Gary me prête un CD de ZAUM, le groupe du batteur anglais Steve Harris. Comme d'habitude je fais une recherche sur Google pour étayer mon article et j'apprends que l'auteur de l'album I hope you never love anything as much as I love you est mort depuis déjà quatre ans. Il en avait soixante. J'ai tout de suite été séduit par l'originalité des improvisations du groupe avec lequel je ressens de profondes affinités musicales. La pochette spécifie d'ailleurs "composition instantanée" plutôt qu'improvisation. Ils sont sept : Cathy Stevens (violectra), Geoff Hearn (saxophones), Karen Wimhurst (clarinettes), Udo Dzieranowski et J'm Black (guitare), Adrian Nawton (échantillons live et trouvés), plus Andrea Parkins (accordéon et ordinateur) et épisodiquement quatre chanteuses parmi lesquelles l'épouse de Steve Harris, Cathy Prince.
On s'y prend souvent trop tard. Comme lorsque l'on remet sans cesse au lendemain la visite à un ami et qu'un jour ce n'est plus la peine. Certains prétendent qu'ils sont débordés, mais ce ne sont que de faux prétextes, on a toujours le temps de faire ce que l'on souhaite faire, personne n'est dupe, assumons nos choix. D'autres proclament ne pas avoir cinq minutes et vont droit dans le mur. Mais là j'arrive seulement après la bataille parce que je ne savais pas. Je ne savais pas que j'avais un cousin à la mode de (Grande) Bretagne qui voulait s'échapper du jazz tout en en adoptant les meilleurs concepts, la liberté, l'appropriation individuelle dans un contexte collectif, la rapidité d'esprit, la conversation... De l'autre côté on s'affranchit du blues avec ses douze mesures, des standards et autres thèmes imposés, du swing des Afro-Américains et de l'impérialisme culturel des USA, pour privilégier les ambiances cinématographiques, des timbres inédits, l'héritage de la musique classique européenne, les bois et les cordes plutôt que les cuivres, une encore plus grande liberté, une manière de penser par soi-même loin de tous les formatages que les marchands tentent de nous imposer par leurs choix éditoriaux et leurs programmations paresseuses ou par voie de presse trop souvent à leur botte. Steve Harris, comme tant d'autres heureusement encore vivants, était un homme libre. Il va en falloir beaucoup plus pour renverser la vapeur et sortir notre époque du marasme où le Capital l'enfonce.