À une époque où le storytelling règne sur tous les médias confondus, où la guerre a pris d'autres formes que les affrontements directs sur le terrain, les révélations de Wikileaks pourraient servir d'autres propos que la dénonciation de la diplomatie américaine comme le site de Julian Assange le prétend ou l'espère. Lorsque la situation est trouble, il reste toujours à se poser la question d'à qui profite le crime. Les noms d'oiseaux dont se trouvent affublés les marionnettes qui dirigent les quelques états évoqués ne sont qu'un écran de fumée. Aucun fait n'est révélé qui ne soit connu par le pouvoir étatsunien, ils sont seulement portés à la connaissance d'un plus grand nombre. L'Iran n'a pas d'autre choix que de dénoncer la manipulation qui justifierait l'attaque dont il risque de faire l'objet. La Serbie est bien placée pour connaître de quoi sont capables les USA. Je ne défends évidemment aucun de ces deux régimes. Nous sommes en face d'un délire planétaire qui ne date pas d'hier. La guerre est un fléau qui a ses raisons d'être. Il me semble ainsi que les dernières révélations de Wikileaks mettent plus en danger l'Iran que quiconque, à moins qu'il ne s'agisse de déboulonner Obama dont le mandat tiède est bien la catastrophe prévisible. Le site qui se veut de ressource et d'analyse politique et sociétale n'est qu'un cousin du Canard Enchaîné qui publie ce que les autres médias n'oseraient faire de crainte, par exemple, qu'on leur coupe le fil d'informations. Pour un journaliste furieux qu'on le censure, pour un politique désireux de dégommer insidieusement un concurrent, ces publications sont le dernier recours. On sait que le Canard a perdu son principal informateur quand notre président de la république actuel a été élu. Son principal opposant, du même côté de l'hémicycle que lui, est probablement à l'origine des affaires qui le mettent à son tour aujourd'hui en difficulté.
La guerre est médiatique lorsqu'elle s'exerce dans les pays riches. Elle n'est sanglante que dans ceux à qui ces états vendent les armes qu'ils fabriquent. Si nous arrêtions d'en produire le carnage ne pourrait se perpétuer. Les petits gangsters que le pouvoir met en prison ne pourraient non plus jouer de leurs armes à feu. Lorsque je vivais en appartement, je m'étais rendu compte qu'en coupant les griffes de mes chats ils ne se battaient presque plus. Mais ici il s'agit de l'opinion publique. On sortira Dieu des archives pour marcher de part et d'autre derrière son étendard. On fait trembler l'Europe à l'idée de recevoir une ogive nucléaire lancée depuis Téhéran. Il n'y a pas de guerre sans que les populations les cautionnent. Wikileaks publie ce qu'on lui envoie sous le sceau du secret. Les 250 000 dépêches sont probablement (presque) toutes authentiques. Mais cette fois elles servent peut-être d'autres intérêts que les documents sur la guerre en Irak. C'est de bonne guerre, diront les plus cyniques.
Les moyens d'analyse sont faussés par des concepts périmés, je pense par exemple à l'opposition gauche-droite, à celle de la dictature et de la démocratie, aux théories du complot ou à la foi, ce qui ne facilite pas l'émergence de propositions concrètes et constructives. L'exploitation de l'homme par l'homme reste une constante, mais la plupart des individus n'ont pas conscience de leurs failles et de leurs déviances. Je me fais régulièrement incendier lorsque j'avance la misogynie de notre société, tous sexes mêlés, parce qu'aucun de mes détracteurs ne s'estiment visés, alors que je ne me mets pas moi-même en marge de cette problématique. Comme jadis personne n'était raciste, mais etc. Nombreuses et nombreux parmi nous prétendent vouloir sauver la planète de la destruction, mais les décisions seraient tellement impopulaires qu'on risquerait le bûcher à réfléchir tout haut à quelques débuts de solutions. Nous vivons sur un terreau d'absurdités qui nous explose à la figure. De la démographie galopante à la course au profit il n'y a pas de place pour le partage et une écologie des relations humaines sans prendre conscience de l'existence et du rôle des autres espèces. La confusion est totale. Sur les six milliards d'humains et les milliards de milliards d'êtres qui peuplent la Terre elle ne sert qu'un tout petit nombre de privilégiés dont nous faisons tous partie à des degrés divers. Si mes propos paraissent confus, entendre que le complot existe mais que nous en sommes les auteurs.