enduits de mûre, de cassis ou de graphite. Au quotidien, il projette sa science dans l'univers de sa cuisine, car Sun Sun Yip manie cuissons et épices en maître-queux. Quelle différence y a-t-il entre la sculpture, la programmation et les raviolis frais ? Aucune lorsque c'est réalisé avec art et une pincée d'arrière-pensées...