Il était temps qu'il pleuve. Les paysans craquaient comme leurs terres fendues par la sécheresse. Nos bambous avaient la jaunisse. Comme nous dînions d'un festin chinois chez nos amis d'en face les éclairs projetèrent nos ombres sur les murs blancs, puis les cordes se mirent à tomber sans le sirop hollywoodien qui formate stérilement la moindre scène sentimentale de leurs envahissantes importations. À en juger d'après leur diamètre, l'averse était grave telle un ensemble de contrebasses annonçant la résurrection des sols. En photographiant notre maison sous un angle inédit pour nous, contrechamp de notre paysage habituel, j'attrapai dans mes filets une fleur de pluie, arc-en-ciel nocturne offert par la municipalité qui planta jadis des réverbères d'une taille autoroutière, éblouissant le sommeil d'autres voisins sous leurs velux. J'aperçus alors le lierre grimpant insidieusement le long de la façade, lierre que j'avais arraché parce qu'il obstruait la gouttière et qui revient à la charge, s'agrippant comme un vampire. Marie-Laure rit encore de mes acrobaties, me servant de mes orteils pour le décoller aux endroits inaccessibles. Dès que le soleil revient, je sors la grande échelle...

Deux jours plus tard je n'ai toujours pas attaqué la façade. Je savais que j'étais débordé, mais j'ignorais que l'avarie viendrait de la cave. L'averse est trop soudaine. Les canalisations sont incapables d'évacuer assez vite toute l'eau des gouttières. L'inondation recouvre la presque totalité du sous-sol. Jonathan m'aide à déplacer les quelques milliers de disques sur des palettes que Françoise est allée chercher dans une entreprise plus haut dans la rue. Écopant et jouant des poids et haltères, nous sauvons le stock. Ce n'est plus une fleur de pluie, c'est devenu un champignon.