Les images nourriront nos rêves, mais le son étouffé de la ville est hélas impossible à rendre. Mat en deux coups. Aldo voulait mettre en scène une photo de Françoise et moi sous la neige devant le trompe-l'œil, mais les arbres ont plié sous le poids et caché la fresque. Échec. Scotch s'est décidé à sortir après avoir évalué le parcours le moins humide pour finir sous la table du jardin transformé en tonnelle. Retour vite fait au bercail devant la cheminée. Rock.
Je me suis éreinté à pelleter et balayer le trottoir pour éviter les vols planés, surtout le bateau pavé devant le garage qui est en pente douce. Les arbres ont construit un couloir sur la rue. Les rares passants n'en croient pas leurs yeux. On se calfeutre en attendant le prochain spectacle, quand les bambous relèveront la tête.


Il y a onze ans je me suis décidé à quitter Paris intra muros pour des raisons d'espace, d'insonorisation et parce que regarder pousser les plantes était devenu vital. J'y suis allé à reculons, mais je ne regrette pas mon choix, d'autant que la capitale s'est toujours agrandie en phagocytant systématiquement sa couronne. Et chaque fois que je descends vers Paris depuis la colline des Lilas je partage l'émerveillement des touristes. Surtout si je traverse un pont à pied... À la maison les jours de climats extrêmes sont les plus envoûtants. Qu'il vente ou qu'il neige, qu'il pleuve ou qu'il grêle, qu'on y bronze ou qu'on s'y casse le dos, le petit jardin donne aux éléments une vraie consistance qui disparaît aussitôt que l'on pénètre dans la ville chauffée par ses machines...
Ce matin, j'apprends que mon océan de glace a débordé sur les côtés. Une copine a mis 5h30 pour rentrer hier soir d'Argenteuil. Je reviens d'aider son compagnon à garer sa voiture près du trottoir, après pelletage. La boulangère a vendu des kilos de croissants à toutes celles et ceux qui sont restés dormir au bureau. J'ai secoué les arbres pour qu'ils redressent la tête et hop, rebalayage. Pour la journée, changement de programme, "on ne part plus" (Louis Jouvet à Arletty dans Hôtel du Nord)...
Raymonde. Quoi ?
Edmond. Tiens, voilà les billets...Tu iras te faire rembourser, on ne part plus.