(Om, pour voix et électronique)
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Om ! J'aurais bien besoin de travailler le mantra des mantras, le son primordial, sens de l'univers... Les cinq jours dans le Connecticut ont été une épreuve, le passage le plus risqué de notre périple. Se frotter à tant d'intolérance et de violence assumée me rend malade tout en excitant ma révolte. Les valises sont de plus en plus lourdes. Arrivés à bon port, Boston, nous avons marché jusqu'au motel où Bill Bazzy nous a retenu une chambre. Dans son journal, Agnès note qu'il y a la télévision et une salle de bain avec baignoire. Le nom de l'état du Massachusetts, à l'origine une tribu algonquienne, est aussi difficile à prononcer que notre lessive sèche d'archiduchesse. Les bulles de son explosent sous l'eau chaude où je marine. Comme il est bon de se détendre et d'aller se promener sans n'avoir de comptes à rendre à personne ! Les toits gris vert donnent une allure vieillotte à cette ville qui ne possède pratiquement aucun gratte-ciel. Elle me rappelle plutôt l'Allemagne où je suis aussi allé apprendre le hoch Deutsch à Düsseldorf et la bonne blague à St. Johann in Tirol où je m'étais ennuyé ferme. Pas très folichon non plus, la Nouvelle Angleterre. La nouveauté est toujours relative. Un jour notre modernité nous paraîtra surannée. Les parcs sont d'un vert plus tranché, contrastant avec la brique rouge et l'écorce des arbres. Pourtant il y a quelque chose de gris que je ne m'explique pas. Mr Bazzy vient nous chercher pour dîner dans un snack du quartier, avant une nuit de sommeil bien méritée.

The Boston Commons est un parc public où nous nous promenons parmi les écureuils. Nous trouvons étrange que les Américains les considèrent comme des rats ou des pigeons, très nombreux aussi, mais nous sommes habitués aux volatiles parisiens et nous y faisons moins attention. Les autochtones n'aiment pas trop les petits rongeurs facétieux qui l'hiver s'attaquent à leurs poubelles, tandis que nous en adopterions un avec joie pour le ramener dans nos bagages ! Bill Bazzy a toujours un cigare au bec. Il travaille beaucoup, aussi vient-il seulement nous chercher pour dîner au restaurant avec sa femme. Langouste au menu, on se régale ! Il nous a invités dans un nouveau motel, près de Dedham, qui nous rapproche de la station Greyhound. À part le séjour à Washington en famille retrouvée, c'est la première fois que nous dormons à l'hôtel, n'ayant pas les moyens de nous en payer. Nous quittons donc le Riverside Bus Station pour New York le troisième matin, après nous être baladés à pied un peu partout.


Retour à la case départ. Nous ne recevrons pas vingt mille francs, mais la note d'hôtel était aux frais de la princesse. Nos finances ne sont pas très brillantes. Heureusement la fin du voyage se profile. En arrivant à New York en début d'après-midi, nous prenons un taxi pour nous rendre chez Mrs Levy, une autre amie recommandée par les Benjamin de Los Angeles. J'inverse la donne, c'est plutôt nous qui sommes recommandés ! Le temps est effroyablement lourd, l'air poisseux, grassement pollué. La chaleur excessive fait peser une chape de plomb au dessus de nos têtes. Le petit salon où nous poirotons une heure chez les Levy est agréablement rafraîchi par l'air conditionné. Comme nous n'avons rien à faire je regarde les tableaux qui couvrent les murs du sol au plafond, serrés comme des sardines les uns contre les autres, sur les quatre murs. Une question nous vient à l'esprit en inspectant les signatures...