En appelant Power Symphony la musique du Prix Pictet que je composai pour sa présentation au Théâtre antique à l'occasion des Rencontres d'Arles de la Photographie je m'étais évidemment inspiré du thème de l'année, Power, la puissance, mais je n'avais pas remarqué le nom du cargo échoué à Fukushima et photographié par Philippe Chancel !

Le gagnant du Prix Pictet n'étant révélé par son président d'honneur, Kofi Annan, que le 9 octobre prochain, à l'occasion du vernissage de l'exposition qui se tiendra du 10 au 28 octobre 2012 à la Saatchi Gallery de Londres, je ne peux que voter virtuellement pour cette photo qui ferait une très belle couverture à ma propre petite symphonie. Un prêté pour un rendu !

L'exercice était périlleux. La série d'images de chacun/e des douze photographes devait durer exactement une minute pour n'en favoriser aucun/e. Chaque mouvement devait présenter au mieux leur travail, dans toute leur diversité, mais je désirais que l'ensemble fasse œuvre d'un point de vue musical avant qu'Olivier Koechlin ne finalise le montage du spectacle.

Le sujet se prêtait évidemment aux effusions dramatiques, surtout après avoir admiré la déforestation en Oregon par Robert Adams en 1999 (Turning Back), l'océan d'hydrocarbures par Daniel Beltrà en 2010 (Spill), les jeunes des quartiers par Mohamed Bourouissa en 2006 (Périphérique), les ravages du tsunami à Tohoku par Philippe Chancel en 2011 (Fukushima: The Irresistible Power of Nature), la prison de Guantanamo par Edmund Clark en 2009 (Guantanamo: If the Light Goes Out), différentes vues des côtes par Carl De Keyzer en 2009-2011 (Moments Before the Flood), la folie des hommes par Luc Delahaye en 2008-2011, les traces de Tchernobyl par Rena Effendi en 2010 (Still Life in the Zone), bureaux et salles à manger vides dans le monde arabe par Jacqueline Hassink (Arab Domains), les manœuvres de l'armée américaine en Californie par An-My Lê en 2003-2004 (29 Palms), les membres siégeant à l'ONU par Joel Sternfled en 2005 (When It Changed), la violence au Congo-Kinshasa par Guy Tillim en 1997-2006 (Congo Democratic).

Toute la musique fut ainsi jouée en temps réel, le plus souvent un mouvement après l'autre, sur un clavier échantillonneur façon deus ex machina. Douze fois une minute dans l'ordre alphabétique, le genre de commande qui justifie de composer une musique originale plutôt que de tenter vainement de trouver un ou plusieurs morceaux existants qui conviennent. Les lauréats ayant tous traité le sujet de manière plutôt sombre, j'avais annoncé la couleur pour avoir le feu vert de mes interlocuteurs : "dramatique et symphonique !"



Lancé en 2008, sous l'impulsion de Pictet et en collaboration avec le Financial Times, ce prix est le premier au monde dédié à la photographie et au développement durable. Quant à ma petite symphonie, créée en public le 4 juillet 2012, on peut l'écouter ou la télécharger à cette adresse sur le site drame.org parmi les 92 heures d'inédits mis en ligne gratuitement !

Ou ici dans son intégralité (12'08) :