Je reviens sur le documentaire réalisé par Coline Serreau pour plusieurs raisons. D'abord les médias traditionnels relatent essentiellement les sorties cinéma et les passages des films à la télé au détriment des éditions DVD qui offrent, entre autres, des compléments exclusifs passionnants. La réalisatrice de Solutions locales pour un désordre global y évoque sa genèse et enfonce le clou sur les solutions possibles au désastre mondial. La bande-annonce est en cela exemplaire :


Les bonus sont autant d'anecdotes terriblement savoureuses. Les ingénieurs agronomes Lydia et Claude Bourguignon rient des caprices du marché, pommiers nains avec grosses pommes, fraises Tagada, risque de confusion entre petits pois et crottes de lièvres, porc maigre... Dominique Guillet, fondateur de Kokopelli, insiste sur le danger de disparition des abeilles... Le philosophe Patrick Viveret, conseiller à la Cour des Comptes, dénonce les indicateurs de richesse erronés et le modèle DCD (dérégulation - compétition - délocalisation)... Le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus, connu pour avoir fondé la première institution de microcrédit, la Grameen Bank, dont il a récemment été exclu pour raisons politiques, défend la banque des femmes en opposant la culture et les lois... Le philosophe Jean-Claude Michéa déchiffre le cadre théorique de la société libérale, ses origines, sa prétendue neutralité avec privatisation des valeurs morales, la progression du capitalisme sous prétexte d'avancée des droits de l'homme avec l'exemple de la prostitution ; il analyse ensuite la gauche dévoyée, l'aberration de la croissance, le cynisme du nomadisme attalien, le jeunisme... Francisco Whitaker, l'un des organisateurs du Forum social mondial de Porto Alegre, dénonce la trahison de Lula...
Ces témoignages complètent ceux du long métrage, tout aussi remarquables, tels le pionnier de l'agriculture biologique Pierre Rabhi, la chef de file des écologistes de terrain et des altermondialistes dans le monde Vandana Shiva, Indien comme elle l'expert des questions alimentaires Devinder Sharma, le spécialiste des rapports nord-sud Serge Latouche, Brésiliens l'un des fondateurs du Mouvement des Sans-Terre João Padro Stedile et l'ingénieure agronome Ana Primavesi, l'Ukrainien Antoniets Semen Sviridonovitch, le Français Philippe Debrosse, agriculteurs, etc.
En plus du DVD publié par les Éditions Montparnasse, le site du film offre encore d'autres pistes, indique les projets mis en œuvre près de chez vous, propose de vous aider à en monter un... Les onglets égrainent : Consommer bio, local et de saison - Revégétaliser l'urbain - Créer mon potager bio - Créer une AMAP - Cultiver des semences potagères et biologiques - Créer un marché de producteurs bio & locaux - Convertir une cantine en bio et locale - S'installer ou se convertir à l'agriculture biologique - Recréer un périmètre de souveraineté alimentaire - J’habite en ville et je veux agir... Pour une fois que la critique propose des solutions, il faut saluer les initiatives.
Nous sommes à un tournant déterminant de l'histoire de l'humanité. La révolution arabe montre que rien n'est impossible tandis que la catastrophe nucléaire japonaise sonne l'alarme. L'aquoibonisme n'est plus de rigueur. L'engagement est devenu incontournable. Des solutions existent, économiques, politiques, quotidiennes. Rien ne peut plus continuer comme avant, encore moins comme aujourd'hui.