À l'occasion des Journées du Patrimoine, le Petit Palais a ouvert ses portes dès samedi sur l'exposition Révélations, une odyssée numérique dans la peinture, initiée par Samsung. Bien que j'aie largement participé à l'aventure, je ne pouvais m'empêcher de craindre une comparaison des écrans avec les œuvres originales. Or, et des ors il en déborde du majestueux édifice enflammé de soleil, or, donc, les films montrent ce qu'aucun musée ne peut offrir, une plongée dans la matière comme dans les intentions des peintres, et ce sans paroles, avec le seul artifice de la conjugaison de l'image et du son. Pour ce faire, il aura fallu axer notre regard analytique sur la narration, privilégier le rêve, plutôt que de ressasser d'éternelles explications de texte pompeuses sous prétexte pédagogique.
Les quarante téléviseurs C9000 et C6000, avec leurs écrans de 55 ou 46 pouces d'une épaisseur presque invisible de 7,8mm diffusent autant de courts métrages réalisés soit par Pierre Oscar Lévy et sonorisés par mes soins, soit par l'agence Laforme dont les équipes travaillent dans l'anonymat. Sept d'entre eux sont abrités dans des chambres obscures, équipées de bancs, permettant une diffusion sonore mieux en accord avec le propos général de la collection qui à terme sera fournie par Samsung aux futurs propriétaires de ces téléviseurs. La nouveauté marketing réside dans cet apport de contenu qui double l'offre des chaînes traditionnelles par des programmes exclusifs. Comme Sony ou LG, Samsung fournit des programmes à la demande, archives de telle ou telle chaîne, mais son idée de financer des programmes de création, pour l'instant issu du patrimoine (mais qui sait de l'avenir ?), est une initiative ouvrant de nouvelles perspectives à la diffusion de contenus originaux. La télé a vécu, vive la télé ? D'un côté les smartphones permettent de regarder des films sur leurs écrans miniatures, de l'autre les écrans Haute Définition montrent ce qui n'a jamais été vu. Car je suis illico allé comparer ce que je venais de découvrir dans l'aile sud où est installée l'exposition, agréablement scénographiée par Jean-Luc Blais, avec les véritables Rembrandt ou Courbet du musée pour constater que mon émotion était paradoxalement plus forte devant la relecture cinématographique que face aux toiles des maîtres ! C'est un comble.


Il faut voir pour le croire. J'ajoute qu'il faut l'entendre aussi puisque j'ai composé la musique des Ambassadeurs d'Holbein (pour trompette à anche et électronique), le Portrait de Rembrandt en costume oriental (pour flûte basse), cosigné le Coucher de soleil sur la seine à Lavacourt, effet d'hiver de Claude Monet avec Bernard Vitet (pour piano) et dirigé la séance où Vincent Segal improvisa au violoncelle pour La grande Odalisque de Ingres. J'ai également conçu et réalisé les partitions sonores de Nuit étoilée Van Gogh et de La tempête de Giorgione. Les 23 films réalisés par Pierre Oscar Lévy sont en ligne sur le site de Snarx-Fx. En me promenant parmi les 34 autres toiles revisitées, j'en ai profité pour monter leur son avec la plus grande délicatesse et mixer l'ensemble afin de leur donner la profondeur que le projet leur confère. Il faudra néanmoins tendre l'oreille en s'approchant de chacune là où chez soi on pourra profiter pleinement du spectacle audiovisuel.
Les 40 œuvres choisies par Charles Villeneuve de Janti sont couronnées par deux toiles que nous avons réalisées en 3D avec Snarx-Fx qui s'est chargé de la technique des 23 qui nous incombent. Une hôtesse distribue les lunettes électroniques permettant de découvrir en relief L'enfant au toton de Jean-Baptiste Chardin et L'île des morts d'Arnold Böcklin.
Rien de tout cela n'eut été possible sans l'initiative de Samsung et la patience de Dominique Playoust, producteur délégué de cette odyssée dont je fus à la fois le directeur artistique et compositeur de la moitié des films présentés. Ce voyage dans le passé avec les outils d'aujourd'hui fut une grande expérience que nous pouvons maintenant partager avec le public.