La presse, dans sa grande majorité, pratique l'omerta sur le candidat Mélenchon, la petite bête qui monte, qui monte, qui monte... Et nous chatouille. La télévision déverse ses lieux communs avec une régularité et un aplomb concertés pour nous faire oublier que l'impossible n'est pas français. Car en cas de surprise, toute l'Europe serait entraînée par un effet domino capable de renverser ce que les financiers veulent nous faire avaler comme inéluctable.
Taxant Jean-Luc Mélenchon de populisme, les journalistes insinuent que les extrêmes se rejoignent. Comme si communisme et nazisme partageaient les mêmes valeurs. D'un côté un projet généreux et solidaire sombrant dans la paranoïa, de l'autre un crime programmé et revendiqué. S'adresser aux classes populaires n'a rien de condamnable. Tant de déshérités votent pour leurs bourreaux. Mais le populisme est associé à la démagogie. S'il est le fond de commerce du Front National, il est honteux d'en taxer la Gauche qui a toujours défendu tous les citoyens, sans exception, sauf évidemment les quelques nantis qui les exploitent et les saignent. Le populisme est fondé sur la critique du système et de ses représentants, fustigeant les élites. Or partout, dans les milieux intellectuels et cultivés, on constate une sympathie grandissante pour le candidat du Front de Gauche, dynamique aussi encourageante que la participation ouvrière à ses meetings bondés.
Comme l'attaque devient louche et la manipulation trop évidente, on entend maintenant que Jean-Luc Mélenchon défend son programme parce qu'il sait qu'il n'aura pas à l'appliquer. Comme si l'on ne pouvait pas croire à nos aspirations, comme si nos convictions n'étaient que du vent, comme si l'on ne pouvait pas avoir le courage de ses opinions, comme si le changement était impensable par ceux-là-mêmes qui le souhaitent. Si le peuple de gauche profère ce genre d'ineptie il se dénie lui-même.
Préfère-t-il le discours d'un Hollande qui, le 13 février dernier, répondait au Guardian : "La gauche a gouverné pendant 15 ans (...) elle a libéralisé l'économie et ouvert les marchés à la finance et à la privatisation. Il n'y a pas à avoir peur." Comment peut-on encore croire que le Parti Socialiste présente un programme de gauche ? Ce n'est qu'une politique droitière avec un espoir de paix sociale. L'espoir seulement, car imaginons ce qui se passera dans cinq ans après la politique catastrophique du PS, quand la rigueur, "le sens à la rigueur", aura appauvri un peu plus la classe moyenne et les plus démunis. Ce n'est pas pour autant "blanc bonnet, bonnet blanc". Nous avons d'un côté une droite aux allures souples pour ne pas dire molle, de l'autre une bande de gangsters qui se sont repus allègrement sur notre dos. Ils n'étaient pas si nombreux au Fouquet's, ceux qui en ont croqué pendant cinq ans. Si j'étais un nanti, je n'hésiterais pas une seconde, je voterai Hollande !
À gauche, le NPA n'a pas l'envergure nécessaire et il est étrange qu'il ne rejoigne pas le Front de Gauche. De même la candidate Eva Joly est trop mal entourée, on la verrait bien ministre de la Justice sous un gouvernement Mélenchon ! Voilà qui dépoterait et sortirait notre pays de ses mauvaises manies... Je pense autant aux affaires Karachi, Takieddine, Woerth qu'aux Guérini, Kucheida et aux implications de certains avec Dexia, le chantre des emprunts toxiques. On ne pourra pas changer notre pays sans mesures radicales. Si tous les citoyens votaient pour leurs idées et leurs propres intérêts au lieu de céder à la peur qui leur est servie sur un plateau télé fabriqué en 2002, s'ils évitaient de voter la mort dans l'âme pour Hollande qu'ils jugent seulement le moins pire des possibles, ce serait là voter utile, et Mélenchon serait au deuxième tour. On peut toujours rêver, c'est même un devoir. Toute révolution est née d'un rêve. Qu'elle sorte des urnes serait une victoire pour celles et ceux qui croient encore à ce qu'est devenue la démocratie. Voyez où le vote stratégique nous a conduit depuis quarante ans !

Fourmis rouges filmées vendredi à La Ciotat.