70 juillet 2012 - Jean-Jacques Birgé

Jean-Jacques Birgé

Aller au contenu | Aller au menu | Aller à la recherche

mardi 31 juillet 2012

Évocation de Chris Marker


La disparition de Chris Marker, le jour-même de son anniversaire de 91 ans, est le dernier tour de cet artiste immense qui sut se jouer de la mémoire et du futur dans un univers quantique où l'impossible faisait partie de son quotidien. On ne sera donc pas surpris de le voir réapparaître au détour d'un plan, du moins en ombre fugitive tant il détestait se montrer en public, énième réincarnation de Guillaume-en-Égypte.
Au printemps 2001, alors corédacteur du Journal des Allumés du Jazz, je posai La Question, entre autres, à Chris Marker :
" Autour de la musique gravitent des images. Quelle est celle qui vous a le plus marqué ? "
Ce n'est pas vraiment un inédit puisque sa réponse parut dans le n°5, mais elle figure à elle seule une petite nouvelle, un court-métrage, une histoire comme seul il savait les raconter. Il a semé tant de graines que nombreuses plantes ne manqueront pas de refleurir après lui.

-------------------------------------------

" Celle qui vous a le plus marqué ? ". Comme vous y allez, heureux enfants insouciants qui ne savez pas encore combien d'images marquantes peut accumuler une mémoire ? C'est vrai que généralement je ne réponds pas à ce genre de questions (comme " les dix films qui ? " " les dix livres dans une île déserte ? " etc) -et j'en aurais fait autant si justement une image n'avait pas surgi toute seule à la fin de ma lecture. Je ne suis pas sûr qu'elle entre exactement dans ce que vous aviez en tête, mais comme elle était là, je vous la livre, vous en ferez ce que vous voudrez, inutile de dire que je ne me sentirai nullement offensé si vous concluez que, comme il m'arrive souvent, je suis à côté de la question.

Amitiés, Chris Marker

L'année serait facile à retrouver : c'était celle où les Exodus, rejetés par les Anglais des ports palestiniens, refusés par la France, erraient de côte en côte : certains se retrouvaient à leur point de départ, à Hambourg (pour un peu on leur aurait fait faire le reste du chemin en train, jusqu'à Treblinka, ça leur aurait rappelé des choses) - deux en particulier demeuraient en suspens au large de Juan les Pins, où nous voyions leurs feux s'allumer au crépuscule pendant que nous dansions en écoutant la musique de jazz. La guerre était encore assez proche pour que ce genre de collage incongru nous paraisse relever de la folie ordinaire, nous en avions vu d'autres. Dans cette boîte-là jouait Bernard Peiffer, le grand pianiste français qui devait peu de temps après nous quitter pour une carrière aux USA. Sa femme, Monique Dominique, chantait des spirituals, elle était une des rares blanches à pouvoir les interpréter avec le vibrato des grandes chanteuses noires. Et Danny Kane, remarquable joueur d'harmonica, complétait la formation avec un bassiste et un batteur que j'ai oubliés. C'est pendant une pause que j'ai vu Danny Kane aller s'adosser à une colonne, au fond de la petite scène où ils jouaient, là où la vue sur la mer était la plus directe, et doucement, presque inaudiblement dans le bruit des conversations qui venaient de succéder à la musique, tirer de son harmonica qui venait de dialoguer avec Bernard sur You go to my head les quelques notes d'une mélodie, celle de l'Hatikvah. Je suis prêt à jurer sur les saintes icônes que j'ai été le seul à faire le lien. Danny Kane était juif. De ce lieu de jeux insouciants, il envoyait un message aux autres, à ceux qui traînaient de côte en côte dans des conditions à peine meilleures que celles qu'ils avaient connues dans les camps. Il jouait pour lui, pour eux, tourné vers la mer, et personne ne l'écoutait, et personne sans doute n'aurait reconnu la mélodie. Aujourd'hui, cinquante et quelques ans plus tard, quand j'éprouve le vertige de ce temps-là et de tout ce qui a suivi, ce temps où l'Hatikvah n'était pas encore l'hymne d'un état qui n'existait pas encore, ce temps où les Six-Jours n'étaient pas le nom d'une guerre mais d'une course cycliste en un temps plus ancien encore, où le nom de Vel d'Hiv n'était pas encore celui d'une rafle, et où le mot rafle n'évoquait encore qu'une opération de police contre des truands, que d'ailleurs on n'appelait pas encore truands, ceux-là étaient des bandits du moyen-âge, c'est après-guerre que le mot reprendrait bizarrement sa place, quand j'éprouve le vertige de ce long enchaînement de chances et de gâchis, de promesses non tenues et de haines décidément insurmontables, je pense qu'il faudrait des livres et des livres pour en faire le compte, sans d'ailleurs convaincre personne, ou bien simplement réentendre au fond de la mémoire, imperceptibles et indestructibles, ces quelques notes fragiles qu'un joueur d'harmonica égrenait un soir d'après-guerre dans le crépuscule de Juan les Pins.

Note aucazoù : Exodus, You go to my head et Hatikvah doivent être en italiques.

-------------------------------------------

Chris Marker sur drame.org :
Chris Marker, moires et mémoires
Le 1er mai 2009 vu par Chris Marker
Immemory de Chris Marker (version anglaise pour OSX)
Le souvenir d'un avenir
Regarder Chris Marker dans les yeux
Chris Marker et les syndicats
Etc.

lundi 30 juillet 2012

Brassens orchestré par Vannier


Formidable ! Il faut parfois savoir attendre. En 1993, tandis qu'il enregistrait avec nous l'album de chansons pour enfants Crasse-Tignasse, Michel Musseau m'avait parlé de son admiration pour le disque de Jean-Claude Vannier orchestrant les chansons de Georges Brassens. Ses mélodies n'étant pas ce qui me semblait le plus remarquable chez le poète j'avais quelques doutes, mais Musseau avait tant insisté que j'avais fini par le croire, d'autant que j'avais toujours été un fan du travail de Vannier, pas seulement pour Gainsbourg et leur Melody Nelson, mais aussi pour Brigitte Fontaine, Claude Nougaro et bien d'autres. L'année suivante, avec Bernard Vitet nous étions d'ailleurs allés lui faire écouter les maquettes de Carton pour avoir son avis sur nos chansons peu ordinaires. Vannier avait, paraît-il, beaucoup apprécié, mais il nous avait plutôt démoralisé sur le potentiel commercial de notre démarche ! Nous ne nous étions pas démontés et avions continué notre aventure dont la suite ne lui donna pas vraiment tort, bien que nous n'eûmes jamais à regretter ce dont notre imagination avait accouché. Les nombreuses chansons écrites avec Bernard Vitet sont avec les instantanés du Drame et nos pièces orchestrales ce dont encore aujourd'hui je suis le plus fier.
En me promenant dans les allées virtuelles je découvre que l'album épuisé L'orchestre de Jean-Claude Vannier interprète les musiques de Georges Brassens a récemment été réédité pour 6,99€. Que soit loué le camarade Michel Musseau dont j'ai toujours adoré l'humour critique et la précision musicale ! L'album commandé en 1974 par le patron de Philips pour commémorer les vingt ans d'activité de Georges Brassens, est à la hauteur de nos espérances. Certainement l'une des œuvres les plus réussies de Jean-Claude Vannier, elle respire la liberté inventive de l'autodidacte et l'intelligence de l'arrangeur tout en mettant en valeur les compositions de Brassens que j'ai longtemps cru monotones. Utilisant quantité d'instruments rares, flexatones, piano-jouets, clavier de cloches, mais aussi fanfare d'inspiration catalane, clavecin, limonaire, percussion ou cordes à la Carl Stalling, il fait preuve d'une créativité exceptionnelle et d'un humour décapant reléguant la variété instrumentale aux pires ringardises et les fantaisies de Pascal Comelade à de timides tentatives. On regrette seulement qu'aucun musicien de cet orchestre impossible ne soit cité sur la pochette, d'autant que s'y succèdent d'étonnants solistes. Je ressens le même enthousiasme qu'à la découverte des versions orchestrales de Let My Children Hear Music de Charlie Mingus arrangées par Sy Johnson, Alan Raph et le maître en personne. On se délectera donc de ces versions épatantes de Chanson pour l'Auvergnat, Les Sabots d'Hélène, Les Amoureux des bancs publics, Stances à un cambrioleur, Le 22 septembre, La Mauvaise réputation, Les Copains d'abord, Je me suis fait tout petit, Supplique pour être enterré à la plage de Sète, Jeanne, Les Amours d'antan, Bonhomme.

vendredi 27 juillet 2012

Révélateur


Il aura fallu trois jours pour révéler le Polaroïd Impossible envoyé par Gila à la requête de Hélène C. Les photos de groupe sont des arrêts du temps où plusieurs personnages sont épinglés d'un seul clic sans que, en général, ils aient eu le temps de s'y préparer. Tels les instantanés nous attrapant dans le mouvement celles-ci nous prennent par surprise tant notre préoccupation est, avant tout, d'être là, ensemble. Céline, Valéry, Gila et moi nous tenons par les épaules tandis qu'Olivier, insaisissable, est déjà reparti au rendez-vous avec François Hébel. Il y a toujours quelqu'un pour demander de sourire, le sempiternel "Cheese !" dont il existe maintes déclinaisons à travers le monde comme ouistiti, kimchi, patata, appelsin, omelett, whisky, le rictus variant selon les cultures.

jeudi 26 juillet 2012

L'entente cordiale


Avec qui voulez-vous lutter ? À ma gauche, Scotch, mâle dominant, fourrure grise, 10 ans, 8 kg et des poussières, placide mais ferme. À ma droite, Diabolo, Jack Russell terrier tout fou, masque brun, 3 ans, pratiquement la même taille mais pas plus de 5kg, aboyeur selon l'humeur. Comme ils regardent fixement l'appareil j'imagine un match d'hypnose animalier dont je suis finalement la victime dans un énième remake de L'arroseur arrosé. À leur signal j'appuie sur le bouton. D'année en année leurs relations sont devenues pacifiques, mais ils n'en sont pas encore à se faire des mamours.
Scat était un chat élevé par un chien, lui-même élevé par une chatte. Il fallait voir Horus s'interposer quand la chatte venait embêter le chaton. Guy Le Querrec avait publié une magnifique photo où Scat descendait de mon épaule sur le Theremin avec Bernard à la trompette.
De mon côté, preuve que je suis en vacances, je dévore un premier bouquin, un thriller de politique-fiction de Philippe Nicholson intitulé Serenitas (Carnets Nord / Ed. Montparnasse). Le problème avec les polars c'est que l'auteur vous mène souvent en bateau, inventant mille fausses pistes avant de valider l'ultime. Comme partout il n'y a que le style qui puisse avoir raison du genre. Ici, comprenant trop tôt que nous avons affaire au complot, nous identifions rapidement les intentions des personnages. L'intérêt réside dans la vision d'un avenir proche qui n'a rien de réjouissant.
Titrer un article Les théories du complot comme s'y laisse aller tous les médias, Mediapart compris, est fâcheusement tendancieux. Comme s'il fallait être pour ou contre, avec un soupçon prononcé envers les paranoïaques. En voir nulle part est aussi idiot qu'en voir partout. Les religions sont pourtant d'excellents exemples séculaires de leur réalité. Le complot est une forme récurrente ancestrale. La question "à qui profite le crime ?" est une méthode éprouvée pour déjouer la communication gérée par les états. Le faux-coupable est toujours bien dessiné. L'hallali peut commencer.
Et les bêtes dans tout cela ? Elles s'en fichent et terminent la journée ensoleillée par un pastis et quelques olives au son des cigales. À moins que tout cela ne soit qu'une honteuse manipulation et que j'ai osé faire un montage avec deux photographies ? Ou pas !

mercredi 25 juillet 2012

Chambre avec vue


D'abord la vue. Chaque fois que j'arrive dans un nouvel endroit je scrute l'horizon, même s'il est bouché. Ici, Saint-Étienne, sur le chemin vers le sud, l'atelier d'Ella et Pitr. Le cadre éjecte les collines à droite. C'est la campagne. Je cherche un détail qui m'attire, que je n'aurais pu voir d'ailleurs. Adverbe, d'ailleurs est de circonstance. De la fenêtre l'à-pique vertical donnant sur un étroit jardin est déjà dans l'ombre en cette fin de journée. La nuit aurais-je été séduit par les éclairages racoleurs du nouveau théâtre ? Rejetant les immeubles sans style je fais donc le point sur des balcons en fer forgé, vestige d'une autre époque. La géographie évoque l'histoire.


Une trouée entre deux immeubles, une façade un peu ampoulée, un œil de bœuf au fronton d'un édifice, on s'approche... Ancien ou moderne, qu'importe, y chercher du caractère. Celui de la ville se précise. Au premier plan des ateliers désaffectés ; derrière nous, invisible puisqu'en contrechamp, l'ex école des beaux arts abandonnée au vandalisme est un furoncle absurde, laissé en friche. Les municipalités ne savent pas sauter sur les occasions pour recycler les grands espaces dont ont besoin les artistes pour travailler. Les caves sont idéales pour les répétitions d'orchestre, les échangeurs d'autoroute feraient aussi bien l'affaire, et les vieilles usines siéraient aux troupes de théâtre et aux plasticiens. Les volumes se délabrent avant que les décisions soient prises.


Fer forgé. Nous sommes dans l'ancienne capitale des armes et cycles. Manufrance a tenu un siècle jusqu'en 1985. En 2010 sa renaissance accouche d'une nouvelle édition du célèbre catalogue, mais comme nombreuses villes de province l'âge d'or est passé. Automatisation, délocalisations, concurrence. Que signifient les volets clos ? Que se passe-t-il derrière les rideaux de voile ? Le charme discret de la bourgeoisie est un euphémisme. L'esprit mal tourné, on pense à Chabrol.


Panoramique vers le bas. En réalité un simple recadrage tranchant avec les vieilles pierres. Présence humaine. Deux jeunes types reviennent du sport. C'est dimanche. Un magasin de fringues branché, une banque : classique ! Les volets métalliques sont-ils une conséquence des vacances ou de la mutation ? Saint-Étienne se revendique capitale du design. Ça bouge. Il y a des affiches d'Ella et Pitr un peu partout. Un énorme poisson rouge orne la caserne des pompiers. Ella vient de réorganiser le site Internet des papierspeintres. J'y vais.

mardi 24 juillet 2012

Les bleus


Arles, début du mois. Impossible fait gratuitement des Polaroïd de tous ceux et toutes celles qui passent dans la cour de l'École de la Photo, rue des Arènes. C'est le QG de l'équipe Coïncidence en charge des Soirées des Rencontres, mais Olivier Koechlin, retenu quelque part en ville, n'est pas sur le cliché. Il aurait probablement dépassé Valéry Faidherbe, le plus haut de nous quatre. Gila a l'idée de prendre en photo l'image non encore révélée. Elle va s'éclaircir et prendre des couleurs. En attendant c'est la nuit. La nuit Klein (Yves, pas William que pourtant j'adore). Ou alors une nuit américaine pour "une école française", thème de cette année. À ma droite Céline le Guyader veille au grain, pas celui de l'image en train de naître, mais elle coordonne les faits et gestes de notre équipée, des fois qu'on aille aux fraises au lieu de s'occuper de la projection du soir au Théâtre antique. Pendant les pauses nous nous tirons mutuellement le portrait. Certains ont le pixel fin, d'autres préfèrent Instagram, mais personne ne se prend au sérieux. On se souviendra. Peut-être. À quoi servent toutes ces prises quand on a les yeux plus gros que le ventre, encore que le mien ait une fâcheuse tendance à gonfler avec le régime resto à tous les repas ? On rejette à l'eau les petits poissons qui n'ont pas la taille. On espère toujours le miracle. Et ça, le ça, s'accumule dans des tiroirs, sur des disques durs plus fragiles que tous les supports qui ont précédé le numérique après la camera obscura. C'est là qu'on met les enfants qui ne sont pas sages. Tout s'explique. Les bleus, la nuit, cette chambre noire, le travail de galérien, le rêve et les étoiles. Sur l'image qui voit le jour apparaissent quatre garnements vraiment pas pressés de grandir.

lundi 23 juillet 2012

Un cercueil rose


L'excellente comédie Et si on vivait tous ensemble ? est victime d'un titre réducteur et d'une bande-annonce attendue alors que le film de Stéphane Robelin est original, drôle, critique, bien filmé, d'une très grande finesse, superbement dialogué et interprété par une bande de joyeux seniors qui nous donnent une belle leçon de vie, dans le film comme dans leur profession. Jane Fonda, Geraldine Chaplin, Claude Rich, Guy Bedos, Pierre Richard s'en donnent à cœur joie même dans les moments les plus graves (dvd Studio 37).


J'évite donc la bande-annonce et vous renvoie à un petit sujet sur le tournage. En France, si elles ne sont pas signées par une célébrité, les comédies sont peu acclamées par la critique, remportent rarement la palme, alors qu'elles sont aussi nécessaires que le reste, si ce n'est plus en ces temps de crise et de morosité, et les vacances ne changeront rien à l'affaire. Le cinquième film de Robelin a reçu un accueil enthousiaste du public en province, probablement des vieux qui ont forcément identifié leur préoccupation majeure, comment bien vieillir et passer au mieux nos dernières années, alors qu'à Paris il est passé quasiment inaperçu. Je n'avais pas autant entendu rire mes amis depuis la projection des Beaux gosses de Ryad Sattouf qui, loin d'être une grosse daube, a la même qualité d'étude de mœurs, là sur des adolescents pubères, ici sur des seniors en fin de vie. J'ignore quel regard les jeunes peuvent avoir sur ce film, mais je suis certain que, passé 50 ans, il est absolument salutaire, et comme l'âge n'a rien à voir avec la date de naissance, je le recommanderai donc à tous et à toutes !

vendredi 20 juillet 2012

Journal de (par dessus) bord


Le temps de tout, le temps de rien, trop-plein et puits sans fin ! À en perdre le nord parmi trop d'étoiles. Je commence plein de trucs que je laisse en plan. Boucler les affaires à l'arrache avant de passer aux valises. D'été pour le sud, d'hiver pour la montagne, ce qu'il faut au chat, carton bouffe, matériel boulot, valises sous les yeux ! Comment bloguer sur autre chose lorsqu'on est déjà au four et au moulin ? Passer le relais de la maison, récupérer les sous, envoyer les chèques, faire des copies de sécurité des ordis, j'en deviens fou. Je plane dans le cosmos du Terre à terre. Boomerang de la navette. Vérifier l'huile et les pneus. Merci à Yayoi Kusama pour ses lumières ! J'ai tout juste eu le temps de composer les ébauches de quatre pièces de la renaissance et d'enregistrer 191 notes de cordes pour l'application iPad que nous espérons réaliser avec Nicolas Clauss et Sonia Cruchon. Après réflexion nocturne, j'en ai jeté 113, il en reste 77 plus le son du couvercle, c'est plus qu'assez. Je sais quoi faire pour les trois parties, une histoire de bambin qui deviendra l'un des plus grands savants de l'histoire de l'humanité, sa boîte à secrets accouchant du projecteur de rêves et son legs nous permettant de le faire renaître. La boucle est bouclée. "Tension-détente" que je martèle, mais il y a plus de tension que de détente. Trouver la sortie. C'est tout vu, et même entendu. D'ici là il va falloir en mettre un coup. Mille bornes, drôle de jeu. Ménisque supérieur. Sans que ça déborde. Un homme à la mer ! J'ai ma bouée. Elle s'appelle d'avance. N'empêche que la nuit il n'y a pas plus d'horizon que de beurre en branche.

jeudi 19 juillet 2012

Improvisation sur iPad


En voyage j'emporte toujours quelques petits instruments de musique si l'occasion se présente, mais les guimbardes sortent rarement de ma trousse de toilette. Chez Birgitte j'ai tapoté du piano-jouet et du pianet, une sorte de petit piano droit de six octaves et demie, mais nous n'avons pas eu le temps de jouer ensemble, plus enclins à la promenade cycliste. À la lecture du compte-rendu de ses concerts, Claus Kaarsgaard m'a proposé de me joindre au trio formé avec le guitariste Christian Frank et le batteur Carsten Landors pour leur dernier concert de la saison lors du Festival de Jazz de Copenhague. Un peu démuni, j'ai accepté grâce aux applications que j'avais téléchargées sur l'iPad, en particulier les clones virtuels de deux de mes instruments fétiches, le Tenori-on et le Kaossilator. Mettez un i devant leur nom et le tour est joué, la transposition sur iOS ne reflétant pourtant jamais exactement l'instrument original. Avec ses 730 grammes stockant un nombre incroyable de données et de logiciels, la tablette est devenue mon nouveau couteau suisse, même si elle ne remplace pas l'ouvre-boîtes ou les lames acérées. On est loin de l'époque où le trio d'Un Drame Musical Instantané voyageait avec un Espace bourré jusqu'au plafond. Le matin du concert j'ai donc travaillé quelques timbres me semblant pouvoir coller avec le jazz en dentelles des trois orfèvres.


J'avais également préparé quelques timbres avec les applications de synthétiseur virtuel Synth, SynthStation et Tabletop, mais je me suis servi essentiellement du iKaossilator dont la souplesse, on pourrait dire le gameplay (la jouabilité), m'offre de laisser courir mes doigts intuitivement pour m'intégrer aux compositions très structurées de mes camarades de jeu. Ajoutez les trois guimbardes et j'étais paré à toutes les éventualités. Une toute petite, classique, et deux plates, achetées en Italie il y a trente-cinq ans, qui me permettent d'articuler des mots ou de souffler sans les pincer. J'ai pu ainsi interpréter quelques chorus bien déjantés avec les deux pouces sur l'iPad et me fondre dans les structures rythmiques avec les guimbardes. Françoise mettra probablement en ligne un extrait à réception du film laissé au Danemark. Je vais donc continuer à travailler l'option iPad qui pourrait me permettre à l'avenir d'honorer d'autres invitations impromptues, car l'expérience fut une véritable partie de plaisir !

Photo du quartet © Birgitte Lyregaard

mercredi 18 juillet 2012

Five Car Stud d'Ed Kienholz


Propriété d'un collectionneur japonais, la scène traumatique réalisée par le "sculpteur" Edward Kienholz n'avait pas été exposée depuis quarante ans. Le Musée Louisiana, près de Copenhague, présente Five Car Stud jusqu'au 21 octobre, occasion inespérée de découvrir une œuvre clef du début des années 70, si critique qu'elle fut interdite dans les institutions culturelles américaines et qu'elle encouragea l'artiste à s'installer à Berlin et en Idaho. J'ai repris ci-dessus l'image déjà publiée le 16 juillet tant la suite des plans rappelle un découpage cinématographique. Je résumai : Un groupe de blancs lynchant un noir éclairés par les phares de cinq voitures, le castrant devant un jeune garçon et une femme restés à l'écart. Le public traînant ses chaussures dans le sable fait figure de témoin passif devant la scène abominable. J'en fais des cauchemars la nuit suivante. Comme pour Lucchino Visconti dans ses films, chez Kienholz le moindre détail est à sa place, même si la réalité est toujours tordue par le geste de l'artiste. Les masques des tortionnaires et la croix dorée autour du cou, une canette de bière écrasée, des photos de femme nue sur le pare-soleil, la tronçonneuse à l'arrière du pick-up, l'autoradio qui joue un blues nègre en sourdine, les plaques minéralogiques avec "fraternité" ou "America, love it or leave it", la bannière étoilée... Comme le corps démembré de la victime, son ventre est un réservoir d'essence dans lequel flottent les lettres mélangées du mot NIGGER... Une interview d'une heure est projetée à l'entrée de l'installation ; Kienholz a accepté à condition que le journaliste pose pour figurer l'un des personnages ; la discussion court pendant que l'artiste moule le corps du modèle.





Fan d'Edward Kienholz depuis sa rétrospective au CNAC rue Berryer en octobre 1970, je suis à l'affût de catalogues de son œuvre. Celui de Five Car Stud (1969-1972) en creuse l'analyse tout en évoquant le reste de son travail, même si les petites photos de Back Seat Dodge '38, The State Hospital, The Illegal Operation, The Wait, Roxys, The Caddy Court, The Ozymandias Parade, The Hoerengracht, etc. sont en noir et blanc. Les documents et les textes en anglais sont passionnants. Je ne manque jamais une visite à Amsterdam sans revoir The Beanery au Stedelijk Museum, en restauration jusqu'au 23 septembre. Les rétrospectives sont rares. Il faut aller au Musée Ludwig de Cologne pour admirer Night of Nights ou The Portable War Memorial...
En 1981, Edward Kienholz déclara que toutes les œuvres postérieures à 1972 étaient cosignées avec sa compagne Nancy Reddin Kienholz, démarche encore rare parmi les artistes mâles profitant souvent d'un apport discret et pourtant déterminant de leur conjointe, collaboration restée secrète dans l'Histoire de l'Art quand ce ne fut pas pure usurpation à une époque encore récente où les femmes ne pouvaient être acceptées autrement que dans leur rôle de mère !

mardi 17 juillet 2012

Utopie urbaine de Christiania


À l'état de Françoise après deux bouffées on peut affirmer que la commune de Christiania propose définitivement le bon produit. Après un délicieux et revigorant déjeuner végétarien au Morgenstedet nous avons réenfourché nos vélos pour un tour et demi-tour du lac, histoire de faire une dernière promenade avant l'envol back home. Nous avons pu ainsi admirer la liberté de construction dont jouissent les habitants. Cela tient du bricolage, du système D et d'une imagination débridée. D'anciens bâtiments de l'Armée sont restaurés, on trouve beaucoup de maisons en bois contrairement à la ville de Copenhague, d'autres font des expériences avec du verre, de la résine ou de la terre herbeuse.


Il n'y a que dans Pusher Street que les photos sont interdites. Pourtant les étalages sont attrayants avec leurs petites étiquettes aux noms évocateurs de paradis pas si lointains, mais pour le coup artificiels. Ailleurs je me fais discret lorsque j'appuie sur le bouton. Le vent souffle dans les arbres. Le silence est une des caractéristiques de Copenhague. Hormis quelques rares grands axes, pendant toute la semaine on se serait cru un dimanche ! Même pas l'ombre d'un policier dans toute la ville au bout de huit jours, sauf une sortie nocturne "à l'américaine" avec phares bleus et sirènes de quatre voitures se suivant à fond la caisse et demi-tour penaud à peine deux minutes plus tard, style on existe, cette alerte ressemblant plutôt à la parade de Buffalo Bill ! Une ville et des gens très cool, qu'on vous dit... Cela ne signifie pas qu'il ne se passe rien. Le fait-divers local met en scène un jeune afghan à peine naturalisé, retrouvé un matin dévoré par les tigres du zoo sans que l'on sache s'il s'agit d'un suicide, d'un accident ou d'un règlement de comptes. Bon début pour un polar nordique !

lundi 16 juillet 2012

Théâtral


La nuit tombe sur Nørrebrogade comme une toile peinte derrière un décor de carton-pâte. Nous sortons d'un étonnant spectacle de la troupe We Go. Le titre de sa nouvelle création est explicite : Music From Movement. La musique découle directement des gestes des danseurs qui s'y collent tandis que les musiciens bougent comme des fous. La fusion diabolique apporte un humour ravageur aux mondes du concert rock et du ballet qui en prennent pour leur grade. Les rythmes mécaniques et les facéties acrobatiques rappellent un peu la première période de Frank Zappa. L'excitation et le plaisir des interprètes sont communicatifs.


La compagnie We Go, fondée à Copenhague en 2004 par le compositeur Niels Bjerg et la chorégraphe Kirstine Kyhl Andersen, est composée d'une dizaine de protagonistes d'un peu partout en Europe. Une aubaine pour les organisateurs de spectacles désirant renouveler leur programmation ! La photographie des haricots sauteurs est d'Anna van Kooij. J'évite de prendre des photos si cela risque de gêner les acteurs ou les spectateurs. Sur scène ils sont sept en justaucorps rouge avec autant de guitares, plus percussion et petits instruments électroniques portables.


Nous passons toute la journée du lendemain à Louisiana, magnifique musée d'art moderne et contemporain situé à trente minutes au nord de Copenhague. Dans un théâtre de verdure, plusieurs bâtiments à l'architecture astucieuse abritent une collection d'œuvres remarquablement choisies. On entre, on sort, on s'y perd et s'y retrouve. Le panorama offre une vue imprenable sur la mer baltique et la Suède. Les plus grands sculpteurs sont exposés au milieu de la nature, entourés d'oiseaux.
Pink Caviar présente les acquisitions 2009-2011, mais c'est Five Car Stud qui me fait la plus grosse impression. Je suis un fan d'Edward Kienholz depuis 1970, mais cette œuvre déterminante est légèrement postérieure à la rétrospective du CNAC rue Berryer qui me marqua alors si fort. Cet artiste dont il est difficile de voir les œuvres et même de trouver des livres qui lui sont consacrés est pourtant une clef pour comprendre les années 60. J'écrirai probablement bientôt un article sur cette installation montrant un groupe de blancs lynchant un noir éclairés par les phares de cinq voitures, le castrant devant un jeune garçon et une femme restés à l'écart. Le public traînant ses chaussures dans le sable fait figure de témoin passif devant la scène abominable. J'en fais des cauchemars la nuit suivante.

vendredi 13 juillet 2012

Jazz et cycles


Ici le vélo est vraiment le moyen de locomotion idéal. Nous avons fait un tour à Nyhavn ; le port est très joli, mais trop touristique. La vie semble très cool à Copenhague. Stress peu apparent. Cela se voit à la manière courtoise de conduire. De plus, la semaine du Festival de Jazz il y a des dizaines de concerts partout dans la ville, dans les cafés, les clubs, les églises, les jardins, les places en plein air...


Nous sommes allés écouter, entre autres, Claus au Tango y Vinos. Il jouait avec un autre Claus, le sax ténor Claus Waidtløv, et le batteur très Roachien Morten Hæsum. Notre Claus Kaarsgaard joue de la contrebasse dans quantité d'orchestres.


Le lendemain dans l'arrière-boutique de Home Made Records il accompagne le guitariste Christian Frank avec le batteur Carsten Landors pour une musique inventive, toute en nuances, un petit bijou Frisellien ciselé à la main. Claus sillonne la ville avec l'énorme instrument dans son tricycle. On adorerait avoir une poussette comme la sienne, mais l'étroitesse des rues parisiennes, des couloirs pour les vélos et surtout les côtes s'y prêtent mal. C'est pourtant pratique pour faire les courses.


Malgré cela, notre expérience shopping est plutôt ratée. Françoise a acheté un joli Thermos vert pomme de marque Alfi ; comme l'objet fuit elle le rapporte à Illum où le vendeur refuse catégoriquement de le changer ou de le reprendre parce qu'il n'est pas stipulé dans la garantie qu'il ne doit pas fuir ! Il aurait bien fait l'échange si Françoise ne l'avait pas rempli d'eau !! Pendant une demie heure le vendu à la cause de son patron accumule les arguments de mauvaise foi avec un sourire indéfectible. Nous abandonnons en lui rappelant que, faute d'humanité, un de ces jours il sera remplacé par une machine. Moralité : n'achetez pas au grand magasin Illum, attrape-nigauds garanti (for English readers: just don't buy at Illum!).
Nous rentrons dîner dans le quartier de la maison, un Thaï succulent. Sinon nous dégustons poissons fumés, frits, à la vapeur ou crus. La vie est très chère au Danemark, plus qu'en France. La crise économique ne semble pas encore avoir atteint le pays. Comme les Anglais, les Danois ont choisi de conserver leur couronne plutôt qu'adhérer à l'euro tout en participant à l'Union Européenne. Nous avions une petite idée du Danemark grâce à deux séries télévisées projetées récemment, le cultissime Matador et les deux saisons de Borgen.

jeudi 12 juillet 2012

Christiania à vélo


Formidable initiative et beau cadeau de Claus qui a acheté mardi matin un vieux vélo pour les amis. Nous visitons Copenhague de la plus agréable manière. On raconte que c'est la ville du monde la mieux adaptée à la bicyclette. Il y en a partout. Les quartiers sont étonnamment silencieux. Peu d'automobiles. Les avenues sont larges, bordées de hauts immeubles anciens. Il existe quantité de deux, trois ou quatre roues à pédales. Nombreux sont équipés d'une petite poussette pour transporter deux enfants, les courses ou une contrebasse ! Pendant le festival de jazz, des concerts fleurissent comme s'il en pleuvait, dehors, dedans. Nous sommes délicatement arrosés par leurs gouttes ici et là.


"Christiania (Fristaden Christiania) est un quartier de Copenhague au Danemark, autoproclamé « ville libre de Christiania », fonctionnant comme une communauté intentionnelle autogérée, fondée en septembre 1971 sur le terrain de la caserne de Bådmandsstræde par un groupe de squatters, de chômeurs et de hippies. Le quartier est une rare expérience historique libertaire toujours en activité en Europe du Nord..." (intéressant article sur Wikipédia et évidemment sur le site officiel de la communauté). La population est très mélangée, habitants et touristes, jeunes bobos et vieux hippies, énergumènes laissés libres de faire ce qu'il leur plaît, vendeurs de hasch et d'herbe étalant leurs produits comme des épiciers... C'est encore plus cool qu'aux Pays-Bas et la qualité est la même, attention danger, c'est très fort ! L'atmosphère est détendue, mais la situation est paradoxale. Ceux qui ont voulu vivre en marge se sont retrouvés un des principaux centres touristiques du pays, les rixes ne sont pas rares entre dealers sur Pusher Street, les touristes mitraillent de leurs yeux les habitations soigneusement rénovées et entretenues, le commerce y semble prépondérant. Est-il possible de créer un nouveau monde sans y projeter l'ancien et recommencer les mêmes absurdités ? Seul le virtuel telle l'expression artistique échappe à cette fatalité, car ces mondes libertaires s'inscrivent toujours comme des îlots de résistance au milieu d'une galaxie humaine autrement plus puissante dans ses us et coutumes. Un monde plus juste ne peut exister en marge, c'est le monde lui-même qu'il faudrait pouvoir changer pour transformer les relations entre les hommes et les femmes. Il n'empêche que l'expérience de Christiania est passionnante et nous promener parmi les collectifs autogérés, les maisons inventives, les sourires partagés, est un plaisir renouvelé. À la sortie on peut lire : "Vous entrez dans la Communauté Européenne" !

mercredi 11 juillet 2012

Les Soirées des Rencontres de la Photographie sur ARTE Creative


ARTE Creative met en ligne les Soirées des Rencontres de la Photographie qui se sont déroulées au Théâtre Antique d'Arles la semaine dernière, du 3 au 7 juillet 2012, sous la voûte étoilée.
Commençons par Elliott Erwitt accompagné par la percussionniste Linda Edsjö. Pour quelques passages Antonin-Tri Hoang à la clarinette et moi-même à la flûte, aux guimbardes et à la trompette, les rejoignons. Arte a découpé la prestation d'Erwitt en deux parties.


Directeur musical, j'ai choisi les musiciens et musiciennes qui sont intervenus en direct, y participant parfois, composé une petite pièce symphonique pour le Prix Pictet, enregistré mon doigt sur une vitre pour l'animation que Grégory Pignot a réalisé du jingle des Rencontres d'après l'affiche de Michel Bouvet, illustré musicalement quelques autres sujets. Aujourd'hui vous pouvez ainsi voir ou revoir Magnum Première découpé en quatre parties et accompagné par la pianiste Ève Risser, les quatre leçons de photographie de Christian Milovanoff et l'American Puzzle de Jean-Christophe Béchet.


Vous retrouverez Elliott Erwitt, la Première fois des vingt photographes Magnum (1 2 3 4), les passionnantes leçons de Christian Milovanoff (On dit que les filles de Syracuse sont belles, On se souvient, Un beau souci, Des mots pour elle), la traversée américaine de Jean-Christophe Bechet, etc.
Les réalisations sont de Coïncidence (Olivier Koechlin, François Girard, Valéry Faidherbe).

mardi 10 juillet 2012

Copenhague, de l'autre côté du pont...


Copenhague 1972. Pour rejoindre Michaëla dont la grand-mère habitait Öland j'avais pris le train jusqu'ici et embarqué pour Malmö. La construction du pont de l'Øresund reliant les deux pays est récente. Le seul pont de la traversée était celui du navire sur lequel j'avais partagé un joint corsé avec des hippies qui m'avaient invité à dormir chez eux. Chez eux, de l'autre côté du pont, là où les fantômes vinrent à ma rencontre. Mélangerais-je ici le pont de Murnau et le bac de Dreyer ? Quoi qu'il en soit et qu'il en fut je passai le dernier à la douane. Les deux préposés avaient probablement remarqué mon abondante chevelure tombant sur ma tunique bleue et verte, et mon air hagard. La valise ouverte, ils flashèrent sur ma collection de flûtes que je rangeais dans le même tiroir de mon bureau que mes sachets d'encens indien. Reniflant les parfums de l'Orient ils eurent un soupçon. Et si j'y cachais quelque produit prohibé ?! Comme ils ne voyaient rien en y glissant un œil, germa sous leurs casquettes une idée de génie. Je ne parlais pas un mot de suédois (si ce n'est "jag älskar dig"), mais je suivais parfaitement leur association d'idées. Imaginez-moi, seul, complètement défoncé, dans cet immense hangar à minuit passé, regardant deux douaniers souffler dans mes flûtes pour s'assurer que je n'y avais rien planqué. Ce duo improvisé et surréaliste fait partie de mes grands souvenirs musicaux. Relâché une demi-heure plus tard faute de preuves, je ne retrouvai pas les passagers qui m'avaient offert joint et hospitalité, mais qui avaient filé fissa. Dehors pas un chat. Malmö ressemblait à une ville fantôme. Du Delvaux. Je résolus de dormir sur les marches de la gare de chemin de fer. Le matin je fus réveillé tôt par des mouettes qui m'inspectaient sauvagement en volant tout près de moi.
Quarante ans après, j'aperçois la Suède du hublot.

Le nouveau métro nous amène à Nørrenport où Birgitte nous attend pour nous accompagner chez elle et Claus. Je suis très heureux de retrouver Birgitte Lyregaard que je n'ai pas vue depuis le concert de notre trio El Strøm. Aujourd'hui-même, Sacha Gattino, le troisième larron, est sur la route de Rennes où il emménage.


Nous nous reposons enfin dans la tour de la copropriété où nos amis ont élu domicile. La grande maison de briques rouges a plus d'un siècle. Les escaliers étroits forment parfois labyrinthe lorsqu'il faut rejoindre les toilettes à mi-étage, et la salle de douche, collective à l'immeuble, est quatre étages plus bas. Les formes épurées et blanches de l'appartement cèdent alors la place à des couloirs gris et mystérieux où nous craignons de croiser les fantômes évoqués plus haut...

lundi 9 juillet 2012

La belle équipe


Avant le spectacle de jeudi dernier, Linda Edsjö fait une incantation à la pluie qui menace. Ça marche ! Les hallebardes ne dégringoleront que vers deux heures du matin, lorsque nous aurons rangé le marimba, les clarinettes, mes instruments en carton et le matériel électronique qui craignent l'eau. Tuiles : la bâche qui protège la table de mixage contre l'humidité bloque les potentiomètres et le moniteur reste éteint au lieu de reproduire les images projetées. Seule solution : tout contrôler avec le volume du master et se tordre le cou pour surveiller la projection de 9x9 mètres. Gros succès. Olivier Koechlin a pris une photo-souvenir de notre duo. Les anches d'Antonin-Tri Hoang cisèlent les quinze séquences du Prix Découverte qui s'enchaînent sans temps mort...


À côté de lui, je change d'instrument toutes les deux minutes sans me prendre les pieds dans le tapis. Sur mon établi de chirurgien je les ai disposés de façon chronologique et j'ai répété les passages de l'un à l'autre. Entr'acte. Comme c'était prévisible Elliott Erwitt commente ses photographies avec un trait d'humour sur chacune. Linda structure le temps et l'espace avec ses claviers de percussion, tandis qu'Antonin et moi venons de temps en temps en renfort avec la clarinette et le sax, la flûte et la trompette. Très présents, le marimba et le vibraphone n'empêchent jamais la compréhension du texte tout en suggérant des humeurs tendres, graves ou comiques.


Lorsque nous terminons de ranger, le public a disparu de l'amphithéâtre antique. Drôle de sensation d'espérer nous en être bien sortis quand les compliments attendront le lendemain. La musique en direct donne du relief à l'ensemble des Soirées. À l'avenir j'aimerais pouvoir tout sonoriser ainsi, avec des improvisateurs aussi zélés, capables de rattraper n'importe quelle situation. Tout est évidemment préparé pour pouvoir jouer ensuite confortablement, quels que soient les aléas du live.


Les trois réalisateurs, François Girard dit Gila, Valéry Faidherbe et Olivier Koechlin (au centre) qui dirige l'équipe de Coïncidence ont bien mérité leurs bières, commandées tard dans la nuit Place du Forum. Linda, Antonin et moi rencontrons enfin Elliott Erwitt avec qui nous avons joué sans aucune concertation préalable. Il est plus de quatre heures du matin lorsque je m'endors.

samedi 7 juillet 2012

La nuit de l'année


Nous nous promenons le long du Rhône. Quinze écrans ponctuent la balade. Il y a un monde fou. C'est la plus populaire des nuits. Certains lieux impriment leur magie à l'installation éphémère : une cour d'école, le quai de Trinquetaille, une projection sauvage sur un pilier... Les étoiles qui entourent l'animal totem de cette nouvelle édition des Rencontres d'Arles réfléchissent celles qui tombent du ciel comme une humidité étincelante. Certains pensent que c'est un loup ; son créateur, l'affichiste Michel Bouvet, dit "le renard" ; probablement un renard bleu ; nous préférons y voir une louve, comme si son lait nous permettrait un jour de fonder la ville de nos rêves. Rien ne se construit seul. Aussi n'aurai-je de cesse de chercher mon frère jumeau ou ma sœur jumelle dans les rues, dans les maisons, dans les livres, sur les écrans... Comment reconnaître ces amis ? Un mot, un regard, ce que nous partageons, des idées, l'humour, l'engagement, les songes... La vie, résumera-t-on, à condition d'y entendre tout ce qui pousse et non ce qui l'étouffe. Assez de bitume, assez de couvercle, de non-dit, d'infos analgésiques, assez de répétitions, assez de certitudes, assez de rien !
Les images projetées en plein air vomissent trop de souvenirs, pas assez de visions. On pensait s'être débarrassé de l'ancien président, il encombre les écrans. Et le nouveau n'inspire que platitude aux photographes. Leur regard politique réfléchit trop souvent le formatage de la société du spectacle. À se croire objectif le boîtier n'enregistre que des clichés. Le discours est démobilisé, il ressert les mêmes plats qu'à la télé. Il y a pourtant de belles photos. Les expositions fleurissent. On y fait son petit marché. On marche beaucoup.


Nous sommes séduits par les flous du Russe Igor Posner présenté par Prospekt. La Nuit de l'Année est confiée aux agences photos, orchestrée par Claudine Maugendre et Aurélien Valette. Si, comme le prétendait Orson Welles, il suffit d'enlever un paramètre à la réalité pour entrevoir la poésie, les flous de Posner joue du circonlocutoire, tournoyant autour d'un centre sans jamais le toucher. L'héliocentrisme des flashs, des lampes ou du jour ne suffit pas. Toute œuvre est une morale, écrivait Jean Cocteau. Le travelling est affaire de morale, surenchérissait Jean-Luc Godard. Parfois elle se révèle, parfois son absence se fait criante, quelle horreur ! Ce sont encore des mots de Cocteau, des Parents terribles d'abord, mais surtout au moment où le poète se fait transpercer par une lance dans Le testament d'Orphée. Et Godard de reprendre encore une fois l'extrait dans ses indispensables Histoire(s) du cinéma. Oui, certains s'amusent sans arrière-pensée (toujours Cocteau) ! Alors on attend avec impatience la quatrième et dernière leçon de photographie de Christian Milovanoff ce soir au Théâtre antique, intitulée Des mots pour elle.
Il faut beaucoup regarder, ailleurs écouter, pour trouver son bonheur. Il existe. C'est le vecteur qui nous entraîne et nous pousse. Il n'est jamais fini. C'est même cela, la beauté de l'infini.

vendredi 6 juillet 2012

Des milliers de pèlerins venus du XXIIe siècle


Presque tout le monde en Arles se promène avec un appareil-photo autour du cou. C'est hallucinant. Ceux qui n'en ont pas ressemblent à des gens vêtus dans un camp de nudistes. Dans les années 1970 Captain Beefheart et son Magic Band furent refoulés à Orly pour, faute de passeports, avoir impertinemment répondu qu'ils étaient des pèlerins arrivés du XXIe siècle. Comme les douaniers interrogaient l'un des musiciens sur l'appareil-photo autour de son cou, celui-ci répondit avec aplomb que c'était un membre du groupe. Il n'avait pas d'ailleurs non plus son passeport. Aucun humour ces pandores !
Mon Lumix est si petit qu'il a l'air ridicule à côté des objectifs phalliques et des angles grands ouverts sur le désir. Cherchant à illustrer mes articles, j'en viens à me faire photographier simplement avec les autres musiciens qui accompagnent les projections au Théâtre Antique soir après soir. La question des droits d'auteur n'arrangent rien à l'affaire. Il est interdit de photographier dans les expositions des Rencontres d'Arles, même si les touristes font des milliers de clichés de ceux qui sont déjà accrochés aux cimaises. Pour le coup je comprends mieux la protection que le mitraillage clonique. Entendre cet adjectif aussi bien dans sa déclinaison du clone que dans la définition du dictionnaire : "caractérisé par des convulsions saccadées, brèves et répétées à courts intervalles".
Le matin j'ai le temps d'aller voir les expos aux anciens ateliers de la SNCF. Beaucoup de choses intéressantes, mais rares celles qui m'emballent. Pourtant et pour une fois, une installation vidéo fait sens, Murs de Mehdi Meddaci dont l'approche, néanmoins différente, me rappelle Terres arbitraires de Nicolas Clauss, dans sa dimension socio-politique comme dans son exigence plastique, cinq grands écrans formant no man's land entre documentaire et fiction devant lesquels on reste fasciné.
Pour illustrer ma matinée je finis par me rabattre sur l'explosion des pianos de Nicolas Henry et les révoltés de la moumoutte, réalisée sur place avec photographies et mobilier de récupération, sur les affres de la guerre. J'entends "... des nerfs". À s'en boucher les oreilles, à en devenir sourds, le silence envahissant cette impasse au fin fond des hangars tout au bout de la visite. Face aux nouvelles académies ou aux expérimentations, leurs sculptures composées de bric et de broc construisent un îlot de fraîcheur, travail d'équipe qu'aucune introspection n'équivaudra jamais, même à produire des chefs d'œuvre. La jouissance de vivre à plusieurs est à mettre en balance avec la souffrance intime de ne pouvoir faire autrement que de créer. Les deux se complètent. L'une sans l'autre reste stérile à mon sens comme à mes sens. Partager.

jeudi 5 juillet 2012

Musique pour le Prix Découverte et Elliott Erwitt


Catalina nous a surpris en train de dévaler la rue des arènes sur les fesses sans user nos fonds de pantalons ! Le duo avec Antonin-Tri Hoang illustre ici l'annonce de la troisième soirée au Théâtre Antique. Le célèbre photographe Elliott Erwitt présentera son œuvre seul en scène avec la percussionniste suédoise Linda Edsjö.

Antonin et moi la rejoindrons probablement, après avoir accompagné les cinq nominateurs du Prix Découverte des Rencontres d'Arles, soit quinze séquences de deux minutes, un exercice de haute-voltige consistant à annoncer la couleur en quelques secondes, à changer d'ambiance pour chacun des quinze lauréats, et ce en moins d'une minute de musique ! Les nominateurs sont Phillip S. Block, directeur des programmes et de l’éducation à l’International Center of Photography à New York, John Fleetwood, directeur du Market Photo Workshop, école et galerie d’art à Johannesburg, Tadashi Ono, directeur de la section de photographie et art contemporain au sein de la Kyoto University of Art and Design, lui-même diplômé de l’ENSP, Jyrki Parantainen, professeur de photographie contemporaine à la Aalto University, School of Arts, Design and Architecture à Helsinki et Olivier Richon, professeur de photographie au Royal College of Art à Londres. Rien que ça ! Mais le gagnant est désigné par un public de professionnels. Et Antonin de souffler dans ces trois vents, sax alto, clarinette et clarinette basse, tandis que je joue à saute-instruments entre acoustique - flûte, trompette à anche, percussion, guimbardes, boîte à musique - et électronique - Tenori-on, Kaossilator, Crackle Box plus l'iPad... Pour une fois mes tendances de zappeur fou se justifient !

Auparavant, avec Gila, j'aurai illustré le Prix EPA, European Publishers Award, pour lequel cinq éditeurs européens, Actes Sud (France), Dewi Lewis Publishing (Royaume-Uni), Peliti Associati (Italie), Kehrer Verlag (Allemagne) et Apeiron (Grèce), s’unissent autour d’un projet de publication. Pour les Soirées, l'équipe de Coïncidence est composé de deux autres réalisateurs, Olivier Koechlin et Valéry Faidherbe, qui s'octroient chacun la responsabilité des montages photographiques et de leur projection géante. Si Valéry avait monté Magnum mardi soir, hier c'était au tour d'Olivier de rythmer les images sur la symphonie que j'ai composée pour le Prix Pictet dont le thème est cette année Power, la puissance ! En regardant les images j'ai plus souvent pensé à Power of Destruction... Céline Le Guyader fait la navette entre tous ces bonshommes tandis que Manuel Braun chapeaute la Nuit de l'Année sur les Quais de Trinquetaille demain soir.


Nous n'en sommes pas encore là. La semaine en Arles est toujours une course d'obstacles que nous franchissons chaque fois avec succès, mais parfois dans des affres terribles où les courses de vitesse rivalisent avec les marathons. Fidèle à la coutume, Gila a projeté la mozaïque d'images d'Erwitt sur Linda Edsjö et moi pour immortaliser notre passage dans le studio improvisé de l'ENS. Ce soir, si Linda joue du marimba, du vibraphone et des percussions avec le facétieux Elliott Erwitt, on peut dire qu'elle joue aussi sur du velours. Comme le photographe aboie aux chiens et se promène dans la ville avec une trompe d'auto fixée à sa cane, rien d'étonnant à ce que son double antinomique André S.Solidor ouvre la bal !

mercredi 4 juillet 2012

Faux pas


J'ai réussi mon coup. J'hésitais entre la photo d'une horde de touristes ou une plongée dans la piscine de l'hôtel. Après avoir visité quelques expositions centre ville j'ai choisi la baignade solo. Il n'y avait pas un chat ni au bord ni dans l'eau. On raconte qu'ils n'aiment pas l'eau, mais c'est une généralité que l'expérience dément. En me rhabillant j'ai heurté mon trop célèbre petit orteil gauche contre le parapet et, tout à coup, le séjour arlésien a changé de visage, le mien aussi. Boîter, souffrir et sourire figé. Mon orteil ressemblait à un bonzaï, je l'ai redressé dans le sens de la marche, façon L'arme fatale. Quand je pense que j'ai gambadé toute la matinée ! C'est du passé. Dix granules d'arnica montana, un profond mépris pour la douleur qui monte, qui monte, passer chez le pharmacien pour acheter une bande qui solidarise les deux orteils, et le tour est joué. La solidarité entre orteils, il n'y a que ça de vrai. C'est comme pour les personnes. En cas de coup dur, ça vous remonte le moral. Dommage que je n'ai pas mon métronome pour pratiquer l'EMDR, la dernière fois la guérison avait été spectaculaire. Cela ne veut pas dire "mort de rire" pour autant, mais "eye movement desensitization and reprocessing", une sorte d'auto-hypnose qui reprogramme la mémoire du corps ! Alors on a fait avec les moyens du bord. En se concentrant sur la musique et les photos.
Avant qu'Ève Risser ne joue à saute-moutons avec les vingt photographes de l'Agence Magnum et que je la rejoigne à cloche-pied pour les Postcards from America, j'ai beaucoup apprécié la première des quatre leçons de photographie consacrée au portrait par Christian Milovanoff et intitulée On dit que les jeunes filles de Syracuse. Passionnant et fondamentalement humain. À suivre les soirs prochains... Au Musée Galliera, grâce à l'exposition Mannequin - le corps de la mode j'ai vérifié mon attirance pour le travail tant photographique que cinématographique de William Klein... Demain j'irai à bicyclette voir ce qui se trame aux anciens dépôts SNCF.

P.S. : mise en ligne de la leçon de Christian Milovanoff par Arte Creative !

mardi 3 juillet 2012

Magnum, leur première fois


Eh non, ce ne sont pas des photos de l'un ou l'une des dix-neuf photographes qui présenteront ce soir Leur première fois sur l'écran de 9 x 9 mètres du Théâtre Antique ! On n'entendra pas ici non plus le piano préparé d'Ève Risser qui les accompagnera dans ce tour de force initié par les Rencontres de la Photographie. Pour voir et écouter il faudra se rendre en Arles où le spectacle se déroulera sous les étoiles. Les photographes de la coopération Magnum Photos viennent, en écho aux trente ans de l’ENSP, parler de leurs premiers pas en photographie. Se succéderont ainsi Bruno Barbey, David Alan Harvey, Richard Kalvar, Abbas, Thomas Hoepker, Harry Gruyaert, Eli Reed, Peter Marlow, Susan Meiselas, Larry Towell, Bruce Gilden, Christopher Anderson, Chien-Chi Chang, Paolo Pellegrin, Gueorgui Pinkhassov, Jacob Aue Sobol et quelques absents tels Martine Franck, Olivia Arthur, Alex Webb et évidemment Robert Capa.

À la fin de ce programme haut en couleurs et tapissé de noir et blanc je rejoindrai Ève pour les cartes postales de Looking for America commentées par Alec Soth. Mon instrumentation se résume cette fois à un harmonica, un hochet et le clone d'une guitare jouée à l'archet électrique. En mai 2011, cinq photographes de Magnum – Mikhael Subotzky, Jim Goldberg, Susan Meiselas, Paolo Pellegrin et Soth – plus un auteur, Ginger Strand, font le voyage d'Austin, Texas, à Oakland, Californie, 1750 miles. Cette année, Jim Goldberg et Alessandra Sanguinetti, rejoints par huit autres photographes de l'agence, choisissent Rochester, dans l'état de New York, ville de Kodak et Rank Xerox, comme étalon des États-Unis à quelques mois des élections présidentielles américaines. J'ai sous-titré notre intervention Americana tandis qu'Ève trouve un petit air de Wim Wenders dans notre interprétation. Ce n'est pas la seule évocation des États Unis que j'aurai à traiter d'ici samedi, bien que le thème des Rencontres soient cette année Une école française.

Merci à Gila pour les photos sur lesquelles j'ai découvert après coup que ma comparse faisait le clown pendant que je figeais la pose. Same same, but different.

lundi 2 juillet 2012

Marathon fantôme


Sur fond de vents célestes et de ritournelles au célesta résonnent de drôles de bruits et de voix affolantes. Entre le déménagement à Rennes de Sacha et mon départ pour les Rencontres de la Photographie en Arles nous sommes sur les starting blocks, terminant à l'arrache la première mouture du design sonore de la Famille Fantôme pour le nouveau jeu sur iPad des Éditions Volumiques. Ce n'est pas la première fois que je travaille en binôme avec Sacha Gattino. Nous avions déjà conçu ensemble le design sonore de Balloon, la première appli iPad des Éditions Volumiques, composé la musique d'un teaser pour Chanel, et surtout nous avons monté le trio El Strøm avec la chanteuse danoise Birgitte Lyregaard qui devrait commencer à tourner l'année prochaine.
Nous avons presque tout enregistré au Studio GRRR et Sacha s'est chargé de finaliser les fichiers pour préserver l'unité de l'ensemble. Il a réalisé les boucles musicales tandis que je me chargeais des mélodies aux ondes Martenot. Ma fille Elsa a incarné les personnages féminins comme nous nous étions époumonés nous-mêmes en jouant les fantômes, exercice risqué qui casse facilement la voix si l'on n'y prend garde. Il nous restera à régler les niveaux lorsque tous les sons auront été intégrés et probablement faire quelques retouches. Les animations concoctées par Étienne Mineur et son équipe vont probablement susciter de nouvelles idées. Il est toujours excitant de créer un monde, d'imaginer cet impossible poétique que notre souci de cohérence finit par faire exister.