Sur son blog du Tiers Livre, l'écrivain François Bon, fondateur de publie.net, écrit un article intitulé Choisir, acheter une liseuse qui suscite maint commentaire. J'y vais de mon témoignage sous le titre À chaque œuvre correspond un support, et réciproquement :

En 1987 je produisis L'hallali d'Un Drame Musical Instantané, un des premiers CD-audio en France, parfaitement adapté à de la musique "contemporaine" (j'y mets des guillemets alors que sa nature non-académique devrait m'en dispenser). Le silence du numérique, sans frottement de surface, et son bruit de 0 et de 1 suscitèrent la pièce Une passion dévorante que nous n'aurions jamais composée autrement. Les journalistes me remerciaient gentiment, désolés de n'avoir pas encore le matériel pour l'écouter. Un an plus tard les CD avaient remplacé les vinyles, ce qui n'était pas forcément génial, chaque support possédant ses avantages et ses inconvénients.

En 1999 lorsque nous avons créé le CD-Rom Alphabet de nombreuses personnes ont eu envie d'acquérir un ordinateur pour pouvoir jouer avec. Enfin une œuvre qui plaisait aussi aux filles et qui ne s'encombrait pas de limites d'âge, en amont comme en aval. Le contenu fit vendre le support. Seuls les fabricants de hardware profitèrent de l'aubaine qu'apportaient ces objets rêvés, les sociétés d'auteurs ne sachant pas leur imposer d'apporter leur obole ! On en est toujours au même point.

Aujourd'hui publie.net m'offre d'inventer un nouvel objet, littéraire cette fois, mais audiovisuel toujours. Le roman La corde à linge peut se lire sur toutes les liseuses. Pourtant les photographies qui font partie intégrante du récit (l'image qui commence chaque nouvel épisode provoque le texte qui la suit, qui à son tour suscite celle du suivant) sont en couleurs. Sur toutes les liseuses, disais-je, mais, pour l'instant, seul l'iPad permet de jouir des sons qui accompagnent ou ponctuent la lecture (80 minutes de musique pour la plupart inédite, d'ambiances sonores et d'effets ponctuels). Des petits "players" sont disséminés dans le texte ; à chacun de les déclencher ou pas, comme il l'entend. Certains passages agissent tels des pauses musicales prenant le relais sur le texte proprement dit. Le plaisir du livre de lire à son rythme est préservé. Les amateurs de miniatures peuvent également profiter de cette version augmentée sur un iPhone (c'est mon cas).

À savourer confortablement sur l'iPad de ma compagne les productions Hors Collection de publie.net réalisées par mes confrères et consœurs je comprends qu'un de ces jours le contenu va générer l'achat d'un nouvel objet de consommation. Qu'il soit de culture fait passer la pilule de son coût. Je pourrai en profiter allongé en attendant une version amphibie qui sera beaucoup plus adaptée à ma pratique. Si l'iPad est l'idéal à mes yeux d'auteur, il est néanmoins plus cher qu'une liseuse à encre numérique. Il a néanmoins l'avantage de posséder mille autres qualités qui le rangent au rayon des couteaux suisses, objet insurpassable que je découvris à huit ans.

P.S. : il aurait été honnête de préciser que ce jour-là, mon anniversaire, j'ouvris les six lames en même temps et me coupai. J'en tirai la conclusion qu'il est merveilleux de faire trente six choses de sa vie, mais qu'il est prudent de n'en faire qu'une à la fois. Précepte que je n'ai pas toujours suivi.