Catalogue bleu, catalogue rose, vous avez le choix si vous voulez garder un épais souvenir de l'exposition qui se tient jusqu'au 23 janvier dans les Galeries Nationales du Grand Palais à Paris. Le sexe des enfants détermine considérablement les jouets qui leur sont offerts qui à leur tour formatent les futurs adultes. Des jouets et des hommes est un voyage dans le temps orienté vers le passé ou l'avenir, selon l'âge et l'imagination du visiteur.
Les quatorze installations de Pierrick Sorin, dans le rôle du directeur artistique omniprésent, aident les grands garçons à régresser, à libérer les fantasmes qui nous ont construits. Par un trucage optique à la Méliès l'artiste habite des décors ludiques lui offrant, et à nous-mêmes qui nous y projetons à notre tour, l'occasion de retomber en enfance. Comme cela reste très mâle, on eut été curieux du choix d'une femme à qui confier une partie de ces scènes drôles, cruelles, astucieuses, capable de se laisser aller aussi librement à ces clowneries égotistes. Ses petits théâtres holographiques sont pour beaucoup dans la réussite du projet.


Ils nous aident à traverser le miroir, vitrines et cordages qui enferment les magnifiques objouets de musée rassemblés par Dorothée Charles et Bruno Givreau, les transformant en écrans/écrins de nos rêves oubliés. C'est à ce stade que tout se joue. Le portrait de Claude Lévi-Strauss à quatre ans sur son cheval mécanique, peint par son père, ou L'enfant au toton de Chardin (que nous avions animé et filmé l'an passé en 3D avec Pierre Oscar Lévy), annoncent la couleur. Les mômes déjà geeks pourront s'abrutir devant les jeux vidéo tandis que d'autres embarqueront avec leurs parents sur cet arche de Noé où les échelles de taille relativisent considérablement ce que nous sommes devenus ou ce qu'ils deviendront. Les filles admireront les poupées et leurs maisons, les garçons les petits soldats et les automobiles, tous se pâmeront devant les animaux, les robots et les personnages venus du cinéma ou de la télévision.
Dans la dernière salle, Pierrick Sorin nous refait passer de ce côté-ci du miroir, en brûlant nos jouets, mais sans perdre de vue le Rosebud de Citizen Kane, la neige tombant sur nous comme dans une boule de cristal renversée, ultime référence à notre courte existence.
On peut prolonger la visite sur le site de l'exposition où l'artiste présente un copieux WebDoc, Des jouets, un Sorin, découpé en 27 épisodes.


Repasser en revue les merveilles exposées m'a donné envie de retrouver le film tourné en 16mm par mon père lorsque j'avais trois ans sur la terrasse de la rue Vivienne. J'irai presque jusqu'à aller chercher au grenier les rares jouets que je n'ai pas donnés à des enfants, Dinky Toys, bouts de train électrique, soldats Starlux, et ceux en plomb de mon père dont de magnifiques pompiers devant une maison en flammes. Vous non plus, n'attendez pas Noël pour vous précipiter au Grand Palais !