Le photographe Neil Setchfield m'avait mis l'eau à la bouche lorsque j'avais vu ses images sur la double page de Libération : yeux de mouton, brochettes de libellules, tarentule frite, serpents grillés, etc. Hélas les choix de son recueil privilégient les photos crues et gore plutôt qu'ils ne suscitent la gourmandise ou la simple curiosité gastronomique. Les commentaires illustrent le titre Ça se mange, sous-entendant "mais je ne m'y risque pas !" On comprend vite en effet que l'auteur ne s'y est pas toujours frotté, loin de là. Il partage les préjugés les plus sommaires sur les pratiques culinaires qui ne sont pas les siennes. Les recettes sont bâclées et quelconques. C'est un livre typiquement anglo-saxon qui met dans la même marmite le lapin et l'étoile de mer, le chien et le calamar, les gésiers de poulet et le pénis de mouton. Le reporter ne s'est même pas donné le mal de goûter un steak de cheval ou des ris de veau, il l'admet lui-même. Défilent cocons d'abeilles, scorpions, violets, méduse, œuf centenaire, rat, mais aussi bulots, oursins, joue de bœuf, tripes et cuisses de grenouille. L'ouvrage reste marrant même si franchement paresseux (trois ou quatre marchés auront suffi), les textes sont idiots, les mises en scène animalières révulsives, la sélection très incomplète (peu de légumes bizarres, pas plus que de camembert ou de poisson cru !), et surtout ne sont pas abordées les raisons culturelles du rejet ou du délice. Je ne regrette pourtant pas mon achat, car il ravive ma mémoire sur mes excursions gustatives.
J'ai déjà raconté ici et mes aventures en la matière. Ce n'est pas forcément exquis, c'est toujours intéressant, car les us et coutumes des différentes peuplades auxquelles nous appartenons ont toujours une histoire. La consommation d'insectes, fortement protéinés, pourrait résoudre une partie de la pénurie alimentaire sur la planète, les algues sont chargées d'oligoéléments et les interdits renvoient le plus souvent à des pratiques ancestrales et des tabous religieux souvent anachroniques. Pour chaque mets existent l'art et la manière de le cuisiner. Le goût et, comme pour les Asiatiques, la texture mériteraient d'être abordés, car là résident les vraies énigmes et les territoires à explorer.