Les expositions collectives apportent toujours leur lot de satisfaction et de désillusion. Chacun, chacune y fait son petit marché, cueillant des rêves au gré de sa fantaisie ou de ses angoisses. Ils apportent l'engrais dont nous avons besoin pour cultiver notre jardin en réfléchissant l'univers de façon métonymique. My Winnipeg, empruntant son titre au cinéaste Guy Maddin qui présente Hauntings, une installation de 2010 sur onze écrans où sont projetés autant de courts-métrages, rassemble à La Maison Rouge (jusqu'au 25 septembre, puis au MIAM de Sète) des artistes canadiens originaires du Manitoba dont la capitale, Winnipeg, est réputée comme la ville la plus froide du monde. Les commissaires Paula Aisemberg, Hervé di Rosa et Anthony Kiendl ont choisi des œuvres où l'humour tempère souvent la rudesse des longs hivers de glace, tandis que Noam Gonick propose au sous-sol Winter Kept Us Warm, une collection d'œuvres érotiques, dessins, peintures, sculptures, céramiques, censée réchauffer les corps...


Séquestrés par le climat, les artistes se regroupent dans de larges ateliers, constituant des collectifs comme la Royal Art Lodge ou l'Indian Group of Seven. Ils travaillent alors avec les matériaux qu'ils y ont accumulés, d'où la profusion de collages et d'objets rapportés. Paul Butler invite ainsi les participants parisiens de sa Collage Party à créer une œuvre collective. Certains artistes sombrent dans le pittoresque quand d'autres y bâtissent une œuvre. La maison en feu et les sculptures humanoïdes de la jeune Sarah Anne Johnson succèdent à l'encyclopédique There's No Place Like Home initié par Sigrid Dahle où les archives se confrontent à la contemporanéité. L'aspect poisseux des œuvres naît-il des inondations répétées, de la noirceur de l'hiver ou de l'histoire coloniale que doivent endosser toutes les Amériques ? Dans la salle de la Royal Art Lodge l'art brut de Jonathan Pylypchuk répond aux crayonnages inspirés par la bande dessinée. Un pianiste accompagne The Lotus Eater, film de Marcel Dzama. Quel que soit l'auteur les images cinématographiques semblent avoir toujours été trouvées dans un grenier poussiéreux et humide...


Guy Maddin en a fait son style. Faux vieux films où le noir et blanc, les coloriages à la main et les lumières expressionnistes dessinent des scènes surréalistes déjantées. Son dernier long métrage, My Winnipeg, projeté dans une des salles, est probablement le plus sincère de sa filmographie kitschissime, chant d'amour à sa ville natale où il continue de vivre, faux documentaire expérimental où le protubérant commentaire finit par provoquer l'asphyxie. Comme dans les collages de ses confrères et consœurs la surabondance de signes homogénéise la virulence, et Winnipeg tend à ressembler à un sarcastique vide-grenier quand les beaux jours reviennent.

Les photos représentent L'effondrement du temps et de l'espace dans un univers en perpétuelle expansion de Kent Monkman, Propelled through life by a staggering lack of dignity de Jonathan Pylypchuk et Hauntings de Guy Maddin.